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mardi 30 juillet 2013

Matin d'orage, magic garden



Après l'orage du matin, nous voilà partis sur le chemin derrière la maison.


 

Quelques fleurs solitaires accrochées au pignon. Comme elles je suis seule au milieu de tous. Des fleurs du genre à s'accrocher derrière l'oreille, mais elles sont trop haut.

Et là, tapi derrière l'allée des perles blanches, et on se mouille partout pour y aller, tant tout est encore plein de gouttes, le paradis inattendu, explosion d'hortensias blancs.



Un petit faune et sa flûte nous accueillent dans un des carrés.


Et celles là, elles sont magiques. Quatre pétales blancs en losange, deux grands et deux petits imbriqués, et en leur cœur un minuscule pistil turquoise à défaillir. Tout un buisson de ces gemmes impalpables, éclatant sous le scintillement des gouttelettes.



Les voilà, dans un bouquet de leurs sœurs fanées.


Des petits bassins mangés par les mousses, l'air est doux, et on s'attend à voir une nymphe traverser le bosquet.

Je ne sais pas si ça se voit mais les rose et vert tendres de ces choses sont inimaginables de douceur.



Encore les hortensias.



Encore les fleurs magiques...


et un petit bonhomme, sans doute le gardien des lieux.


Il a bien fallu sortir du paradis pour aller dans un petit coin que les enfants appellent "le marais", et qui a lui aussi quelque chose de premier, une immobilité des eaux autour de pierres rondes...


Au retour on a retrouvé le sentier qui mène au Trou du Diable, brrrrr.


So many pieds de maïs, so few sentiers...

Après ces orages qui m'avaient presque épuisée, j'ai dû encore traverser une sorte de tempête de sentiments contradictoires. Bercée à l'unisson de cette belle émission, donc. Avec Stéphane Barsacq qui parlait de Cioran.

Un peu agacée tout de même par ce mouvement inconscient de l'animatrice l'empêchant de se détacher du politiquement correct qui veut qu'on à vende la vie et donc, " tout de même ", l'enjoignant de ne pas adhérer à ces idées de suicide, enfin, allons...

J'ai aimé quelque chose comme " ne plus avoir pour la vie qu'une froide mémoire et un regret poli". Avec la route qui défile, c'est parfait.

Bref, peu importe, j'étais seule. Encore dans le déchirement de la rupture, comme à chaque fois, la proie alors d'une solitude dernière. Clairement établie, par l'habitude, maintenant.

Clairement établis ces deux blocs que je considère de haut, perspective divine, et que je vis attachée par les poignets, entre ces deux blocs, suspendue dans le vide.
A gauche une solitude absolue, et pourtant vécue au milieu d'eux. Ils me sont étrangers. Phénomène bien connu..
Et à droite une solitude due à leur absence, et pourtant relative, donc, sélective. Sécative. La solitude de la fleur coupée.

Et deux autres blocs encore : Derrière, le manque, qui mord. Du domaine du sensible, du proprioceptif. Comme la faim ou la soif.  Et devant moi la liberté retrouvée.

La liberté conquise par cette lutte : avoir réussi à faire d'eux, au moins en partie, les étrangers qu'ils étaient par nature.
Le manque comme source de la solitude relative, comme un fil qui se distend infiniment derrière moi au fur et à mesure que la voiture roule et avance, enroule le film du paysage devant moi, que s'estompent les images de fleurs blanches, de leurs silhouettes disparaissant, s'effaçant des souvenirs de fleurs, devenus photos.

Je ne suis plus victime de ces quatre blocs, je les vois distinctement, je les isole, ils ne sont plus moi, mais seulement des composantes de mes émotions. Je peux m'y rouler à nouveau, à volonté. Mais pas trop car si une chanson d'amour me surprenait au milieu de la roulade...
Alors l'ombre me froisserait à nouveau comme une feuille de papier et me jetterait au feu, qui ne ferait de mon cœur  qu'une étincelle.

