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samedi 31 août 2019

L'amitié de Judas II

Suite à cet article donc, je poursuis la démonstration de cette thèse que les sujets de société sont montés en épingle, puis en spectacle, à fin de diviser le peuple au profit des régnants.
Ce matin encore à la radio, j'ai entendu des personnes du monde du football dire à propos des interruptions de matches sanctionnant les chants homophobes : "Cela ne sert qu'à diviser les supporters, ce qu'il faudrait, c'est de la pédagogie en amont". Je bois du petit lait, lorsque les acteurs de terrain ont la bonté d'apporter de l'eau à mon moulin.

Pendant qu'on vous dresse les uns contre les autres, le business des fossoyeurs continue. Pendant que vous vous mordillez la nuque comme des chatons, le business des fossoyeurs peut continuer à détruire la planète et à mettre la merde sous le tapis.

Ce matin encore à la radio, un sociologue du foot enlève de l'homophobie, et cite le cas de deux clubs en Amérique latine, proches de la communauté juive, dont les supporters se jettent des savons en criant qu'ils en auront pour se laver dans les camps. On peut mettre en doute leur conscience, remarque pour dire une pareille bêtise, mais bon, exonérons-les d'antisémitisme, on a affaire à des gueux qui travestissent des outils de propagande pour exciter des sots et mieux les diviser.

Encore une fois, le plus incroyable, c'est que ça marche. Et pour tenter de comprendre, je vais faire un détour qui va paraître long. Il est est basé sur une curieuse coïncidence. Dans quelle mesure elle fut souhaitée, impossible à savoir pour moi. Il s'agit de deux émissions passées sur France Culture le mercredi 28 août, se suivant dans l'après-midi.

La première était une séance d'Entendez-vous l'éco, https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-leco/le-spectre-de-la-recession-34-1848-de-la-recession-a-la-revolution consacrée à la récession (1) qui vous frappe pendant qu'on vous occupe à autre chose.
Je reviendrai sur cette émission parce qu'elle est admirablement dédiée à la perception d'une continuité, d'une filature, pour filer la métaphore textile, histoire faites de fibres provenant d'une part du progrès technologique, et d'autre part de la transformation des malaises de misère (émeutes de la faim...) en mouvements politiques. C'est admirable.
Entendu comme il faut, cela dessine une continuité depuis la révolution française de 1789, jusqu'aux guerres du XXème siècle, en passant par Marx et Engels, c'est vraiment à écouter.



Le “Printemps des peuples”, loin d’aboutir à une révolution qui met fin à la lutte des classes, voit l’instauration de la Seconde République, qui prendra fin peu de temps suite au coup d’Etat Crédits : Getty


Mais ce qui était frappant est une autre association, à faire avec l'émission qui suivait, à savoir un numéro de la Compagnie des œuvres, https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/stanley-kubrick-34-une-cosmogonie-poetique avec en invité Philippe Fraisse, un type tout à fait passionnant, aussi cultivé que sensible, et qui dit ceci, à 39:30 : " Le nazisme n'est pas facilement identifiable, [...] on peut y voir un résumé du XXème siècle, dans son souci d'efficacité, son souci d'aller au delà du bien et du mal, son souci finalement d'appliquer les méthodes de management à tous les domaines de la vie courante, même de la vie intime, même de la reproduction... "
"Vous êtes en train de nous alerter sur le monde contemporain, lui répond Mathieu Garrigou-Lagrange... Tout cela pourrait nous emmener vers l'abîme..."
La conscience de la catastrophe, voilà ce qui lie les deux émissions. Montrer la catastrophe, l'accroissement de l'emprise du pouvoir sur les citoyens que sont le nazisme et les pouvoirs militaires dans un cas, le pouvoir capitaliste dans l'autre.
Ce parallèle, je le fais avec lui, écoutez à partir de 52:00 : " Rapprocher Hiroshima et Auschwitz, dit Philippe Fraisse en citant Günther Anders, le  mari d'Hannah Arendt il faut faire aussi une lecture de Folamour comme ce monde extrêmement procédurier, où il n'y a plus de vision morale de la finalité de nos actes, c'est ce qui a permis l'extermination. "

Et c'est ici qu'on approche le point focal de toute ma série d'articles depuis celui-ci. L'extermination fut rendue possible par une abolition de la vision morale de la finalité de nos actes, ce dont je m'autorisais pour dire ici que le problème est spirituel. 

Projeter le monde comme une seule immense procédure dont l'unique but est l'argent, au prix de la disparition de la vision morale de la finalité de nos actes, (2) voilà exactement résumé le capitalisme, et c'est pourquoi c'est le pire des nazismes.

Ce que veut le capitalisme, c'est qu'on ne considère qu'une seule finalité, le gain d'argent (pour les organisateurs) en oubliant tout le reste, en foulant aux pieds toutes les autres valeurs. Et ce nazisme, le pire des nazisme, sacrifie sur cet autel la santé mentale des générations futures.
Pour se remplir les poches, quelques salopards n'hésitent pas à ruiner ce que nous avons mis des siècles à construire. Et c'est à l'oeuvre depuis 1789. Le bourgeois, flairant le profit que la machine allait lui permettre de faire sur le dos de l'ouvrier, en lui retirant la possibilité de subvenir à ses besoins, à tué le monarque en place depuis Gilgamesh, le prince guerrier, fait de droit divin depuis que les prêtres ont voulu une part du gâteau. 

En 150 ans, une poignée de salopards capitalistes a réussi à asservir et détruire la planète. Et ils y ont réussi avec votre participation. En vous lâchant le pourboire et en vous permettant de jouer aux courses le dimanche, en vous faisant rêver avec la perspective de gagner cent balles, la bonne et la piscine, le capitalisme a fait de vous des pions et des relais, capables pour ces cent balles de véhiculer sa destruction dans toutes les ramifications opérées par les petits chefs de bureaux.

On le voit dans les films avec Louis de Funès, comme dans les romans d'Elia Kazan. Le mantra du XXème siècle c'est " Je vous chasse, vous êtes viré, you're fired". Regardez Ma sorcière bien aimée. Le gros débile de patron de l'agence de pub vire Jean Pierre deux fois par épisode, comme on chasse un esclave, ce que de Funès s'empresse de caricaturer. Il se nomme Alfred, "Al fired", et représente celui qui, même en costar-cravate, reste une ordure qui exploite les hommes et les femmes en leur mettant au cou la laisse de leur survie par son salaire ou sa pension.

C'est sans conteste le progrès technique qui a initié l'engrenage infernal, comme nous le verrons dans le prochain article.


(1) Je ne peux m'empêcher de citer l'introduction : " Notre série consacrée au spectre de la récession se poursuit. Lundi, nous avons évalué l’ampleur et la gravité du ralentissement économique mondial. Hier, c’est la mission des banques centrales volant au secours de la croissance que nous avons examinée. A présent, notre réflexion nous mène sur les pas de Marx et Engels à l’heure des révolutions de 1848. La crise économique de la fin des années 1840 a été interprétée par la pensée socialiste naissante comme le véritable déclencheur des mouvements sociaux qui entraînent la chute de la Monarchie de Juillet. Une conception qui a fait l’objet de débats historiographiques et qui nous invite à interroger les liens entre récession et révolution…"

(2) Version complète : "Projeter le monde comme une seule immense procédure, où les êtres sont des pièces mécaniques contribuant à dégager le terrain devant la machine pour libérer sa marche, procédure  dont l'unique but est la rentabilité, c'est à dire l'attribution à quelques uns des gains du travail de tous, fût-ce au prix de la disparition de la vision morale de la finalité de nos actes",

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