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lundi 19 août 2019

La daube massive

Vous savez que je décernais ici ou là le géant du mois à un artiste, afin de dénoncer cette tendance imbécile de notre époque, qui veut que pour exposer quelque chose il faut que ce soit énorme, gigantesque. Une œuvre n'est intéressante que s'il faut une grue spéciale pour la soulever.

Là je vais consacrer un article entier à l'accomplissement de cette tendance, puisque ça y est enfin la boucle est bouclée, la prétendue "œuvre d'art " est tellement énorme qu'on ne peut plus la regarder, c'est elle qui vous enveloppe ! (Ce qui était déjà l'idée de l'intestin géant de Kapoor au Grand Palais)


Déjà, ça commence bien, ils s'emmêlent dans le titre. Mais je suis intriguée. Un musée le plus visité au monde, tiens tiens. Vu que de nos jours, la valeur ne tient que par le chiffre (le plus visité, le plus grand, le plus gros, le plus de like, le plus de points, d'étoiles...) je me dis, mais quel artiste peut être merdique au point d'attirer autant de monde ?

L'inquiétude se confirme :


Ensuite, un collectif, ce n'est justement pas un artiste unique, c'est plusieurs artistes, mais, à ce point d'imbécillité, plus aucune distinction ne tient devant l'énormité de ce qu'on raconte. Le principal est d'avoir raison en disant que c'est le plus mieux grand gigantesque énorme.

Le "Mori building digital art museum" abrite donc une équipe sponsorisée par Epson, mmm, le team sent son département marketing à plein nez. C'est une opération de com, pas une expo d'art.

Pour finir, il n'y a pas plus " d'art numérique " que "d'art à la peinture". Il y a d'un côté des artistes intéressants qui s'expriment sur divers supports pour produire des œuvres, et de l'autre des vendeurs qui utilisent des media avec des logos pour faire leur soupe

Mais enfin, tout de même, réfléchissons, Disneyland a placé la barre très haut. Ils ont réussi à faire une merde telle qu'elle attire des millions de crétins qui roulent pendant des heures pour aller dépenser une fortune pour faire la queue pendant des heures. 
Quelle performance ahurissante ont réussi ce collectif de prétendus artistes pour faire venir autant de crétins du monde entier ?

...

Eh bien oui, c'est une piscine colorée ! ÉNORME Merveilleux, non ? Je ne vois pas l'intérêt d'appeler ça de l'art, ni la piscine un musée, mais peu importe, à ce degré d'imbécillité, appeler un pédiluve du nom de musée, c'est le musée ... des pieds mouillés. J'adore les visiteurs qui marchent pieds nus et surtout qui "plongent l'intégralité de leur corps dans des œuvres artistiques massives. "

ouais MASSIVES YEAH HÉNAURMES de MIYIONS DE MILLARDS.



Remarque, j'ai eu l'occasion de voir récemment les photos prises par des crétins qui font la Sagrada Familia et le musée Dali, les petites putes en T-Shirt casquettes ne se préoccupent que de savoir si leur cul est bien moulé dans leur short à franges, Dali ils s'en contrefoutent à un point...



C'est le connard international standard maintenant. Un imbécile en casquette qui regarde son téléphone, où qu'il soit dans le monde. Tu me diras, vu qu'on est en train de tout jcdecauiser sur la planète, histoire de faire comme dans Playtime, une seule grande ville uniforme, quelque part ils ont raison, il n'y a rien à regarder puisque c'est comme chez eux. Quant à la cathédrale, c'est comme un décor de Wow, chacun son délire.

J'ai fait une petite vidéo sur le CBI. Elle est polémique et n'a aucun intérêt artistique. Pour ceux qui cherchent le contraire, j'ai ça https://vimeo.com/user91901914 et ça https://vimeo.com/user18080208. Il y en a sur YT aussi, je dispatche en fonction de ce qui risque d'être censuré, et apparemment, Vimeo est moins tartuffiesque.



Bref, je referme la parenthèse, et qu'est ce que j'entends à la radio ce matin ? Que certaines villes sont maintenant polluées par les nuées de touristes. Villes citées : Barcelone, Dubrovnik..

Teamlab, ça ne signifie absolument rien, remarque, comme leur show coloré :D Ce qui est curieux, c'est ce besoin de raccrocher ça à de l'art. Ils sentent que c'est tellement vide que ça ? Ils n'osent pas appeler ça une piscine avec des projecteur colorés ?

Le prochain musée de l'art sera en maillot de bain, on se fera sucer par des poulpes lumineux, j'espère que ces derniers auront aussi droit au statut d'artiste. Faudra prévenir la MDA.Et leur pub dira "c'estnou kon défonce le game avec 4 milliards de milliards de like sur notre musée de la pipe mais quelle bande de débiles...

Remarque, j'ai entendu ce matin Patrick Boucheron interroger Olivier Barbarant, et j'ai réalisé une chose, c'est que chaque époque est baignée de quelques idées fortes qui l'imprègnent au point de la transformer complètement. Je ne parle pas des très nombreuses influences qui traversent cette époque, et qui chacune à leur façon, vont donner leur petite part de réflexion ici où là, et même leur petit coup de pagaie dans la direction de la barque, je parle de ces idées si fortes qu'elles constituent le climat au soleil duquel le reste se développe. 