Un kilomètre après l'autre, descendre de la voiture. Puis il faudra mettre un pied devant l'autre, pousser la porte et parler.
Passer en un instant d'une solitude à l'autre. Celle qui ne permet pas de répit, sinon à rembobiner le film du jardin, et celle qui ne le monnaye qu'au prix d'une dilution en l'autre.

Lorsque mon pied se lève pour quitter mon théâtre intérieur, lorsqu'il se pose pour aborder à l'autre, entre ces deux instants, j'ai peut-être senti vaciller un moi, dans le choix que j'ai eu, ou pas eu.

Dans la décision de quitter un non-moi pour un autre, dans cette décision où je ne peux m'installer, seule brève sensation d'une absence aux deux modes de la présence à ce qui n'est pas moi, et fatiguée de retomber de chaque côté de la crête.

Pressée d'y retourner, sitôt les yeux fermés, pour y être enfin seule.

Et demain, tenter de me retrouver.

Construction du réel (comme dans "la construction de l'ennemi")

Cette émission (Laure Adler, France Culture) rejoint une autre, mais de cette dernière je ne sais si je l'ai mentionnée, qui parlait du déclenchement des révolutions.

On y disait comment un peuple peut supporter indéfiniment un état de joug ou d'esclavage, disons aussi longtemps qu'il ne s'est pas trouvé un idéologue pour mettre en formules cette souffrance, afin en quelque sorte de pouvoir la symboliser, la représenter dans la mise en mots.

On retrouve dans les propos de Slavoj Zizek, philosophe slovène, des commentaires et illustrations d'une idée présentée comme Lacanienne que le réel ne fonctionne (comme réalité) qu'une fois qu'il a pu être symbolisé. (J'ai parfois repensé au Paulhan des Fleurs de Tarbes).



On comprend aisément que ce mécanisme de construction, vu cette fois du côté de ses lacunes, de ses ombres provenant de la contre-forme, peut engendrer un déni de réalité.



C'est ici que grâce à ce que Lydie m'a dit des travaux de Kühn, je peux réintroduire la psychanalyse, ou plutôt le peu que j'en connais.


L'idée serait de dire qu'on peut transposer le modèle de la personne unique à un groupe social, et étendre le malaise du déni de réalité à une population, et une époque.


Dire par exemple que notre époque serait comparable à une période de guerre, si traumatisante que malgré les évidences que nous avons sous les yeux, celles-ci ne  forment pas pour le groupe social un "réel collectif", non intégré comme une réalité extérieure, cette distorsion générant un malaise grandissant et impossible à dissiper.

Comme un joueur compulsif qui s'endette, en pensant toujours se refaire plus tard, comme un mauvais commerçant qui s'entête en rêvant à des lendemains qui chantent, de même une mauvaise société refuse de voir les leçons à tirer de ses erreurs par peur des changements qu'il faudrait préparer, entretenant via ses media l'illusion toujours plus impossible à soutenir contre la réalité, que tout va bien, qu'il suffit de garder le cap et qu'on va s'en sortir dès que le vent de la chance tournera.

Ce qui explique qu'au lieu de pouvoir gérer les migrations dans une sérénité disposant de ressources, on se retrouve dans une situation de " pompiers", gérant les changements nécessaires par crises et révolutions.

Hélas ce n'est pas aussi simple car pour circonvenir le déni de réalité, faut-il de prétendre pouvoir définir ce que serait une " réelle réalité " contre laquelle la précédente ferait défaut.
Devant cet obstacle, je passe la main, et je ne conserve que ce questionnement de la validité des transpositions de l'individuel au collectif dans l'analyse. Ou pour être précis, de la pertinence de prendre le sujet comme unité de compte du groupe, étant donné le peu que nous connaissons du premier, et que nous n'analysons le second qu'en termes de langage.