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mardi 9 juin 2015

Joli mai de moi

Choses glanées au hasard de mes balades sur le net au mois de mai.  J'hésitais un peu à vous faire tenir cela, mais les grommellements de l'ami Kwarkito me poussent à assumer les miens, et je vais faire ma vieille ronchon sans complexe.

Andreas Amador

Contenu millénaire, pillage.


Un travail incroyable, énormissime, gigantesque, surdimensionné, viagresque,
performancafantasmatticogorique. Dans la famille " Sandcastle building contest", je voudrais le dessineux, sivouplai.

Des miroirs polis de 4 mètres de diamètres ! On les réutilisera pour des satellites. Faudra me l'envoyer nettoyer les portes, aussi.

Tiens d'ailleurs, je voulais la mettre depuis longtemps, celle-là, je la kiffe tellement, cette meuf.


Bien, reprenons


Énorme, massif, surdimensionné, inutile. Saleté plastique qui continuera de polluer pendant des siècles.

Quand je vois ce genre de galerie, je me sens rassurée, j'avais peur que le marché de l'art n'ait mis la main sur quelque nouvelle façon. Mais non, rien. Enfin, surtout de la peinture d'après photo, c'est vraiment le courant de fonds. Le travail effectué par la machine ne me fait pas peur, comme disent les informaticiens.

Naum Gabe, Chicago.
 Énorme, performance, travail incroyable. Sculpture monumentale dont le propos se résume à " construction dans l'espace". Travail d'ingénieur mécanicien du XX ème siècle par lequel l'art devait passer. Mais bon, je comprends. C'est plus pénible au XXIème avec les mecs sponsorisés par les aciéries.

Genre de phrase qui me rappelle cet article de l'infrangible Guillemette.

Poppy Power
 Son commentaire : " Mon inspiration fut l'anatomie". Sans blague.

Sandrine Bonamy
Toujours dans l'exploit, le choc visuel... Dialogue avec l'espace, le décor, bla bla... Mais je comprends aussi.
C'est comme si l'art n'en finissait pas de repasser par les mêmes figures, avec des aspects nouveaux. Les infinies variantes de la même intention, indispensable pour le sujet, déjà vu pour l'observateur extérieur. C'est comme le sentiment amoureux, toujours neuf pour l'adolescent qui profère ses serments, passage obligé, et attitudes convenues pour la vieille ronchon que je suis devenue.

" Natacha, fous donc la paix aux gens, ils font ce qu'ils veulent, ils créent ce qu'ils veulent". Oui, je sais, tu as raison.

Mais bon, tout de même, en comparaison, pas besoin d'en faire des mètres ni des tonnes, autant faire petit, mais efficace (Jude Hill), même si on reste dans de l'espace occupé par des formes, la tête se hisse hors de l'eau.


Allez, pour la bonne bouche, extrait du forum lié à un site genre showyourcroute.com :


Au tournant d'une discussion sur "où avoir des cartes de visite à pôchèèèèr " pour se faire vénérer des foules, le monsieur nous ramène à ce que je pense être du cartel, de la médiation culturelle, disons du discours. Il se sent même obligé de mettre le gros mot " démarche " entre guillemets pour être sûr qu'aucune accusation d'intellectualisme ne lui collerait encore à la semelle. Il lui faut rassurer son auditoire sur le fait qu'il n'y a strictement rien dont on puisse s'emparer dans son oeuvre, juste le nirvana à contempler, quoi.

Je vous recommande l'écoute de cette émission, surtout à partir de 29:00, c'est édifiant. Un peu dans le même registre, ce dessin charmant :


Qui pourrait servir de structure à une double série de phrases à variables :
  • What you've got to understand is the destruction of  the planet may be the price we have to pay for X
  • may  be the price we have to pay for a healthy economy.
Vous pouvez remplacer X et Y par beaucoup de choses, vous tomberez sur une des occurrences du discours qu'on vous sert. Bon, je vous ai assez livré de choses intéressantes pour aujourd'hui, je trouve.

Et pourtant, you will discover that, when the mood takes me, i can be quite generous.

En effet, je vais vous gratifier d'une autre de mes précieuses réflexions sur l'art.

