Tout à l'heure, mon fils me dit comme ça (il va sur ses neuf ans, mais bon, les chiennes ne font pas des chats) : " Si je n'existais pas, cette assiette et ce verre devant moi n'existeraient pas non plus". J'ai bien été forcée de convenir que force est d'admettre que c'est vrai.
C'est plein jusqu'à ras bord de jus de scarabée, comme on dit dans le Poitou.
Le premier sens évident est qu'il n'y aurait personne pour les percevoir, donc ils n'existeraient pas. Le second, à vrai dire qui m'intéresse plus, c'est que historiquement, dans le cours des choses il est bien clair que si cet enfant n'avait pas existé, rien de tout cela ne serait arrivé, et que donc cette assiette là n'aurait jamais existé.
Il y a donc un facteur de corrélation dans l'existence de ces choses : cette chose là existe parce que telle autre existe, mais un facteur " à l'horizontale", pour différencier cela de facteurs " à la verticale " tels que la causalité par filiation (mon fils existe parce que j'ai existé avant lui).
Disons un peu comme les facteurs de corrélation entre les gènes liés.
Et si on l'étendait à toutes les autres chose, ce facteur ? Qu'adviendrait-il ?
Un gradient de corrélation décroissant : les choses ayant, pour exister, de " moins en moins besoin " les unes des autres, comme si elles acquerraient leur liberté, comme si elles pouvait " se dégager " de cette corrélation ?
Après tout, la maison tout autour aurait pu exister. Les murs, oui, mais pas " cette maison", c'est à dire celle-là même remplie de ces meubles
Alors il y aurait comme une frontière dans la maison, celle qui ferait le tour des meubles, et des clous que j'ai posés, et qui délimite ce qui aurait existé sans nous et malgré notre absence.
Mais que faire alors de la poussière tombée lorsque j'ai planté les clous, tout ce que j'ai gratté des parquets pour les passer à l'huile de lin ?
Cette poudre de plâtre et de bois, elle appartient à la maison. Donc la frontière doit l'englober. De ce qui existerait sans nous, il faut aller chercher les grains là où ils sont maintenant, puisqu'il est impossible de dessiner ce qui n'existe pas.
Il faut faire remonter la poussière et la sciure des rivières et de la terre, ou alors il faut que la frontière, le pointillé de la sélection aille les chercher là où ils sont.
Non, décidément l'existence localisée est ingérable. L'existence externalisée et supportée par un repère en trois dimensions est absolument ingérable. Tout cela est nécessairement une synthèse de notre conscience, de la même manière que la vision en 3D n'existe absolument nulle part ailleurs que dans la synthèse des deux visions 2D opérée par notre cerveau.
De la même manière, d'un tourbillon de perceptions, nous reconstituons des existences externes définies. Certes ces existences ne sont pas encore aussi clairement prises en défaut que le sont nos perceptions 3D par de banales " illusions d'optique".
Mais c'est une question de direction de recherche. C'est une question épistémologique comme les autres. L'ontologie est une science jeune.
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