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dimanche 29 novembre 2015

De la distance de soi aux autres II

Je repars donc sur ma question :" En quoi, dans le meilleur des régimes démocratiques tel que nous le connaissons par exemple dans notre cher pays, la France, suis-je concernée par les lois de cette république ?"

Nous avons vu dans le précédent article sur le sujet que la réponse " parce qu'elle s'applique à vous " est tautologique et injustifiable. La répression fonctionne, mais sur une base illégitime. On réprime l'écart sans avoir assis la norme (la norme serait de justifier ce sur quoi on se base pour référer le prévenu au référentiel dont lui reproche de s'être écarté).
On a vu aussi que, considéré que je n'ai jamais demandé à avoir la nationalité française ni aucune caractéristique de ce genre, tout me fut imposé par des justifications en cascade.

Dans le présent article, je vais aborder les raisons pour lesquelles j'ai intitulé cette série " de la distance de soi aux autres". Aborder n'est pas solder.

La "distance de soi aux autres", c'est un espace intérieur que je parcours dans la latitude qui m'est laissée, celui de la rencontre entre moi et les autres (du moins la représentation que je m'en fais dans cet espace, bien entendu). J'emploie "le moi" au sens du moi freudien (1), et je dis " les autres " pour éviter l'expression " le monde."

En effet, on dit d'une personne psychotique qu'elle est dans " son monde", et ce monde est noté comme étant un monde interne à la personne, propre à sa construction délirante, voire hallucinatoire, et non pas " le monde " des honnêtes gens.

Inversement, si  l'espace " des autres " (le mien vu de leur point de vue) coïncide avec ce qu'ils perçoivent quand je dis " le monde". Alors " les autres " se perçoivent comme situés dans " un monde " qu'ils partagent avec moi, et ils disent que je suis en bonne santé.

Autre postulat de départ avec lequel on ne peut je pense qu'être d'accord :  nous naissons psychotiques, et même autistes.
La lente médiation de ce qui advient à nous par nos perceptions, la perlaboration d'une représentation de ces perceptions médiatisées, la patiente construction d'un édifice d'interprétation de la façon dont s'agencent ces représentations est un processus qui fait aller la " frontière " psychotique, la membrane de l'unité fusionnelle mère enfant de l'origine, depuis l'extérieur vers l'intérieur. Elle est centripète, elle envahit par l'extérieur, faisant régresser le territoire psychotique jusqu'à un noyau " équilibré", bref, je n'y connais rien donc je ne m'étends pas là-dessus.

Toujours est-il que notre moi ne peut s'y retrouver qu'en composant, en négociant avec cet envahissement de l'extérieur pour en retirer des satisfactions " culturelles" dont Freud a assez décrit le caractère ambigu, mais passons aussi, là n'est pas mon propos.

Mon propos est que la santé mentale découle de la construction du moi et d'une identité, donc une limite que j'oppose à cet envahissement du dehors. Mon identité, par individuation, se construit sur le refus d'admettre que tout l'extérieur est moi, et ce dans les deux sens : je fais régresser mon moi, qui occupait avant tout l'espace, vers l'intérieur, mais par là, il conserve une " aire" légitime. Il y a les objets, et il  y a moi, et un dialogue doit s'instaurer, dans lequel je suis acteur, mais aussi auteur. Je pense que tout le monde ne peut qu'acquiescer à cela tant je ne fais que répéter ici de la psychologie de base.

Par exemple, si quelqu'un vous dit qu'il agit au nom d'un mot qui représente pour lui une vraie entité animée de la volonté de ses participants, que cette entité vivante est symbolisée par des objets inanimés,  s'il tente de vous convaincre de vous joindre au groupe, vous allez soupçonner cette personne d'un délire psychotique ou d'appartenir à une secte.

Si maintenant on vous demande d'adhérer aux concepts de patrie, de nation, qui ne sont rien d'autre que des entités intellectuelles, donc des mots, et d'incorporer ces concepts, de les intégrer pour agir selon les valeurs associées; si on vous demande de croire que des objets comme un drapeau représentent quelque chose, alors là d'un coup, on ne vous demande plus d'adhérer à un délire collectif, mais au contraire, vous passez du côté des gentils patriotes et des bons citoyens, vous adhérez à des choses valorisées positivement. Mais vous avez simplement intégré les croyances de la secte des patriotes, vous les avez " rejoints" comme le cytoplasme de deux cellules fusionnent.

Là où le bât blesse pour moi, c'est que si les adventistes du 7ème jour du grand nuage violet me demandent d'adhérer à leur délire, je peux refuser. Quant à l'administration, si elle me demande de participer à son hallucination collective ou du moins à sa représentation organisée d'entités inanimées qu'on a dotée de personnalité (l'état vous ordonne de faire ceci ou cela, au nom de la nation, de la patrie, du peuple réunis sous les lambris, que sais-je), ce n'est pas sous forme d'une proposition.

On ne me donne pas le choix, du moins pas d'autre choix que d'être acteur, dans le bon sens, d'un scénario dont je ne suis pas l'auteur. On me demande de " jouer un rôle", et bien.

On ne me demande pas si je me sens concernée ou pas par la vision collective mise en place par ces lois, et que la police et la justice sont chargées de finir d'appliquer, dans ce que l'anglais appelle le " law enforcement".

Les lois de la république, et l'immense barnum qui va avec, sont la seule représentation du monde à laquelle je sois forcée d'adhérer.

Or nous avons vu que la construction du moi demande une liberté de l'individu à pouvoir opposer ses propres valeurs aux propositions envahissantes de l'extérieur. L'individu qui obéit passivement à toute injonction est aussitôt diagnostiqué comme clivé, réfugié dans un monde intérieur imaginaire, malade.

Or le citoyen obéissant est vu par la démocratie comme le citoyen " normal", l'autre étant un délinquant à rééduquer.

Voilà je pense posés quelques éléments qui permettent au lecteur de s'orienter dans ma perspective : La distance de soi aux autres est un espace sur lequel coexistent plusieurs histoires entre " moi " et les autres..

Un premier calque est pourrait-on dire " l'histoire individuelle ", celle qui a lieu lors de la construction du moi, une histoire entre le bébé et sa mère, puis les parents, les proches, les premiers éducateurs, tout ceux qui vont contribuer à la mise en place de ce moi.

Cette première histoire, le jeune enfant va réaliser au cours de son passage qu'elle est " emprise " au sein d'une seconde histoire, celle de la société (2). Jusqu'ici, sa volonté s'opposait à une liste fermée d'individus : si je  ne peux pas faire ceci ou cela, c'est parce que ma mère, mon père, mon instituteur, mon camarade me fait savoir que cela ne leur plaît pas que je le fasse.