Années 70 : je m'émancipe par l'exploitation

Années 90 : enfin prête pour l'insémination artificielle

Années 2010 : la maternité a changé de camp, je ne suis plus un champ de courses pour ton jus.
 D'autant plus que le jeu a parfois des enjeux. Qui pour ne pas souhaiter, dans ce genre de cas, que la technique se décarcasse pour fabriquer des prothèses intra-utérines ? La destruction de la planète est-elle un prix à payer pour des embryons en bonne santé.

 Donc, où en étais-je. Ah oui, l'art. Si on se réfère aux trois grands fléaux pointés par Freud, notre impuissance face aux éléments de la nature, l'inéluctable déréliction de notre corps physique, et nos difficultés de communication avec les autres, l'art serait un bon candidat à la place de consolateur dans bien des cas.

Allez, je reviendrai, ne vous inquiétez pas. Il y a suffisamment de quoi râler un peu partout pour faire un article.

jeudi 4 juin 2015

La soupe au caillou, le meurtre des savoir-faire par le " progrès " industriel

Vous connaissez sûrement ce conte populaire, intitulé La soupe au caillou, mais je vous le résume. Un étranger arrive chez un couple de paysans avant le dîner et leur demande le gîte et le couvert pour la nuit, promettant en échange de leur donner la recette de la soupe au caillou.

Les paysans demandent ce que c'est, et l'étranger leur répond que c'est une soupe qui ne demande pour être faite d'autre ingrédient qu'un caillou au fonds de la marmite, permettant de fabriquer autant de nourriture qu'on veut à bon marché.

Alléchés par une telle proposition, ils offrent à l'étranger le gîte. Celui-ci s'installe, demande à boire, et leur commande de mettre une bassine d'eau à bouillir, et d'aller chercher un caillou qu'il place au fonds de la marmite. Il passe une bonne soirée devant le feu, et pendant que la soupe au caillou se fait, il leur recommande d'y mettre des pommes de terre pour l'épaissir, des navets pour donner du goût, etc.

Le lendemain, l'étranger s'en va en ayant, vous l'aurez compris, bien grugé les crédules imbéciles. Il leur a fait faire une soupe ordinaire.

Il y a un exemple de ce type de comportement avec l'industrie textile, un pillage qui s'opère à grande échelle sur plusieurs continents depuis de nombreuses années, et auquel vous participez activement, en ayant acheté tout ce que vous avez sur le dos, car j'ose espérer que vous n'avez pas l'inconvenance de lire mes billets nus.

Voici la recette de l'arnaque.

Au cours des XIXème et XXème siècle,. L'industrie promet de filer de la laine, en plus grande quantité, mieux, plus vite, et sans fatigue.

En réalité, les filières industrielles ne se seront jamais adaptées au matériau. Elles n'arrivent pas à filer cette fibre trop courte, et si on tente de faire un fil fin, ça casse.

Et c'est là que le pipeau prend le relais. Puisqu'elle n'arrive pas à filer la laine, l'industrie va demander à la fibre de s'adapter. Elle va demander aux autres industries de lui fournir des fibres synthétiques. C'est le " progrès" (Amen, Heil, on ne peut pas faire autrement)

Donc on met de moins en moins de vraie laine, comme ça la machine idiote arrive à filer.

Dans le bien des cas, elle aura recours au fil tuteur, c'est à dire une âme dans une matière pourrie, qui soutiendra la couche factice. (Comme tout le reste de l'industrie).

Idem pour le tissage, etc. Résultat, on a des tissus non tissés, pourris, irrécupérable, irréparables. Mais c'est pas grave, on jette et on rachète.

Tout cela est bel et bon.

Mais pendant ce temps où l'industrie peine à avouer qu'elle a échoué à tenir sa promesse, une autre, non prévue, s'est accomplie. C'est que les fileuses de laine, les vraies, les humaines, avec des mains, elles sont bel et bien mortes.

D'abord désoeuvrées, puis au chômage, puis mortes, c'est tout un pan de la société qui s'effondre, et avec lui, les savoir-faire qui disparaissent, et qu'on ne pourra plus recréer.

Car c'est bien là que le bât blesse, c'est que la sottise n'est pas anodine, c'est un dégât dont les coûts de restauration sont énormes. Mirifiques les économies promises par l'industrie, les progrès jamais réalisés, colossaux, les coûts sociaux réels de sa propagation dévastatrice au profit des quelques familles d'actionnaires.

