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dimanche 18 août 2019

Liberté d'expression

Il y a un truc qui me hérisse, c'est l'injonction de penser ceci ou cela. C'est une tendance qui déborde le lit du bon sens. L'injonction de penser, c'est le fait qu'on me dise "Tu dois penser ceci, que cela est bien, ou que ceci n'est pas bien, ou qu'il est bien de dire cela, ou pas bien de dire ceci...".

Déjà, venant d'un particulier, cela me fait sortir de mes gonds. Mais alors quand c'est un État qui l'érige en loi, là je proteste. Personne n'a à me dire ce que je dois avoir dans la tête, ça s'appelle du lavage de cerveau, et ça ne devrait plus exister, même dans les camps de redressement des pires dictatures. 

Et pourtant, c'est qu'on me fait tout le temps. On me dit que je dois penser qu'être homophile, c'est bien, et que je dois penser qu'être homophobe, c'est mal ! Et si j'ai envie de penser le contraire, eh bien on me fera passer l'envie, en me matraquant de la bonne pensée au figuré, voire au propre (1).

Alors là, je vois se dresser de phatiques doigts : "On ne vous n'interdit pas de le penser, on vous interdit de le dire."

Alors premièrement je reviens au lavage de cerveau, à force de forcer les gens à dire qu'un truc est pas bien, il devient impossible de penser le contraire, vous n'avez qu'à voir les jeunes, et secondement : "Et si j'ai envie de le dire ?".

Imaginez le cas avec le socialisme. Imaginez un gouvernement vous dise :"Vous pouvez penser qu'il est bien d'être socialiste, mais vous n'avez pas le droit de le dire" ou encore : " Vous avez le droit de penser que c'est mal d'être communiste, mais il est interdit de l'écrire sur un site web".

Ah là on vous entendrait jusqu'à la rédaction du FigMag ! Vous rouspéteriez, vous diriez que c'est du Poutine, vous monteriez sur le tabouret, criant que cela relève des dictatures.  Mais dans le principe, je ne vois pas la différence entre bâillonner quelqu'un pour l'empêcher d'exprimer son opinion, qu'elle soit bien ou mal, qu'on la trouve bien ou pas, ce qui compte c'est la liberté. L'opinion contraire des autres, elle est toujours facile à trouver pas bien et bonne à faire taire. 

La liberté de laisser les autres exprimer ce qu'on trouve bien, elle est facile, je sais faire aussi, comme en Russie.La vraie liberté d'expression, c'est celle qui consiste à laisser parler aussi les gens qu'on trouve incorrects.

Donc moi je revendique la liberté de penser que c'est bien d'être arachnophobe. Et de le dire. Je ne vois pas au nom de quoi une seule moitié d'un courant de pensée aurait le droit à l'expression. On n'a le droit de parler que quand l'autre a pré-approuvé ce que vous voulez dire !

Encore une fois, si on vous disait :" Vous pouvez être colombophile, mais c'est interdit de le dire, anti-navibotelliste mais c'est interdit de le dire. Vous pouvez penser qu'il est bien d'être anti-préraphaélite, mais c'est interdit de le dire, il faut dire que c'est le contraire qui est bien. Vous pouvez être antifasciste, mais c'est interdit de le dire, il faut dire que c'est bien d'être anti-communiste", tout le monde crierait au fascisme.

Mais oui, admettez-le. Si je répands des opinions antifascistes, vous allez tous recopier les formules sur vos murs Facebook, si j'écris un truc anti-anti-fasciste, on me ferme mon mur. 

Vous criez au fascisme quand on ne libère pas assez la parole des femmes en Russie, mais quand on vous dit qu'il faut se taire quand on n'est pas homophile, interdit de dire qu'on doute de la formidablité d'être un dep chelou, comme dit Orel, et que c'est mal d'être homophobe, que c'est mal de dire qu'on a le droit de l'être, faut la boucler, et si ça suffit pas vous ferez de la taule, là vous trouvez ça normal.

Mais la différence c'est quoi  ? Un homosexuel vaut un communiste, que je sache. Pourquoi on réserve un traitement à l'un et pas à l'autre ? Pourquoi l'un a droit à la liberté de parole, le communiste, au sujet duquel on peut dire ce qu'on veut, et pourquoi l'homosexuel n'a pas le droit à la liberté de parole, et est-on obligé de dire qu'il est bien ? Ne mérite-t-il pas l'égalité de traitement, l'homosexuel ? 