Très tôt l'enfant va  " anonymiser " l'interdiction à l'aide de l'expression " ça se fait pas ", qui peut désigner soit un interdit perçu comme collectif, soit fantasmé comme collectif, projeté, et que l'enfant tente en la circonstance d'appliquer à son propre cas pour dénoncer ce qui lui semble une injustice qui lui est faite.

Mais petit à petit, l'enfant va réaliser qu'à côté de ces codes territoriaux tacites, existe le fameux corpus des lois de la république. Et qu'elles s'appliquent lui comme à tous. Brusque élargissement de l'assise. Le consensus disparaît dans le processus de représentation, les pratiques électorales, et la frontière de ce consensus disparaît à l'horizon.

Le dilemme résultant est une distorsion d'échelle. Sur le mètre qui me séparent des autres dans mon espace corporel, je dois projeter l'image de l'ensemble du dispositif social. Ce qui régit mes rapports avec mon voisin est surdéterminé par une vision fantasmée par d'autres, mais qui s'applique néanmoins à moi avec la minutie millimétrique des menottes, et autres violences policières, en cas de remise en cause.

Comment espérer que cette projection se passe bien dans tous les cas ? Tous ceux qui ont eu à faire une projection publique d'un film ou de photos savent qu'il y a une combinaison entre la taille de l'image, les dimensions du local de projection, le recul du projecteur, bref, soit ça fonctionne, soit il faut changer quelque chose.

Or il est évident qu'au départ, ça ne fonctionne pas. Il est évident qu'au départ, je veux tout pour moi, les autres ne sont là que pour s'effacer ou me servir. Lorsque je découvre que les autres ne sont pas à mon service, ne sont pas que des prolongements de ma volonté, alors une régression du territoire de ma toute-puissance s'opère. Mais il faudra qu'elle s'arrête avant que j'aie peur qu'elle progresse trop, et ne me laisse plus de place.

Il va falloir une adaptation. C'est donc à l'individu qu'on va demander de s'adapter au plus vite pour que ça fonctionne un peu tout de même. Or on demande à l'individu de s'adapter en quelques années, tandis que l'esprit des lois, lui, met des années ou des dizaines d'années, voire des siècles à s'adapter. Et encore, on ne lui " demande " pas. On lui impose de jouer sans pouvoir accepter ou refuser les règles.

Nous connaissons tous nombre de cas où nos rapports présents avec le voisin sont régis par des lois qui ont des siècles de retard par rapport à un contexte réel qui évolue rapidement. Même si ce n'est encore qu'un détail.

 Infondée, la pression législative est  en outre toujours en retard par rapport au milieu où j'ai grandi, et aux extensions progressives que j'ai construites à partir des quelques contrats de gré à gré établis au début de l'enfance.

Une restriction infondée, mal mesurée, inappropriée, non consentie et décevante (3), est donc opérée de force sur les frontières du moi de la personne sur laquelle elle étend son emprise. C'est là la définition d'un viol.

Là où la propriété est vol par préemption d'un espace interdit à l'autre, et " justifié " par les lois qui protègent la propriété par la force, la loi mise en oeuvre lors de l'interpellation et de la détention est viol par emprise forcée d'un moi collectif halluciné sur celui d' une individualité à laquelle le collectif impose de régresser pendant la période de soumission du viol. (D'où que c'est de l'intérieur que les prisons imploseront)

Les cyniques rétorqueront que c'est bien là la terreur grâce à laquelle on espère empêcher l'individu de contrevenir à la loi. On rappelle à l'individu les régressions qu'il s'est imposées enfant de peur de perdre l'amour des autres, et on lui laisse entendre qu'il suffit de continuer à se comporter ainsi. On m'accordera que si cela fonctionne pas mal pour la quiétude de la quasi-totalité des soumis parce qu'ils sont nantis d'une contrepartie acceptée, il reste que premièrement ces derniers volent et violent dès qu'ils pensent que ça ne se voit pas, et deuxièmement du point de vue philosophique, c'est indéfendable.

C'est indéfendable, parce que le petit chef de guerre dans les pays prétendument " chaotiques", à qui le quidam moyen est contraint de faire allégeance ne procède pas autrement (Cf. les prisons improvisées du petit chef de quartier, où on leur fait réviser le Coran, dans la ville où une ambassade UK avait sauté, il y a quelques années, Egypte ?). Ni le petit fonctionnaire corrompu à qui je cède, et dont les exemples pullulent de par le monde.

Ces pratiques ont tendance aujourd'hui d'ailleurs à s'étendre de l'adulte vers l'enfance. Dans les écoles primaires en France, les enfants sont publiquement évalués à l'aide de points de couleur. Les roses (gentils) ont des droits étendus, les autres ne peuvent plus emprunter de livres. Ils sont punis par des sanctions inappropriées en cas d'écart de conduite (Le rapport entre un trouble du comportement et l'interdiction de lire ?). Tout cela pour éviter d'avoir à faire correctement le travail d'éducation.

Autre exemple, l'évaluation professionnelle chez l'adulte. L'évaluation se fait par formulaires quantifiés qui comprennent le " savoir-être ", c'est à dire le degré de maîtrise de son mécontentement, donc sa soumission canalisée. Cela évite le rapport humain et permet de se retrancher derrière des critères quantifiés " objectifs". On désobjective l'humain (au sens de relation à l'objet) pour ne plus avoir affaire qu'à des rapports chiffrés.

 Et c'est là que j'en arrive à mon sujet. N'y aurait-il pas un moyen d'introduire dans l'éducation des enfants, et dans le fonctionnement politique de la société, des éléments qui fassent que tout cela se passe mieux ?

Que serait un " mieux " et qu'est-ce que j'appelle " faire correctement le travail d'éducation " ?

Le mieux serait que tout rapport d'un être à un autre soit un gré à gré, et non régi par contrat imposé depuis l'extérieur de la relation.  Le mieux serait aboutir à un système qui soit meilleur dans les deux sens que peut prendre le trajet dans l'espace interpersonnel :
  • aller vers l'autre autant que possible, accueillir l'autre dans sa différence la plus grande comme une richesse.
  • avoir toute liberté de ne pas participer à un rituel social, à se retirer du jeu, et à pouvoir facilement et efficacement arrêter l'autre dans ses tentatives d'emprise sur soi.
Autrement dit, parvenir à ce qu'on ne m'impose rien, et qu'on ne m'incite pas à m'imposer à moi-même quoi que ce soit en quoi je ne me sois pas pleinement et sciemment engagé, et que j'ai la liberté totale de remettre en cause tout engagement.

Le travail d'éducation serait de parvenir à ce que chacun intègre cette façon de fonctionner, que chacun puisse discuter de ce contrat social jusqu'à temps qu'on ait épuisé tous les litiges. On va me répondre que c'est trop cher, les gens n'ont qu'à se payer des précepteurs, et tant pis pour les autres.