Une ou quelques idées si présentes qu'elle ne se présentent plus comme des idées, en concurrence avec d'autres : elles sont le préalable à toutes les autres. Le phénomène est inconscient : on pense dans cet idée comme on respire l'air sans penser qu'il peut avoir été mélangé à un autre gaz. Elles sont le décor sur le fond duquel l'action se déroule. Comme ce ne sont plus des idées, on ne peut pas dire qu'elles conservent un pouvoir de propagande, c'est plus qu'on baigne de temps véritablement comme dans un gaz, on le respire et on s'en inspire sans même le réaliser.

En ce qui concerne ma génération, j'avais isolé le post-structuralisme bien sûr, disons l'immédiat post-structuralisme, comme l'après-guerre est un lointain dont j'ai mis longtemps à déceler l'influence. Mais il y en a une autre que Barbarant a justement soulignée, c'est la phénoménologie de la perception. Il est sûrement très vrai que, penché sur ce qu'elle est réellement, nous n'avons pas vu le "nous"qui était dans notre dos. Du "nous" social qui nous influençait sans qu'on s'en rendre compte, il ne restait qu'une idée des happy few, et peut-être, l'amour, le couple étant vu comme une phénoménologie commune de la perception. 

Et ce trait s'est curieusement combiné à un autre, que je définirais maladroitement comme un esprit de contradiction. Dès que nos parents pointaient une valeur, nous voyions l'autorité agiter un chiffon rouge, et nous fuyions dans la direction opposée à l'autorité tentant de nous aliéner, en criant au fasciste. 

C'est dire qu'il n'était pas facile de nous enrôler... Si j'y ajoute un peu de Brassens et mon caractère, rien d'étonnant à ce que je tire à vue sur tout être humain qui tente de parlementer avant que d'avoir envoyé ses œuvres par dessus la haie pour examen préalable.

La génération qui nous a suivi dans les années 80-90 baignait dans une sorte de cynisme désabusé : tout s'achète, il suffit donc d'y mettre les moyens et le monde changera. Brisé par les coups de bélier du chômage, le miroir noir de la boîte de nuit reflétait des visages ricanant qu'il suffisait de se défoncer pour trouver "a good job". Chacun pour soi, pas de bras, pas de chocolat, disait l'époque. Des "comme nous", il ne restait plus que nos "copains de promo". La rouge et la jaune, la mafia corrézienne, les réseaux, juste avant le numérique.

La génération de nos enfants, comme dit Boucheron, c'est celle de la bien-pensance. L'autorité nous indiquait, on faisait demi-tour. Eux, le capitalisme consumériste leur montre ce qu'il faut acheter pour paraître cool, et le lendemain ils font la queue toute la journée pour l'acheter.

Avoir des chaussures et une casquette de la bonne marque suffit à garantir le corps social de sa bien-pensance sur tout le reste, qu'on déteste le racisme sans trop savoir ce que c'est, peut-être ne pas acheter de bisounours noir ou de sac à dos marron, et qu'on aime les lesbiennes sans trop savoir ce que c'est, peut-être aimer acheter des licornes roses ou des sacs à dos violets...
On regarde sur son téléphone des mangas insipides auquel on ne comprend pas grand-chose (1), comme le rap qu'on écoute, c'est bien parce que c'est noir, donc c'est cool, les paroles ne veulent rien dire (2), mais c'est mieux comme ça. On assure que c'est une culture, mais on n'en a pas d'autre pour faire la comparaison. L'important c'est d'avoir des amis, c'est à dire des gens qui mettent des pouces sur vos photos en casquette sur le téléphone.
L'idée force de cette génération, c'est de savoir quel modèle de téléphone on va acheter, tout en se disant que le mieux finalement, c'est le même Iphone que tout les autres, on se différenciera avec la coque lapins crétins si ta bff a pris la coque minions.

l'hénaurme du mois :

Katharina Grosse transforms Carriageworks in Sydney into an immersive colourful painting
https://www.facebook.com/plantesetcouleurs/photos/a.2473755329361342/2954413094628894/?type=3&theater

Henaurme, kolossal, magnifique, bravo KATHARINA GROSSE !!


(1) J'en ai lu et je me suis fait expliquer ce qu'il y avait d'intéressant, je maintiens, c'est de la soupe claire pour ado illettré qui n'a rien regardé d'autre.

(2) Je sais que ce n'est pas fait pour signifier quoi que ce soit. Le problème c'est qu'ils s'en donnent l'air. Et qu'on ne vienne pas me dire que c'est une question de clé. Vous avez Genius.com qui vous dit que l'allusion vise le nom d'un joueur de foot aimé du rappeur. Ok, et alors ? Déchiffrer n'est pas expliquer, ça reste nul une fois la fumée dissipée. Alors je ne dis pas, il y a parfois d'excellentes performances dans le flow de textes percutants sur une instrumentation prenante. J'avoue.

2 commentaires:

  1. Pour ma part l'idée de me faire sucer par des poulpes lumineux est un truc auquel je n'avais jamais penser, mais à la réflexion je me dis que ça peut être pas mal

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    1. C'est une technique de pêche ancestrale qui a été détournée par des libertins au XVIIIème.

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