Alors j'en vois quelques uns qui bafouillent : "oui, mais après on les tape". Alors là laissez-moi rire. Pour un homo tapé, il y a cent communistes emprisonnés de par le monde, alors bon. Tiens les chrétiens par exemple. Il y a des pays où où on les emprisonne. Bien. Alors pourquoi ai-je le droit de dire tranquillement "Cette saloperie de journaliste catho communiste", ou bien "Cette saloperie de journaliste socialiste protestant", et pas "cette sapelorie de journaliste homosexuel philatéliste" ? Pourquoi ça pose problème dans un cas et pas dans l'autre, mmmmmm .? 

Avant de vous donner la réponse, je vais vous balancer un autre pourquoi. Pourquoi lorsque des musulmans menacent les jeunes filles en short ras-la-moule on qualifie cela d'une ridicule conception anti-féministe d'un autre âge poussé par l'obscurantisme religieux, et lorsqu'une artiste se fout à poil devant la Joconde, on l'expulse manu militari en invoquant de justes lois sur la légitime pudeur, mmmmmmmmmm ? Pourquoi dans un cas leur limite est ridicule et on si on a envie de laisser les marques habiller nos adolescentes comme des putes, alors on fait ce qu'on veut et dans l'autre cas notre limite est justifiée par un argument béton du genre "quand même y'en a qui dépassent les bornes", mmmmm ?

Vous commencez à me voir venir, je pense. Vous me voyez venir si vous avez pensé comme je le pense "Oui, mais un homosexuel tapé, c'est un de trop". J'y viens, donc.

Inutile non plus de me demander mon avis sur l'homosexualité. Je suis là pour vous aider à sortir de votre marécage intellectuel en vous invitant à vous évader dans une perspective sociologique par quelques images bien placées (2), et non pas pour en sortir et descendre y piétiner avec vous comme les prisonniers à la promenade, c'est le monde à l'envers. 

En guise de bibliographie sur la sexualité, je vous renvoie d'une part aux dialogues entre Nicolà et Mara dans La Terra Trema de Visconti, qui ont pour miroir les relations entre sa sœur Lucia et Don Salvatore, et d'autre part à l'épisode de la chambre d'hôtel (avec machine) dans Brüno de Sacha Baron Cohen.

Après, vous choisissez un des trois camps, mais ne me contraignez pas à penser que vous avez fait le bon choix, ou que ceci ou cela n'est pas bien. Et par pitié, ne me contraignez pas à professer, menace judiciaire à l'appui, que c'est bien ou pas bien de s'enlucer ! 

Ne croyez pas que ce soit dû à une quelconque hauteur de vue de ma part. C'est du pur désintérêt : vous pouvez tous vous embroquer jusqu'à la garde dans le sens qu'il vous plaira, je m'en fous mais alors à un point... Mais enfin bon, si ça doit faire venir la Gestapo, alors oui, je le clame haut et fort c'est vraiment très pas bien vilain de ne pas penser que c'est super bien d'être giuone, faut vraiment dire que c'est génial, et je ne suis pas juif non plus, ni manouche, ni rom, ni intellectuel, ni homosexuel, enfin si, mais juste ce qu'il faut. On voit dans quoi on patauge...

Donc pour revenir à la mouise intellectuelle, le fait que l'Etat légifère sur un délit d'opinion, c'est un truc dont Poutine rêvait, la patrie du suprême de foie de volaille au cognac l'a fait. Ah, des droits de l'homme, pardon.

Vous allez me dire que si on venait à interdire le mot "girafe", je me sentirais pris d'un irrésistible besoin de le hurler.

C'est exact. Mais ce n'est pas pour la raison que vous pensez.


(1) Ne me faites pas rire avec l'état de droit et l'état policier. Une société qui ne fait pas respecter ses injonctions de penser par la police, cela s'appelle une association paroissiale, pas un état.

(2) Le point central de ce propos est ce que j'appellerai par commodité et non par pertinence : Le midi hypnotique ou la fausse démocratie, c'est à dire cette propension invincible que vous manifestez à appliquer aux autres ce qui n'est que vos vues.
Tout en admettant qu'elles ne sont qu'un midi à votre porte, ces dernières quittent la catégorie du point de vue pour celle d'absolu légitimé par une entité "indépendante et respectable" pouvant appartenir à différents types : Entités et tiers de confiance  ("Dieu", "La Nature", ...), Structures sociales et leurs fantômes ("Démocratie", "République", "Société"...), Valeurs et grands mots creux ("Justice", "Peuple", ...)
Tout en reconnaissant qu'elles ne sont qu'un son de cloche, vous en faites des lois applicables aux autres par la force et à appeler cela "la majorité". Ce mystère est puissant. 

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