D'autres me diront que pour le coup, c'est moi qui suis en plein délire, et qu'aucune société ne peut fonctionner si tout individu peut à tout instant remettre en question les conventions sociales pour déplacer la ligne de ce qui lui semble applicable à son propre cas en la circonstance. C'est le fondement même de la règle qui semble battu en brèche.

Cette flexibilité est pourtant inscrite dans la loi même, par exemple avec la notion de " légitime défense".  Or pour reboucler une dernière fois sur l'origine de cette réflexion, les psychothérapeutes vous diront que certains passages à l'acte violent ont bien pour origine la perception d'un danger imminent pour le moi, contre lequel l'acte violent semble la seule défense possible pour protéger l'intégrité du moi.

Ce que je me demande, c'est s'il y aurait moyen de réduire le risque d'apparition de comportements considérés comme pathologiques, par une éducation appropriée de ce réflexe de protection, ou sa propre défense enjoint d'outrepasser les règles de la vie en commun. Et si oui, bien sûr, comment la pratique des arts textiles de manière accompagnée pendant l'enfance pourrait contribuer à cet objectif.

Voilà ce que je vais examiner maintenant, mais il me fallait poser le décor correctement, pour faire entendre dans quel cadre je situe ma réflexion.

Et bien entendu quand je dis " considérés comme pathologiques", j'entends les moindres de ces désordres, c'est à dire le malaise en société, dans le cadre familial ou scolaire. Et plus encore, dans la mesure où la médiation de l'apparition de ces problèmes contribue à soulager les souffrances de l'individu, contrecarrant ainsi les tendances à l'aggravation du risque d'apparition de " réelles " psychopathologies chez l'adolescent, et évidemment, l'adulte, citoyen et .... futur parent.

A suivre, donc.

 (1) Je ne dis pas que les deux se superposent, et certains usages que j'en fais ici peuvent choquer si on ne prend pas garde à cette nuance.

(2) Plus tard encore, l'individu se rendra compte que les idéaux sont " figés " dans les canaux fermés de l'action politique, comme les aspirations spirituelles sont " gelées" dans les structures religieuses du monde.

(3) Je ne dis pas qu'il y aurait au cours d'un viol quelque espoir déçu, je dis que c'est le viol qui constitue en lui-même une déception d'être protégée de l'agression par quelque puissance protectrice. La loi me "déçoit", en ce qu'elle est censée me protéger du viol, et non pas me violer. C'est pourquoi toutes les autres constructions de type féodal, depuis le clan des " grands frères du quartier " à la mafia, proposent également (sans tenir la promesse) protection en échange de la soumission.

jeudi 26 novembre 2015

Pause café



Collec de christesses glanées sur le veb. 


J'adore le côté Tiki mélangé au vautour. Les immémoriales ?


Toi aussi découpe des images dans tes journaux favoris, et classe-les par albums auxquels tu donneras un titre.

Ces deux là, je les aime à cause de la similitude de leur espace pictural avec des tableaux existant ou ayant existé.


Faudra leur dire que le monumental, c'est plus à la mode. C'est le microscopique qui fait foi, maintenant.

Une amie qui me montre ça, je réponds " Machine à jambon". Mettez là dans l'huile.

En matière d'art, rien ne vaut une bonne photo de culotte, moi je dis.



Sinon il paraît que je suis un zèbre, selon cette émission. Que devront-ils inventer comme nom d'animal pour ceux qui ont pire que deux sous de jugeotte et un petit pois sous le lit ? On m'avait traitée d'indigo, de cristal, mais pas encore de zèbre.

Remarque entre les " intellectuels précaires", et autres singuliers, il semble que FC participe activement à déterrer l'identification sociologique de mon groupe, j'avoue, merci les grandes sœurs.

J'intègre donc ce trait dans mes analyses, et je reviens.

Ah si, je voulais ajouter la photo de la Madame Crachedanslasoupe du mois :


Y'a une blague comme ça sur une partouze, mais je ne peux pas la raconter ici.

De la distance de soi aux autres I

En effet, il semble qu'on puisse admettre qu'on se  perçoit comme unique, alors que les autres nous apparaissent multiples. N'est-ce pas. Bien.

En fait ce billet a commencé par une  question que je me suis posée, et qui relève me semble-t-il du droit constitutionnel, bien que je n'en sois plus si certaine à force de la retourner, mais bon.

Cette question est la suivante : " Qu'est-ce qui, dans la loi, m'oblige à être concernée par la loi ? " ou autrement formulé, " Où est la loi qui dit que je suis concernée, moi, ici et maintenant par la loi ? ".

Pour ceux qui sont intéressés de poursuivre la discussion sur ce point, veuillez vous référer à la note (1).

Pour ceux qui admettent sans autre preuve qu'il y a là un flou, pour ne pas dire un vide juridique, il faut alors admettre que la société m'impose sa loi par la violence, c'est à dire au besoin et in fine, par des hommes armés qui vont m'assommer pour me traîner en prison.

Donc la société m'impose par la violence de me plier à des lois qui interdisent aux gens d'imposer leur volonté aux autres par la violence.

Et ce aux prétextes que :

1 - Cette violence est inscrite dans une loi fixe, que la société est chargé de faire " respecter ".
2 - J'ai moi-même des droits inscrits dans la loi.
3 - Cette loi est l'expression du plus grand nombre, ceci étant garanti par le suffrage universel.

Reprenons ces arguments :

Pour le 1, on voit bien qu'il est circulaire. Tous les régimes totalitaires votent tous les matins des lois liberticides qui arrangent les bidons du dictateur.

Pour le 2, j'ai tous les droits, sauf celui de contester la loi, il suffit donc qu'on restreigne, par la loi, le champ de contestation de la loi à ce qui arrange le législateur ,pour me réduire au silence souhaité. J'ai le droit de discuter les miettes qu'on a bien voulu me laisser à discuter, en revanche pour ce qui est du partage de ce qui se discute ou pas (la loi telle qu'elle est créée, promulguée et appliquée) JE n'a que le droit de se taire, c'est le système qui parle en mon nom.

On en arrive au 3, le plus coriace : la loi serait non pas l'expression d'un dictateur mais " du plus grand nombre", de la " majorité", d'où la violence policière commanditée par l'institution judiciaire puiserait sa légitimité.

Déjà, il est maintenant hors de doute que numériquement, c'est infondé. Les députés sont élus au mieux avec la majorité des non abstentionnistes, il s représentent donc au mieux quelques dizaines de % des votants, soit quelques % de la population. On est très loin de la majorité, donc aucune légitimité de ce côté là.

Ensuite quand on connaît les mécanismes divers de dilution de la liberté de parole, on sait que toute opinion qui diverge un peu de la ligne du centre bourgeois-mou, là ou ça fait semblant de débattre alors que ça ne fait que s'ébattre dans le marécage des trois familles de péquenots dominants du coin (articulés aux empaffés mondains du bourg voisin).

