Lorsque je disais "En quoi suis-je concerné la loi ?", je veux dire que la société a bien plus intérêt à ce que chaque individu se sente concerné par la loi, et donc, l'ayant intégrée et acceptée, se mette à l'appliquer de lui-même.
Elle a bien plus intérêt à cela, c'est à dire à avoir avec tout individu des intérêts convergents, que le contraire. le contraire, c'est que chaque individu se dit :" La loi n'est pas pour moi, elle n'a pas été pensée pour moi, je ne suis pas d'accord avec elle, et on ne me forcera pas à vivre selon une règle avec laquelle je ne suis pas d'accord, c'est du despotisme, et ma rébellion est légitime".
Eh oui, une société qui fabrique un individu se vivant comme un résistant au nazisme ne peut continuer à bêler qu'il faut des règles et du vivre-ensemble qu'en cautionnant les populismes informatiques. Elle ne fait que se diriger vers un "law enforcement" que les caméras de surveillance totalitarisent à vitesse V. C'est ce que vous faites tous actuellement, avec cette solutréanité qui fait votre charme.
Pour revenir à la logique raisonnable du crime, je vais prendre une image.
1 - Vous êtes dans la rue, sur un trottoir, et tout à coup sur le trottoir d'en face, un type fait un brusque écart, semble courir dans la rue, s'arrête, repart en hâte, puis fait demi-tour pour regarder le magasin où il a brusquement changé de direction. Vous pensez qu'il est fou.
1 - Vous êtes dans la rue, sur un trottoir, et tout à coup sur le trottoir d'en face, un type fait un brusque écart, semble courir dans la rue, s'arrête, repart en hâte, puis fait demi-tour pour regarder le magasin où il a brusquement changé de direction. Vous pensez qu'il est fou.
2 - Vous êtes dans la rue, sur un trottoir, et tout à coup sur le trottoir
d'en face, un type fait un brusque écart, semble courir dans la rue,
s'arrête, repart en hâte, puis fait demi-tour pour regarder le magasin
où il a brusquement changé de direction. Vous pensez qu'il a de bons réflexes et que ce sportif vient de se tirer d'un mauvais pas.
La différence, c'est que dans le deuxième cas, vous avez vu que la vitrine a pris feu par accident juste avant l'arrivée du piéton, et que le gars, dans un brusque réflexe salvateur, a fait un écart dans la rue avant de revenir sur l'autre trottoir pour comprendre ce qui s'était passé et voir la vitrine brûlée.
Dans le premier cas, vous n'avez pas vu que la vitrine avait pris feu, et que le comportement du type était non seulement logique et raisonnable, mais encore un exploit salvateur. Dans le premier cas vous ignoriez que ce comportement avait une cause qui en faisait une réaction logique, et cependant, vous avez classé le type dans les fous.
Lorsqu'une bande d'individus a décidé qu'ils allaient violer les femmes, ils n'ont rien fait d'autre que de former une collectivité qui s'est donnée cette loi qu'on prend une femme quand on veut et qu'elle n'a pas son mot à dire.
En vertu de quoi voudriez-vous qu'on doive donner son consentement avant que cette loi là ne s'applique, et pas en France en 2019 à l'ensemble du Code civil ? Pourquoi faudrait-il que des gens qui ont les moyens d'avoir ce qu'ils veulent s'embarrassent du consentement de leur victime ? Allez dire au service des impôts que vous ne donnez pas votre consentement à leurs prélèvements, vous allez voir.
Vous allez répondre que nous sommes sous la loi de la République, et pas de cette bande de voyous. Vous constaterez, si vous tombez entre leurs mains, que vous êtes dans l'erreur, et que ce qui fait la cohérence d'une loi, c'est la force dont on dispose pour l'appliquer là ou elle s'applique, et non sa beauté intellectuelle, vue de loin.
Vous avez vu que je ne suis pas la première à démontrer l'impossibilité de prouver que le citoyen tombe sous le coup de la loi, et contrairement à ce que dit un pieux "Nul n"est censé ignorer la loi", je pense avoir montré que si chacun en fait ce qu'il veut, c'est à la mesure de sa faiblesse, ou de sa force, et qu'en tout cas, nul ne se sent concerné car nul n'est attaché volontairement à la loi. Cf. Hume sur l'histoire de l'homme embarqué ivre.