Certes, la classe moyenne s'est enrichie sur le dos des prolétaires, après leur mort le déluge, et qui veut la fin veut les moyens, même si ce moyen est la destruction de l'avenir, en le rendant " irrécupérable".

Car maintenant que la fortune de ces quelques uns est garantie par les mirages de la Bourse, qui paye la fatigue chronique et la dépression des chômeurs ?

Qui pour réapprendre aux gens à filer, à se réapproprier leur vie ? Les grands capitaines d'industrie ? On les attend au pied du rouet, ces incapables, pour réparer les dégâts du pillage et des meurtres qu'ils ont perpétrés envers les savoir-faire et les humains qui les détenaient, tout cela pour alimenter la pompe à fric, la soupe au caillou en laquelle tous les gogos ont cru.

Et vous croyez que vous n'en faites pas partie ? Mes pauvres... Gaïxoa, comme on dit là-bas..., pauvres dupes imbéciles.

Vous croyez qu'il vont arrêter une recette qui se vend aussi bien et qui les engraisse aussi facilement ?  Vous voulez les versions modernes de la fable ?

Le drone qui livre votre courrier ? Mais c'est vos boîtes aux lettres et vos rues qui vont s'adapter à ce que ne sait pas faire la saloperie de machine.

Puisque oui, la classe moyenne, elle a couru mettre ce pognon en gage pour acheter des voitures :D

Elle s'est ruée comme une zombie toxico sur les produits qu'on lui faisait miroiter, et le pognon, pfuittt. adieu pognon, adieu savoir-faire, adieu outils, adieu tout, prends moi tout, occupe toi de tout.

Et la voiture qui conduit toute seule ? Mai ce sont vos routes qui vont s'adapter, se couvrir de balises. Et lorsque la voiture vous dira " Je ne sais pas aller là, ce n'est pas balisé", eh bien vous n'aurez qu'à obéir. parce que votre voiture, elle n'aura plus de volant *.

Et les gens qui habitent là, s'ils veulent être joints, eh bien ils devront payer. Et pendant ce temps là, les facteurs seront au chômage. Et les gens voleront pour manger. Et on vous vendra des milices privées pour vous protéger.

Et on vous aura baisés jusqu'à l'os, jusqu'à la moëlle. Et ce sera bien fait. Parce que des crétins de votre calibre, ça se ramone au manche à balai, avec des graviers.


Il suffisait de persuader la classe moyenne qu'elle allait s'enrichir sur le dos du reste, en fermant les yeux sur le reste, pour que ce soit la classe moyenne, la plus nombreuse, qui assassinât tranquillement la société.

Opérations mains propres !

Il suffisait que le mécanisme garantisse une petite montée en gamme des classes populaires pour que tous se retrouvent le couteau entre les mains, à assassiner leurs amis, leur famille, foutant leur voisin au chômage et les dépouillant définitivement des moyens de l'autonomie : savoir-faire, outils et techniques.

Car aux gogos qui croient qu'on pourra revenir en arrière, je recommande de trouver des outils capables de travailler le cuir, le bois, le métal. Et sans cuir, sans bois, sans métal, pas de fourrage, pas de bêtes, pas de carriole, pas de transports, pas de matières premières.

C'es un peu comme si l'étranger avait fait signer aux paysans en partant une interdiction de réutiliser leurs graines et leur avait laissé un catalogue de cailloux en ligne.

C'est donc une victoire totale, la plus simple, celle qui coupe à l'ennemi la route de la retraite, qui lui interdit de revenir en arrière, et le réduit en esclavage.

Vae Victis, vraiment, on ne cesse d'avoir pitié de vous qu'à force de vous voir vous acharner à faire votre malheur. Remettre à ce point là votre destin entre les mains de vos exploiteurs malgré les sirènes d'alarme, ça mérite la râclée que vous allez prendre.


* Ca vient de tomber :
Palo Altours le lance le 23 juin 2015, et Vinci Autoroute alloue une enveloppe de 90 000€ pour développer et mettre en œuvre les projets qui seront sélectionnés.

Il est ouvert à tout le monde (étudiants, développeurs, designeurs, riverains, automobilistes de l'agglo...)


En septembre, nous organiserons des ateliers pour constituer des équipes (développeurs, design, idées...) et rencontrer les interlocuteurs de Vinci Autoroute."

Et vous, en septembre, vous faites quoi pour protéger votre doux petit cul, comme disait Selby dans La Geôle, un ouvrage que je vous recommande ardemment.