Que ceux qui veulent prouver que j'ai tort reviennent après avoir essayé de fonder une revue (et une action qui se base sur la propagande ainsi délimitée pour fonder un parti, recruter des militants etc. Les exploiteurs peuvent dormir tranquilles), qui ose mettre en doute la légitimité du recours à la violence pour l'application de la loi et... le devoir de tout citoyen de trouver un emploi dans ce système de violence illégitime.

A partir du moment où le personnel votant, non content de ne représenter que les quelques retraités qui ont eu le temps d'aller donner un ticket pour un autre tour de manège au système, est choisi dans une frange de costard-cravates d'allure pompidolienne qui acceptent, pour ne pas cracher dans la soupe, de s'auto-limiter à un champ mental qui n'autorise que des remises en question à la marge, vous conviendrez que les lois qu'ils voteront, nécessairement, auront pour " soubassement", le fait que toute contestation de la loi est, par essence une délinquance !

D'ailleurs le vote FN en est la preuve. Il est la preuve que ceux qui votent encore sont tellement désespérés de pouvoir déverrouiller ce système grippé qu'ils préfèrent voter pour une solution dont ils  préfèrent ne pas la connaître (2), de peur d'avoir la confirmation de la certitude déjà acquise qu'elle n'apporte rien d'autre qu'un peu de jeu, juste un peu de  latitude dans le choix, parce que cela semble faire bouger le paquet de rouille d'un centième de millimètre.

Il n'y pas plus d'adhésion qu'avant, c'est juste que la contestation, non du système, mais du manque de mobilité de ses composantes. du système.

Si le succès du FN s'étend, c'est parce qu'on additionne ces mécontents aux bourgeois retraités, politiquement si incultes qu'on peut encore en 2015 leur faire miroiter les recettes les plus éculées du populisme. Franchement, quand on regarde les candidats, on est dans la France du Général.

Nous sommes donc dans un système démocratique si exaspéré par l'impossibilité de se réformer qu'il lui vient des idées de suicide. C'est dire l'urgence ressentie de changer la façon dont la société doit changer le lien entre l'individu et la société qui s'appelle la loi, avant que la catastrophe ne s'aggrave.

Bon, déjà, c'est dégagé sur ce point. La violence policière n'a aucune légitimité à faire appliquer la loi en France en 2015. Et c'est un leurre d'un bout à l'autre de faire croire qu'il y a une différence de nature entre la violence exercée par la police via la justice sur un individu, et celle exercée entre individus.

Pour le dire autrement, tout ce que la société se propose à elle-même comme moyen de mise au pas des récalcitrants, sont la prison et la police, et tout ce que l'institution sait opposer à la demande de fermeture des prisons, c'est d'y fourrer de force ceux qui en contestent la légitimité ou tentent de s'y employer, c'est à dire ni plus ni moins que ce que fait une dictature totalitaire.

Regardez le film The Ditch, et vous verrez que le dictature chinoise trouve les crimes de ses délinquants tout aussi passibles de prison que les nôtres, leur écart à la loi est représenté de la même façon.

Qu'on traite de psychotique une personne qui déclare que dealer était le seul moyen de subvenir au besoins de sa famille dans sa cité, c'est pratique, cela permet de feindre ignorer cette réalité sociale en rejetant le déni de réalité sur le détenu. Cela n'enlève rien à la violence de la détention et au fait réel qu'il n"y a " aucune limite à ce que l'administration pénitentiaire peut utiliser pour nuire à un détenu " (3).

On me rétorquera que chez nous, la torture est interdite. Il est bienséant d'éviter le terme de torture, encore une fois pour rassurer le bourgeois qu'on traite les gens avec plus d'humanité que chez les barbares. Ce qui est vrai... à condition que la personne obéisse.

Il n'y a pas besoin de lire La Geôle de Selby, pour deviner que ce qui est imposé à un détenu est une torture psychique. Que toute personne qui me soutient le contraire ose l'assortir de mon droit à la séquestrer où bon me semble pour la durée que j'estimerai nécessaire...

Je plains les psychothérapeutes en milieu carcéral, qui n'ont qu'un mince manche à balai thérapeutique à mettre en travers du char d'assaut répressif de la prison. On aurait voulu faire une machine destinée à broyer les gens dans un processus de régression infantile vers un stade psychotique (en les coupant encore plus du réel, le hors prison, le vrai), on n'aurait pas fait autre chose qu'une prison. Que ce soit le "pré-symbiotique" de Simone Mahler ou le "primaire" d'Aulagnier, il est bien question dans la psychose des murs d'une prison à l'intérieur de laquelle le réel (les autres) ne fait que se représenter, mais à laquelle il reste extérieur.

A partir du moment donc, où est organisé (au sens qu'il est structuré, pas au sens d'une cause initiale, l'hypocrisie de classe y pourvoit) le déni de l'accession de l'individu à agir dans un monde politique qui ne correspondrait un minimum à sa représentation de la réalité, comment s'étonner que la société dérive vers toujours plus de violence pour réguler les quelques trublions qu'elle n'est pas parvenue à endormir par les drogues et la télé ?

Là je vois déjà les gens se lever avec des accusations de trouble à l'ordre public, donc je précise que je ne suis pas encore arrivée à ma question. Ce sont ici des préliminaires.

En effet, cette loi a-t-elle, au delà d'une légitimité que nous lui avons retirée, une sorte de " nécessité biologique", par où elle serait un préalable nécessaire à la constitution (aux deux sens du terme) et au (bon) fonctionnement d'une société ?

Y-a-t-il une légitimité à certains de mobiliser la force et pas à d'autres ? Pourquoi n'ai-je pas le droit d'envoyer la police tabasser et emprisonner les gens qui ne se complient pas à ma vision de ce qui est bon ?.

Mais... ne l'ai-je pas un petit peu, ce droit, du moment que je range mes désirs du côté de la police et de ceux qui la commandent ?

Et c'est là qu'on en revient à la question de départ. Mais je vais couper pour laisser un peu d'air, et faire une suite.

C'est marrant comme j'ai l'impression d'entrer en résonance petit à petit avec les concepts présentés dans cette page.




(1) Ci-dessous les échanges que j'ai eus avec une jeune juriste, en tentant de débroussailler la question de départ. Qu'elle soit ici remerciée pour le temps passé en recherches et mise en forme de la réponse. Je précise que les remarques et conclusions n'engagent nullement sa position personnelle sur les questions soulevées par mon billet.

Mais le moins qu'on puisse dire en conclusion, c'est qu'il n'a jamais été donné au citoyen le moyen d'accepter en conscience les lois qui le gouvernent.

Premier mail :

Et alors, la question est la suivante : " Qu'est ce qui dit que moi  je suis assujettie aux lois de la République Française ?"

J'ai déjà un peu réfléchi à la question et voici les réponses que j'ai écartées 

C'est parce que je suis sur le sol Français. Faux sinon il suffirait d'habiter en Espagne pour ne plus rien devoir à l'Etat Français.

