Je voudrais dire que je me sens aujourd'hui conduite à aller au delà de Dieu.
J'ai le sentiment que ce qui est en jeu, pour éviter l'anthropomorphisme que serait : " est à l"oeuvre" (pourtant souvent commis à Son égard), Le dépasse largement. Ou plutôt Le déborde, non seulement en ce qu'Il est une projection faite par notre esprit, mais en tant que tel.
L'idée ici est que le déficit n'est pas tant un déficit d'explication que de justification. Notre incapacité à déplier le monde (déplier son sens, pour autant qu'il ait quelque chose à signifier), n'est pas aussi criante que notre impossibilité à le justifier.
Or ce droit à justification semble être, paradoxalement, plus à notre portée, en ce sens qu'elle est déjà plus à l'intérieur de notre juridiction, de notre ressort, donc de notre compétence, dans cette belle zone où le langage du droit fait se recouvrir ces notions.
Le nom de Dieu est, dans bien des langues : "Celui qui est", ce qui le dispense explicitement de s'en justifier, puisque cette définition ne fait que l'opposer à nous, qui n'avons ni avant ni après. Mais cette racaille d'Adam eut vite fait de dénoncer la supercherie, et je vais encore franchir un degré dans le mauvais goût en inversant ma proposition : " Etre, c'est bien joli que d'être, mais qu'en a-t-on à faire ?"
Qu'a-t-on à ce faire de tout ce temps, de toute cette éternité, sinon des choses périssables, dont l'intérêt ne réside que dans l'infini des possibles. La toute-puissance, c'est finalement l'étendue des possibles. Une sorte de nécessaire infinité de temps pour tous les déplier. pour faire disparaître la nécessité du sens, il faut abolir la possibilité de la sélection, c'est à dire la possibilité d'opposer que quelque chose soit à la place de quelque chose d'autre qui n'a pas été choisi et donc n'existe pas.
Quand tous les possibles auront eu le même droit d'apparaître à l'existence (ou d'exister dans le mode de l'apparition), il n'y aura plus de justification de choix à opérer, donc plus de sens à chercher.
Le sens n'existe pas en soi, il n'existe que la quête de celui qui se demande pourquoi telle chose est, et non pas telle autre. Il suffit d'attendre que tout ait été. Le monde est donc composé comme nous le pressentons tous de deux miroirs qui se font face : l'image apparaît dans le premier miroir et pas encore dans le second, et nous nous demandons pourquoi. Mais il suffit d'attendre que la création se propage, et nous verrons que les roses peuvent être aussi : noires, en or, bleues, que les chaises peuvent avoir 20 pieds, que les chiens appartenant à l'Empereur se tiennent, la langue haletante, à côté des chiens bleus par ordre de taille.
Il suffit de laisser à l'image le temps de courir entre les deux miroirs et elle arrivera. On voit bien que la question de la totalité est encore enfermée entre les deux miroirs. elle n'est que l'extrapolation linéaire par notre conscience, d'une conscience plus grande, qui maîtriserait l'infini de l'espace et du temps des miroirs. Ce qu'elle fait d'ailleurs. Mais comme je le signalais dans un précédent billet, ça n'arrange rien en ce qui nous concerne.
Cela ne résout pas la question de la justification de l'être. Et j'écrirais bien " de l'Etre ", pour signifier le fait d'être, comme on oppose le Dire et le Faire. Mais Dieu me l'a chipé. il a bien fait : cela masque la cachette de la poignée de la bibliothèque pivotante.
Et c'est là que notre disparition (la mort) prend la tournure d'un instrument, en ce qu'elle nous invite, en toute chose à considérer la fin :)
Elle nous invite à considérer que la solution n'est pas dans le débat: " nous sommes finies/éternelles", mais à aller plus loin, au-delà. Notre fin matérielle marque la fin de notre questionnement sur notre possible (et espérée :) éternité de petite conscience, mais pas pour ouvrir sur l'espoir de la participation à une conscience plus large (qui reste envisageable, pour rassurer les plus timorées d'entre vous, que je vois se tortiller sur les immondes chaises oranges en plastique, invitées désormais obligatoires de toute conférence et qui montre le niveau d'indigence auquel est tombée notre civilisation, un mouchoir humide tortillé en boule entre vos petits doigts serrés trop fort).
Non, pour aller encore plus loin. Elle nous invite à planer, sur les eaux de la Sagesse, qui ont assisté à la naissance de Dieu, à planer tranquille sur les eaux brillantes, pour voir à loisir scintiller tous ces possibles. C'est un voyage reposant.
Mais il y a plus loin encore. Il faut aller au delà de l'Etre et du Temps.
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