Quand on voit ce résumé de lecture, " Un homme, dans une cellule. Entre quatre murs, dans une lumière permanente. Rien pour mesurer le temps qui passe durant ces journées interminables, uniquement ponctuées par les repas et le bruit de la porte qui s’ouvre, puis se referme.. On ne sait pas qui il est, ni ce qui l’a amené ici "

Eh ben ma pauvre chérie, t'as des sacrées peaux de sauc' devant les yeux comme ont dit. C'est bête que tu aies raté le film de ce qui l'a amené là...

mercredi 3 juin 2015

Still life (Plaidoyer pour l'analogique)

Trouvé ceci ;

" La photographie numérique est pourtant une photographie. Le temps du doute sur sa nature, exprimé au début du développement de l’image digitale, est révolu. La plupart des théoriciens n’estiment plus à juste titre que la distinction entre digital et analogique soit véritablement déterminante4. L’opinion selon laquelle seule l’image analogique maintiendrait un véritable index avec la réalité est caduque" 

--- Fin de citation. Vous pouvez baisser le bras. Vous n'avez pas le choix, l'option est caduque. Veuillez cliquer sur la case que nous vous avons indiquée.

Dominer du mort,  il y en a visiblement que ça excite. *



Désolée de ne pas faire partie de " la plupart", de braver le décret, mais je ne suis pas d'accord. Désolée de conserver une opinion que je préfère mienne et caduque.

Il ne s'agit pas d'analogique, mais de matériel, justement. L'image numérique n'est pas" immatérielle", toute image l'est par définition, par rapport à ce qu'elle représente. L'image numérique est échantillonnée, brisée, numérisée, hachée en bits. La frontière, toujours conservée optiquement, est découpée. Elle n'est plus une image, elle est une suite de bits, comme toute donnée informatique.

Il y avait toujours une fonction de continuité, un trajet identifiable entre le modèle de la photo et la surface argentique, un chemin du rayon à travers les lentilles. On secouait à un bout, ça remuait à l'autre.

Maintenant le lien est brisé, il y a une " interprétation " de la lumière et des couleurs, et une " recomposition de l'image" plusieurs fois avant même qu'on la voie dans le viseur, et elle sera encore réinterprétée plusieurs fois avant d'apparaître sur chaque écran.

Voir dans un récent numéro du journal  La Décroissance la chronique sur le rétroviseur numérique, qui est un peu l'inverse : pour changer l'homme, interposons entre lui et le monde une réalité plus facile à gérer.

Je sais à quel point (Cf. Rizzolatti et les Neurones Miroirs chez Odile Jacob) l'image "perçue" a été bien avant d'avoir été " perçue par moi comme perçue", fragmentée, puis interprétée par le cerveau, mais tout de même. Ces circuits nous appartiennent en propre, ils ont grandi avec nous.

Autre passage :

" Le LoA ‘photographie brute’ de la définition correspond aux données image RAW dans le cas du numérique, au négatif dans le cas de l’argentique, à la plaque du daguerréotype, etc. Cette assimilation est reconnaissable jusque dans le vocabulaire récent de la photographie numérique où l’on tente de retrouver une expertise proche de celle du laboratoire argentique avec la notion de “développement” des fichiers RAW."

Sauf qu'un négatif ou une plaque, on voit l'image. Sur un fichier RAW, il faudra me faire la démonstration.

Adam Lister
Une " approche de l'approche ".

Evidemment, on est là dans un autre registre. La différence, on la sent ou on ne la sent pas. Si on ne la sent pas, si on ne la voit pas, alors oui, on peut affirmer qu'un fichier informatique maintient un véritable index avec la réalité. Le tout est de savoir laquelle.

Pour ma part, tant que je ne risque pas la déportation, je continuerai sur le papier. Mais j'avoue ne pas pouvoir justifier cette défiance épidermique que j'ai vis à vis du numérique. On pourrait me dire " Simplement parce que tu n'es pas née avec".

Dans un sens si justement, j'ai vécu le passage de la lampe au transistor, puis au chip et à la carte, de l'argentique au numérique. Certes je ne suis pas une " native numérique", mais cela me semble un peu simple comme explication.