C'est parce que je suis de nationalité française. Faux, sinon tous les anglais pourraient assassiner des gens en France sans rien craindre de la loi. 

C'est un peu tout ça. Oui, ben, alors c'est écrit où ?

La loi s'applique à tous, sans discrimination. Faux, on le sait bien. Les mineurs ne peuvent pas jouer au loto, par exemple.


Autrement dit, qu'est-ce qui fonde, en droit, le fait que la loi s'applique à moi ? 

Soit c'est une décision ex-nihilo basée sur je ne sais quelle adéquation (nationalité...) et alors ce n'est pas fondé en droit puisque cela me fut imposé, ou alors je fus prévenue, mais je ne me souviens pas d'avoir donné mon accord, ni signé en bas de la constitution.

Donc imaginons que j'aille devant une juridiction supérieure, admettons une cour européenne de je ne sais quoi, et que je dise " On ne saurait m'imposer par la contrainte quelque chose à quoi je suis opposé,   par exemple le respect de la loi de la République Frankaoui, sinon ce n'est plus de la démocratie.  Or la République ne sait pas si je suis opposée ou pas à ce que ses lois s'appliquent à moi puisqu'elle ne me l'a jamais demandé".

Que la république dise " ok, eh ben on va te le demander, et si tu réponds non, tu es déchu de la nationalité française, et tu devras demander un titre de séjour, et là on te fera signer que tu respectes les lois, sinon expulsion du territoire".

Et là je réponds " bingo, organisez la mise en place de la consultation des dizaines de millions de citoyens concernés. En attendant, vos lois ne s'appliquent pas à moi : vide juridique (et de taille, à la base) ". 

Réponse de la juriste au premier mail :

Je reviens sur ta question "Pourquoi suis-je assujettie aux lois françaises ?" 

Un premier élément de réponse est la citoyenneté. En effet, quand tu es citoyen français, automatiquement la loi française va s'appliquer à toi. Le fondement textuel est la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789. Ce texte appartient à un corpus de textes appelé le "bloc de constitutionnalité". Il s'agit de la Constitution de 1958, de la DDHC, du préambule de 1946 rédigé après la 2ème GM, et la charte de l'environnement de 2004. Je t'invite à les lire, ce n'est pas long et très instructif. 

Voici quelques extraits de la DDHC qui posent le principe selon lequel le citoyen est soumis à la loi française.
Je mets en gras souligné les passages qui constituent le fondement juridique:

Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789

   Les Représentants du Peuple Françaisconstitués en Assemblée Nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'Homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.
   En conséquence, l'Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre suprême, les droits suivants de l'Homme et du Citoyen.

Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.

Art. 2. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression.

Art. 3. Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.

Art. 4. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.

Art. 5.  La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.  

Art. 6. La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. 

Maintenant voici l'article premier de la Constitution de 1958:
La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
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Etre citoyen ça veut dire avoir la nationalité française et jouir de ses droits civiques et politiques. 
Par ailleurs, plusieurs textes règlent la question de l'application de la loi dans l'espace.
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Dans le code civil :

Article 3 Cciv
Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire.
Les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par la loi française.
Les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger.

Article 8 Cciv:
Tout français jouira des droits civils
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Dans le code pénal:
Article 113-2
    La loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République.
    L'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire.

    Article 113-6
    La loi pénale française est applicable à tout crime commis par un Français hors du territoire de la République.
    Elle est applicable aux délits commis par des Français hors du territoire de la République si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis.
    Elle est applicable aux infractions aux dispositions du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, commises dans un autre Etat membre de l'Union européenne et constatées en France, sous réserve des dispositions de l'article 692 du code de procédure pénale ou de la justification d'une sanction administrative qui a été exécutée ou ne peut plus être mise à exécution.
    Il est fait application du présent article lors même que le prévenu aurait acquis la nationalité française postérieurement au fait qui lui est imputé.
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    Qu'en penses-tu ?
    Ma réponse, le second mail, je souligne en rouge :

    Je retiens en particulier ce ci :



    Article 3 Cciv
    Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire.
    Les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par la loi française.
    Les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger.

    Qui montre qu'on est " saisi" selon le cas, soit en sa qualité de résident, soit en sa qualité de " national" (ayant telle nationalité) ?

    Notons déjà une différence : la loi de police " oblige ", les autres " concernent ". Nuance, certes, mais tout de même. Qui dit, peut-être, une sorte de " doute " dans la qualité de la notion qui m'intéresse.

    Maintenant, d'où tire-t-on que je suis obligée par les articles du Code Civil ? 

    Remontons d'un cran :

    >>Les Représentants du Peuple Françaisconstitués en Assemblée Nationaleont résolu d'exposer, dans une Déclaration solennelle,
    Grand bien leur fasse,


    >> les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'Homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs



    Qui assure que la loi est l'expression d'un droit naturel ? Qu'est ce que " l' Homme " ? que veut dire " " inaliénable", "sacré"... ?

    Peut-on prouver que je suis un " Homme " ? Si je dis que je ne suis pas un " membre du corps social", comment me prouver le contraire ?

    Pour finir, d'où tire-t-on que je suis obligée par la Déclaration solennelle de tel groupe de personnes ? 

    De la loi ? 

    Mais alors il faudrait une texte m'invitant à reconnaître que je me considère comme un membre du corps social, et que les obligations de se conformer au Code Civil (et à tous les autres) relèvent d'une conséquence de la Déclaration des Droits de l'Homme, dont ce me semble, aucun texte de loi ne stipule que ses dispositions me sont applicables ? Et en vertu de quoi ? 

    Je ne dis pas cela par cynisme ou par jeu, je me pose vraiment la question. 

    Je me pose vraiment la question en ce moment de ce qu'un individu doit à la société, et ce qu'elle peut exiger de lui, et en vertu de quoi. Le " contrat social". J'en parcours les fondements. Et là, je ne trouve pour le moment nulle articulation qui prouve que je sois concernée, et surtout, encore moins, que j'y ait donné mon accord.


    Troisième mail :

    Le vocabulaire utilisé en matière législative fait couler des kilo-tonnes d'encre, et donne matière à beaucoup d'interprétation. C'est d'ailleurs un des jobs de la justice, qui à part trancher des litiges, doit interpréter les lois (sauf en matière pénale, car la loi pénale est d'interprétation stricte, c'est à dire que tu appliques le texte et tu la fermes!). Ca fait partie de la jurisprudence (la jurisprudence est l'ensemble des décisions de justice).

    Pour l'art 3 du Code Civil, il est question des lois relatives à la police et à la sûreté. Mais c'est pas la police dans le sens les keufs. C'est la police dans le sens l'ordre public comme concept, comme entité à préserver. Les lois de police sont par exemple les lois relatives aux bonnes mœurs. 
    D'autre part, il est question des lois relatives à l'état et la capacité, c'est à dire si un mec est mineur, ou sous tutelle / curatelle... C'est la capacité juridique à accomplir certains actes.