Il suffirait pourtant de faire signer, à sa majorité, à tout citoyen reconnu responsable un contrat disant qu'il adhère à l'ensemble de la loi. Cela pose le problème des mises à jour, puisqu'il faudrait faire re-signer, à l'ensemble des citoyens, la moindre modification du moindre code.
Moyennant cet effort immense, je ne vois pas comment on peut légitiment attendre d'une personne qu'elle se sente concernée par la loi.
Or la société, je pense que tout le monde sera d'accord avec moi pour le répéter, y a tout intérêt.
Comment se fait-il, vont s'étonner les plus curieux, qu'à titre collectif, un groupe ait besoin que chacun respecte des règles que, à titre individuel, personne ne souhaite respecter ? C'est parce que le groupe est (dans la loi) le plus petit commun dénominateur de l'individu, la société le plus petit commun dénominateur du citoyen, et l'humanité le plus petit commun dénominateur de l'homme. C'est pour cela qu'elle peut former refuge au langage. Elle accueille le consensus, mais c'est un autre sujet.
Or la loi est ce qui fonde le groupe, comme le règlement et les statuts définissent une association, comme le consensus met ses frontières sur les classes de la taxinomie, on l'a je pense assez vu.
Pour la suite, je vais prendre une autre image : Certains médicaments aiguisent l'appétit, mais pas la faim. Ceux qui en sont victimes connaissent très bien cette sensation : vous pensez avoir faim, vous vous levez de votre fauteuil, et une fois arrivée devant le placard, tout vous dégoûte, aucun aliment ne trouve grâce à vos yeux, ce qui est le signe de ce type particulier de fin de la faim, ou de non-faim, bref, de désir qui n'est plus du besoin, et dans lequel le corps n'a pas de part. Au contraire de la vraie bonne faim, celle qui suit l'exercice physique, cette faim du corps rend délicieuse la moindre salade.
Alors, devant le placard, surgit cette idée qu'il vous manque tel cola, tel charcuterie, tel fromage que vous auriez aimé manger, que vous auriez dévoré avec appétit, cet aliment idéal qui correspond à cette faim. Aucun autre aliment ne saurait jouer ce rôle que peut-être cette pâte blanche et fraîche ou ce soda glacé, non décidément, où est-il cet aliment idéal, il faut courir les magasins d'alimentation pour le trouver.
C'est ce désir qui est à l’œuvre dans le mécanisme du fantasme. Le fantasme est un supposé remède, mais qui excite une faim que nul aliment ne saurait combler, il exacerbe un désir que l'accomplissement de nul acte ne saurait satisfaire. Il suggère en revanche des actes qui le calmeront, à défaut d'éteindre le besoin.
Ce désir ne se satisfait d'aucun aliment qui est dans le placard, et le désir va courir les magasins de situations fantasmatiques, en espérant en trouver une qui fera à nouveau naître le vrai désir du corps, celui qui jaillit dans la chair, la gonfle et l'irrigue, tout en diminuant le besoin de trouver une bonne raison.
Le rut, comme les stupéfiants, se passent de justification : une fois qu'il vous emporte, on ne se pose plus de question sur sa légitimité : il fonctionne, le corps jouit.
A l'inverse, le fantasme ne fonctionne pas, le corps ne jouit pas et le cerveau doit prendre le relais. Mais le cerveau a ses dépendances que le corps ne connaît pas. A partir d'un moment, le fantasme ne suggère plus l'acte qui calmera cet impossible manque, il l'exige. Il exige qu'on lui rende son dû, ce que le corps ne lui donne plus, et dont il s'estime floué par la société.
Ainsi se noue le pacte mortel, avec la déception (initiale et ses répliques traumatiques) de la création ratée d'un idéal du moi, dans la cérébralisation des besoins en désirs, par la dépendance envers la scène impossible censée délivrer de la frustration, de la soif éternelle où brûle le damné.
On me dira qu'à ce stade, il paraît difficile de tirer du sujet un consentement à la loi. C'est vrai. C'est pour cela qu'on peut faire des monastères, où le minimum est donné, ou la spiritualité remplace l'idéal, et où le sevrage cure peu un peu le manque. Comme l'on dit Lacan et Alain Cavalier, cela marche bien mieux avec les femmes qu'on arrivait à persuader d'aller là-bas en cure...
Sinon, sans monastère, aujourd'hui, avec le web et tout ? Je ne vois pas, pour le moment. Il faut que je réfléchisse encore, et pour cela j'ai besoin de temps. J'aime bien les fêtes, c'est du temps masqué. Pendant qu'ils courent, ils m'oublient.