Et dans un sens, non justement, ce qui me préserve plus de l'évidence béate de sa bénédiction, de l'irrésistible envie de lever le bras avec un filet de bave devant le " numérique", garantie de  bonheur contenue dans le " mieux", c'est de ne pas être " née avec ", c'est d'avoir le recul nécessaire pour juger de ce que cela apporte... et de ce que cela enlève, ce que les plus jeunes ne peuvent pas savoir.

Parce qu'au fait, c'est quoi qu'on a perdu, c'est quoi cette saveur indéfinissable qui a disparu au passage, avec l'odeur des produits, l'ambiance, les lumières et les matières ? C'est aussi la visite chez le photographe, remplacé par le dialogue avec les machines.  Ah, tiens, irruption de l'Autre.

C'est quoi qui disparaît lorsque les relations humaines disparaissent ? Faudra-t-il le perdre pour le comprendre ? Et comment saurons nous alors ?

Pourquoi ai-je systématiquement l'impression que le passage au numérique s'accompagne d'une perte d'âme ?
Est-ce parce qu'il s'accompagne systématiquement de cette injonction de ringardise qui consiste à ériger en principe l'interdiction de dénigrer le " progrès", quel que soit le sens de son mouvement ?

Comme s'il était interdit d'admettre qu'on s'est trompé, à la mesure de l'impossibilité de corriger l'erreur, caractéristique que ce phénomène partage avec le larsen.

Notre ego serait si bafoué d'admettre cette erreur qu'il s'emploie avec frénésie à empêcher tout retour en arrière, il justifie une erreur par la suivante pour disculper la précédente, mieux, pour la glorifier et lui donner une perspective. C'est ce que font les serial killers.

Mais vers où veut nous emmener ce mouvement? Car nous allons vers la connexion entre le biologique et la machine. Nous sommes sur le point d'effacer la distinction entre le vivant et les structures, entre le flou et le numérique, entre l'esprit et la matière, ou si l'on préfère, de relier les deux.

Mais je pense que nous devrions prendre quelques instants de réflexion avant que de tourner le bouton. Car le problème, c'est que personne ne nous demande notre avis. On nous amuse avec des disputes sur la famille untel qui se dispute, mais comment se fait-il que personne ne nous dit qui est en train de tourner ces boutons, et si c'est une seule personne , ou bien plusieurs.
Comment se fait-il que ces décisions et ces orientations tombent toujours comme des ordres ? Comment fait-il que personne d'entre nous ne participe à cette réflexion alors que chacun participe à sa mise en oeuvre, comme des robots ?

Pourquoi est-il interdit de réfléchir à ce qu'est cette chose si ténue et que nous détruisons sans savoir ce que c'est, sous les ordres d'une apparente nécessité, qui dicte chaque jour un peu plus l'obédience à la machine ?

Réfléchir à l'état dans lequel se trouve quelqu'un privé des moyens de recouvrer sa liberté. Et si cette liberté était celle de recréer une âme, de décider de son sort en serait-il de même ? L'option serait-elle aussi caduque ?

Si notre infini était justement contenu dans cette possibilité de finitude, si la liberté était dans le flou, dans la fracture ? Le flou numérique n'abordera jamais le flou réel, et c'est tant mieux. Parce que le flou réel, est, lui réversible par soi à tout instant.
Mais il peut s'interposer, privant définitivement le citoyen des moyens d'accès au réel, s'y substituant. Et là il y a un problème.

Laisser faire, c'est laisser l'un détruire l'autre, se laisser déposséder de la possibilité de reprendre...

Alors participer même au débat comme je le fais en tapant sur mes touches deviendrait criminel, la seule solution étant la pure passivité. Résister par l'immobilité, faire confiance à la destruction qui vient. Introduire le plus grand désordre possible, pour laisser à nouveau couler le flux du vivant.

Ai-je le choix de décider de la nature du lien qui me relie à la réalité ? Ai-je encore le droit de décider que ce lien ne sera pas numérique ? Ai-je encore le choix de préférer l'analogique ? Dans plein de domaines, c'est déjà aboli. Il faudrait veiller à préserver à cette possibilité quelque territoire.

* D'ailleurs c'est marrant parce que rien n'intéresse tant ces fans du numérique que les forêts, les levers de soleil sur l'eau, les fleurs, les grenouilles, et les bâtiments des hôpitaux soviétiques désaffectés, c'est à dire le réel analogique que leur industrie est en train de tuer.