    J'opposerai plutôt les termes "obligent" et "régissent". Et là on se rend compte que la différence est ténue. La nuance est spatiale. Obliger serait local, régir engloberait un espace plus large. 

    Pourquoi le code civil (et tous les autres codes) s'applique à toi ?

    Les codes sont en fait des lois regroupées par thème, et numérotées (on appelle ça la codification). Par exemple, l'art 3 Cciv est une vieille loi de 1803. Le code civil a été crée par Napoléon en 1804, et certains textes sont encore d'époque !!

    Donc pourquoi les lois s'appliquent à toi ?

    1) parce que tu fais partie du peuple français, ta nationalité suffit à le justifier. Et que tu sois intégrée à la société ou complètement en marge, tu es un membre du corps social, quel que soit ton mode de vie. Sur les fondements du contrat social, tu peux parcourir quelques pages de Rousseau.

    2) parce que l'appartenance au peuple français implique l'adhésion au régime politique qui comporte le mécanisme de la représentation nationale. Ah oui mais pourquoi ?

    Parce que la Constitution de 1958 (dont fait maintenant partie la DDHC) qui met en place le régime de la Vè République a été adoptée par référendum, c'est à dire la consultation directe du peuple français !! Les Français ont donc expressément adhéré à ce régime. 

    Sur la représentation nationale:

    Que tu votes ou pas pour tes représentants, que tu sois d'accord ou pas avec la composition du Parlement, les lois que ce dernier adoptent sont réputées avoir été adoptées par le peuple, par l'intermédiaire de ses représentants. C'est la loi du plus grand nombre. Montesquieu disait que le corps social abdique sa souveraineté dès qu'il a mis le bulletin dans l'urne. Et je suis absolument d'accord ! Comme le mandat impératif n'existe pas, nos élus sont libres de suivre ou pas les engagements pris auprès des électeurs. Et on voit bien que beaucoup s'en foutent. C'est pour cela qu'on se retrouve avec des lois dont on ne veut pas.  

    Il faut avoir à l'esprit que la DDHC est rédigée dans un contexte de rejet de l'Ancien Régime où le Roi avait plein pouvoir en matière de justice et de législation. Le peuple français, par l'intermédiaire de l'Assemblée, a entendu devenir son propre législateur. L'existence même du concept de loi et de contrainte qui en résulte n'est pas remis en cause, la question était de déterminer de qui elle émane. 
    La loi n'est pas que l'expression des droits naturels. Ce que les mecs appelaient à l'époque les droits naturels, ce sont les droits fondamentaux auxquels le régime portait atteinte, par exemple sur l'intégrité physique (je pense à des trucs sympas comme la torture, le droit de cuissage, l'esclavage etc... mais aussi l'atteinte au droit de propriété...). Depuis la DDHC, les droits naturels sont désormais protégés par la loi. 
    Inaliénable veut dire dont on ne peut disposer, qu'on ne peut pas supprimer, ni vendre, ni échanger... Aujourd'hui on ne peut pas vendre son droit de vote (même si je peux monnayer mon vote en acceptant un pot de vin, je ne peux pas vendre mon droit de vote à X qui est sans papier, X ne va pas voter à ma place), on ne peut pas échanger son nom de famille contre un baril d'Ariel (même si des mecs à particules se font payer pour adopter) etc... 

    Tu pourrais me répondre, ce n'est pas parce que mes ancêtres ont voté un truc que moi aussi je dois m'y soumettre. Pour l'instant je ne trouve pas de fondement juridique énonçant que le peuple est une notion "intemporelle". Et pourtant, des peuples ont disparu avec le temps. La réponse est peut-être philosophique... 

    Fin du troisième mail.

    Finalement, on voit que la juriste a trouvé une articulation qui n'est pas loin d'une solution. Je résume brièvement cette articulation :
    2) parce que l'appartenance au peuple français implique l'adhésion au régime politique qui comporte le mécanisme de la représentation nationale.

    ==> les lois que ce dernier adoptent sont réputées avoir été adoptées par le peuple, par l'intermédiaire de ses représentants

    One ne peut la faire sauter qu'avec l'argument arithmétique de la fausse représentation, articulée au fait qu'on ne m'a jamais signifié mon appartenance, due à la nationalité, due à la naissance, ni donné le choix.

    Je n'ai pas encore répondu à ce mail, pour plusieurs raisons. La première est que je souhaitais d'abord comprendre pourquoi cette question me taraudait, et j'ai maintenant la réponse. Secondement parce que le caractère circulaire des réponses, la fin de la dernière, m'a donné à penser qu'il fallait trouver des réponses plus profond dans le droit constitutionnel. C'est en cours mais je ne suis pas sûre de trouver mieux que ce que la juriste a trouvé.

    Pour ce qui est de la circularité, on la trouve notamment dans " 1) parce que tu fais partie du peuple français, ta nationalité suffit à le justifier.  " 

    Et puis, cette terrible remarque : " C'est pour cela qu'on se retrouve avec des lois dont on ne veut pas.   "

    Parce que tout est dans le " on " :  chacun est d'accord pour voter une loi selon laquelle la loi s'applique à tous, et ce même chacun n'est pas d'accord pour que la loi s'applique à lui-même. 

    Je sais que je n'invente rien, et que Freud a déterré tout cela il y a longtemps. Mais j'ajoute ici la remarque :
    C'est d'ailleurs un des jobs de la justice, qui à part trancher des litiges, doit interpréter les lois (sauf en matière pénale, car la loi pénale est d'interprétation stricte, c'est à dire que tu appliques le texte et tu la fermes!). "

    On en revient au constat premier : la justice met en oeuvre une violence qui est infondée en droit, et elle le fait en fermant les yeux (tiens, son bandeau) sur ce point aveugle, qu'elle est illégitime à faire appliquer la loi.


    (2) C'est la raison toute simple pour laquelle plein de braves électeurs disent ne pas être xénophobes et ils disent vrai. Ils ne le sont pas devenus plus que lorsqu'ils votaient Pompidou :D. Raison qui explique d'autres bizarreries de ce genre sur lesquelles on fait semblant de se gratter la tête. Ce dont les gens ont marre, ce n'est pas du système, c'est de leur impuissance à le changer. Mais ce blocage à changer a justement été organisé par ceux qui n' avaient pas intérêt à perdre les commandes :D Nous y reviendrons.


    (3) Je déforme ici un propos de détenu cité dans Les toxicomanes sur le divan, nouvelles pratiques, nouveaux défis Amal HACHET, Pascal HACHET, Editions In Press. 


    mardi 24 novembre 2015

    La politique de l'espace

    Cette interview de Rancière (je ne sais plus où elle est, vous retrouverez), je me rends compte à quel point il déterre une des raisons de ma fureur contre la technologie ; c'est qu'elle est le plus sûr allié de l'oppresseur lorsqu'il s'agit de lui fournir les moyens de découper le territoire pour assigner les gens à leur place.

    Je viens de revoir Les amants diaboliques de Visconti, et ce qui a frappé tous les spectateurs présents autour de moi, c'est la liberté de circulation qu'il y avait à l'époque. Tentez de vous rendre aujourd'hui de Rennes à Marseille sans passer une barrière de péage, impossible pour la route. Quant au TGV, on sent que ça piaffe.

    Découper l'espace, c'est le moyen d'assigner chacun à sa place : badge électronique qui vous permet de circuler dans telle zone de votre entreprise, qui vous empêche d'aller mettre le nez là où on estime que ce ne sont pas vos affaires , et qui vous dénonce si vous le tentez. Le fameux " besoin d'en connaître". Ne viens pas mettre ton vilain nez dans nos affaires.

    Tu n'as pas les moyens de payer ? Alors tu ne prends pas l'autoroute. Ni l'avion, ni le métro, ni les trains de banlieue. Tu restes là où tu es. Où ? Dans les zones de province désaffectées, où tu survivras en produisant de vagues justificatifs.

    Tu veux monter dans le TGV, alors il faut jouer le jeu des badges, des tourniquets, des bandes magnétiques, des sas, et demain des puces RFID qui activeront la réalité augmentée où tu suivras la ligne verte sur le sol, affichée par tes lunettes connectées.

    Vous me direz " Mais tout le monde est content comme ça ! " . Les zombies connectés se déplacent où on leur dit dans la grid, et les clodos restent dans le réel poubelle où ils sont priés de chercher activement un emploi. Les zombies sont heureux dans leur appartement Ikea de la résidence " Le clocher du village vieux" avec ascenseur qui annonce les étages et parking à porte basculante pour garer la voiture à crédit qui leur permet d'aller bosser, et les clodos sont heureux dans leur " région " où on anime quelques vide-greniers gratuits pour qu'ils fassent autre chose le dimanche que de boire leurs allocs devant le foot et qu'ils pensent qu'ils alimentent l'économie circulaire.

    Cela me rappelle d'ailleurs une interview réalisés sur France Info (cela devait être début octobre 2015) où une habitante du quinzième arrondissement se réjouissait que le Darty de Beaugrenelle ouvre enfin le dimanche parce qu'on ne sait pas où sortir, parce que " à Paris, le dimanche, tout est fermé".

    Alors pourquoi ne suis-je pas contente que tout le monde soit content ? Je vais répondre sous la forme d'une question : Peut-on dire d'un rituel qu'il est naturel ?
    Prenons par exemple la parade nuptiale du paon. Toute autre manifestation du genre conviendra. Si on me dit que ce n'est pas naturel, mais d'ordre culturel, je pose alors la question suivante : Dans ce que nous qualifions de " culturel", qu'est ce qui n'est pas de l'ordre du rituel ?

    Parce que cet impossible et impassible cirque défile tranquillement en défiant toutes les frontières, et laissant ma colère intacte.

    Je ne suis pas contente non plus, parce que le territoire utilise la technologie pour fermer l'accès au territoire, et je pense là aux cartes de cantines et de car des collégiens. Outre que la gestion et le contrôle impacte le coût de ces systèmes de façon ridiculement élevée, il est tout à fait indispensable que les l'éducation et l'alimentation soit assurées pour tous, y compris les transports associés et encore plus pour les enfants.

    Ce billet était en brouillon depuis un mois, il a donc été écrit avant les événements qui vont permettre avec une fureur sans précédents aux manipulateurs d'acheter des portiques électroniques en tentant de faire accroire au bon peuple qu'il s'agit de sécurité, alors qu'il s'agit d'assurer au bourgeois dont la société a payé le billet son droit de se sentir loin du vrai monde dans les trains pour riches et légitimé dans son approbation passive des projets stupides.

    La seule solution pour apprendre aux gens à bien se comporter, cela s'appelle de l'éducation, partie de la culture, et cela se fait avec des ressources humaines et de vrais moyens.

    mardi 3 novembre 2015

    Vous êtes caustique, Madame Natacha.

    J'adore l'art contemporain, mais plus encore tout se qui se dit autour. Puisque c'est ce qui finit par le constituer, n'est-ce pas. Je me délecte donc de certains témoignages.

    Au hasard, le compte-rendu par le journal Le Monde, du 24 juillet :  " au plafond d'une des salles, un nuage de coton est accroché, éclairé de l'intérieur, des pieux aiguisés en jaillissent. L'installation s'intitule Coton-Tige".

    Voilà, je vous laisse avec cela sur les bras. Vous êtes bien en peine, hein. Mais attendez, on va voler à votre secours :
    " A première vue, j'y parle des dérèglements climatiques. Mais aussi de l'esclavagisme.. ... Je me suis demandé comment les esclaves, qui étaient comme des pieux aiguisés par la violence qu'ils enduraient chaque jour, pouvaient avoir des gestes si doux pour cueillir les fleurs si douces du coton. Donc la mémoire de l'esclavagisme est inscrite dans l'oeuvre. Mais aussi l'idée de la pollution : des nuages qui font pleuvoir des pluies destructrices.

    A-t-il conçu Boomerang comme un manifeste politique ?

    "Non, ce n'est pas de la politique parce que je n'apporte pas de solution. Je constate visuellement, c'est tout. Il est vrai que répond à des besoins et à des engagements qui sont dirigés vers ce qui m'est proche, donc vers l'environnement et la nature parce que chacun sait que nous sommes en train de les détruire [...]Tout ce que je peux faire, c'est de refuser d'être complice de ce qui me répugne. Comment tenir la route, comment tenir tout court"

    Exposer au palais des beaux-arts de Bruxelles il n'a pas refusé, c'est que ça ne doit pas le répugner, alors. Heureusement, titre de l'article; l'artiste " appuie là où ça fait mal". C'est vrai que les esclavagistes modernes ont dû en perdre le sommeil.

    Ensuite tiens, cette belle chose :
    "
    Lorsqu’elle reçoit le prix Marcel Duchamp en 2004, Carole Benzaken s’avoue un peu surprise par cette reconnaissance tant la peinture, de surcroît figurative, n’apparaît pas alors comme le médium le plus représentatif de la création contemporaine. Un regard plus acéré sur les grandes toiles colorées, qu’elle décline par séries (les Tulipes, les (Lost) Paradise, les Travelling), nous apprend qu’il n’est plus ici question de représentation de la réalité mais plus exactement de mise à distance.  "

    Est-ce à dire que Mme Benzaken ne disposait pas, sur les toiles qu'elle décline par série, d'un regard suffisamment acéré pour apercevoir que sa peinture n'était pas, en réalité, aussi figurative qu'elle le pensait ?

    Est-ce à dire que, alertée par cette soudaine attention sur son oeuvre, Madame Benzaken a fini par admettre que, à y bien regarder, avec un regard plus acéré, alors oui il n'y avait pas représentation de la réalité dans ces grosses tulipes en gros plan (si si, je les ai reconnues) dénommées " Les Tulipes", mais bien une mise à distance ?

    Ou bien est-ce à dire que ce terme de " figuratif " fut attribuée par erreur à cette peinture, que le journaliste fait amende honorable, et qu'il nous explique son revirement ? Mais alors à quoi était due la surprise initiale ?

    C'st peut-être que cette distance était devenue si grande qu'il fallait revenir de loin lui pour mettre le nez dessus.

    En ce qui me concerne, j'aimerais rassurer les juries, je suis parfaitement consciente que mon art n'est pas de la peinture figurative, que j'ai mis une énorme distance entre moi et la peinture figurative, au point qu'il faudrait plusieurs sondes Philae pour en faire le tour. Donc si un jour ils ressortent du labyrinthe de verre, qu'ils me fassent signe, je suis en face, entre le bassin avec les bateaux radio-commandés et le marchand de gaufres.

    En fait on en apprend plus sur l'avenir de l'art en suivant le fil de tweet des ados qu'en lisant ces loosers du siècle dernier.

    Sinon, dans la veine pathétique, on a l'expo de Fabrice Hyber (je viens de retomber sur l'illustration que la DAP du MCC lui a achetée pour la couverture du catalogue 1994 des lieux d'exposition du royaume des aveugles par région. Avec le recul, c'est encore meilleur). En fait c'est une installation, il imite une expo des années 70. Tout y est ! Le look " vous avez dit Shadok ? " de l'illustration, le titre volontairement-débile pseudo décalé (le nombre de m2 des cimaises avec 5 décimales, parce que je ne sais pas quoi mettre comme titre).

    Heureusement, je vais devoir finir par Dagen. Pourtant on l'aime bien Dagen, c'est notre père à tous dans la haine de l'art. C'est comme Bourriaud, on l'aime bien et pourtant ils le virent. Tssss. Didi-Huberman, lui, a plutôt le vent en poupe, il rafle prix sur prix. Si ça continue, il va devenir ministrable de la culture.

    Donc déjà dans l'édition du 22 septembre 2015, on a droit à un article sur le refuznik, réfugié chinois à la mode, qui va nous donner une " leçon d'art" depuis Londres. Intéressant, je suis preneuse. On apprend que l'académie royale (bigre) réunit des oeuvres dont beaucoup dénoncent " le pouvoir et ses mensonges". Nan, sans blague.

    " Mais quand on se place en dessous, il apparaît que les cylindres précieux sont fixés à des cadres de bicyclette, à la place des roues. Ces bicyclettes sont du modèle Forever, celui des millions de vélos que le régime maoïste  patin couffin..."

    Franchement, qu'est ce qu'on en a à faire, du vélo de la grand-mère de Mao, en quoi ça fait de l'art, on s'en tape. Le tout est illustré par des clichés de l'artiste en tain de péter un vase, ou de les peindre. Desproges a fait pareil avec des cochons.

    Ensuite, dans l'édition du 16 juillet, il nous présente un artiste qui " fouaille les blessures de l'histoire pour mieux les réparer", la formule sent bon la démarche qui déchire,. ça promet, et poursuit :
    " A Lausanne (NdA mon Dieu quelle prise de risque), le plasticien poursuit son travail d'analyse des rapports entre le Nord et le Sud. "

    Alors, de quoi s'agit-il, cette analyse, voyons.

    "  Les clichés médicaux sont transcrits en marbre de Carrare, d'une à peine supportable précision anatomique (NdA Doux Jésus ! :). A côté, un masque africain est posé., masque de maladie, ou masque blessé : la confrontation est à nouveau sans équivoque".

    A peine supportable, ouais, je vous le dis.

    " Elle est reprise plus loin sous la forme de têtes de soldats africains qui ont été défigurés, taillés [...] à la demande de l'artiste, et avec lui, à Bamako."

    Indéniable gage d'authenticité... Mais enfin, donc alors, de quoi s'agit-il ?

    L'artiste " rappelle dans des collages qui sont des équations visuelles, la part que l'architecture de terre d'Afrique du Nord eut dans l'imagination de Le Corbusier, qui séjourna à Ghardaïa en 1933.[...]

    Ces œuvres s'inscrivent ainsi dans un projet d'ensemble qui se fonde sur une analyse critique  des récits historiques et ethnographiques pour mettre en évidence leurs sous-entendus et leurs aveuglements (NdA Là c'est tellement fort que je me demande s'il ne pompe pas dans le dossier de presse :). Parce qu'il procède directement, manipule images et objets confronte le visiteur à leur réalité matérielle, l'artiste abolit toute distinction entre document et création artistique. "

    Cela me fait penser à un roman récemment récompensé, qui se réfugie dans le making of.

    Quand on pense au recul et à l'humour des Robert Filliou (le génie sans talent :), des Broodthaers, de Jacques Charlier, on se dit qu'on est revenu au bon vieux temps de l'artiste au garde-à-vous, au service des grandes causes du temps, en l'occurrence humanistes dégoulinantes.

    En fait, on est toujours dans ce cercle soutenu par le trépied représentation/symbolisation/ dénonciation, dans lequel l'art tourne en rond depuis des lustres, y trouvant à la fois sa cause initiale et sa cause finale. Je mets des coton-tiges pour représenter l'esclavage (pourquoi pas, le signe est arbitraire...), j'expose des fils électriques en pelote pour symboliser (pris comme une métonymie) les difficultés de communication du monde moderne, j'entasse des sacs en plastique pour dénoncer la pollution (ce qui ne fait qu'ajouter de la pollution visuelle aux vrais déchets que deviendra l'oeuvre).

    Ces tautologies encombrent les espaces d'exposition, et toute la machine médiatique qui va autour, sans autre objet que de ressasser les thèmes à la mode.

    Bon sinon, vous écoutez cette émission, puis celle-là surtout, et après vous revenez, on pourra en parler. cela me rappelle les rencontres de Marithé et Jean Evrard avec les singuliers, en chair et en os, tout le vrai hors champ de l'art.

    Je ne dis pas que c'était facile, de parler après eux. Je dis que, collectivement, cela a été une démission de ne pas le faire. Un choix délibéré d'une civilisation de se détourner de cet effort, de fermer les yeux sur cette tâche, et de ridiculiser l'ascèse en se vautrant dans les corn-flakes chocolatés devant la télé.

    Du coup, ce qui dans l'art était tissu, projet collectif, représentation de ce qu'une époque avait comme représentation du monde et développement de l'outil de représentation permettant cette construction, s'est déchiré.