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mercredi 4 décembre 2019

De l'autre côté de la ligne (le deuxième verre) I

Voici un article qui prolonge une conversation avec Mme. Camille P., où je n'ai pas eu le temps de développer. Le sujet était la responsabilité individuelle dans la culpabilité (ce qu'on aurait appelé au XVIIème la question de la Grâce, en quelque sorte, ou du moins un de ses descendants).

En d'autres termes, lorsque quelqu'un est reconnu coupable d'un crime, dans quelle mesure peut-on lui opposer un "Tu aurais pu ne pas le faire", qui est une autre facette d'un : " Tu as choisi de le faire". La "conscience dans le mal" est le nom donné semble-t-il à ce problème, mais je me refuse à l'employer à cause de la proximité baudelairienne. 

Il semble donc que tout un pan de la population soit d'accord, et la Justice avec, pour penser que si un assassin a tué, c'est parce qu'il a choisi de le faire, et qu'un autre aurait choisi à sa place de ne pas le faire. D'où l'acharnement de la Justice, suivant en cela la société, pour obtenir des violeurs des aveux de culpabilité "bien sentis" : il faut qu'il avoue qu'il a mal fait, mais pas pour faire semblant. Il faut qu'il en soit persuadé, qu'il le sache, qu'il en soit convaincu, qu'il le pense.

"C'est pas bien ce que j'ai fait, c'est pas bien, c'est vilain c'est mal, je  suis un vilain, je dois être puni, c'est normal qu'on me punisse" doit se répéter jour et nuit le prévenu pendant tout le temps qu'il purge sa peine. 

Cette dernière phrase dit assez ce que je pense du procédé, de la procédure, et des pensées qui sous-tendent le fait qu'on envoie le pauvre type en prison, jusqu'à ce qu'il intériorise la punition et demande qu'on l'enferme pour ne pas recommencer. 
Ce que cette dernière phrase ne dit pas, c'est que ce pauvre type a fait moins de " mal " que vous lorsque vous vous resservez votre deuxième verre de vin, et je vais m'expliquer. Le mal, il ne l'a pas fait, il l'a subi. C'est de la souffrance qu'il a convertie en violence, contre lui et les autres.
Et vous le jugez, le condamnez, et le saisissez encore par la violence, du haut de votre chaise confortable. Quelle audace... quelle audace, dis-je car je crois au Jugement Dernier, et ce jour-là, ce que vous avez fait vous paraîtra bien audacieux. Il en faudra, du bien à mettre en face...

Hélas oui, ce sont toujours les mêmes pensées, que dénonçait déjà Foucault, ça n'a pas servi à grand chose, le pauvre. On bat toujours les fous, mon pauvre Michel, on bat toujours les fous. 

Il a eu le courage de pondre de gros pavés, et je n'aurai jamais ce courage, mais par solidarité avec mes frères malades qu'on enferme au lieu de les soigner, je vais me fatiguer à écrire. Pour en finir avec ma position, je vais la dire une bonne fois pour toutes, et je n'y reviendrai plus.

Je pense que la société doit à l'enfant de l'épanouir, par tous les moyens, et notamment en repérant très tôt les souffrances qui créeront chez l'enfant des conflits qui donneront la violence interne qui générera un comportement antisocial. Elle ne le fait pas et c'est une dette qu'elle ignore superbement. Qu'on me dise à qui ce devoir incombe, si ce n'est à la société.

Je pense que la société échoue dans cette mission, et dans une très large mesure, par aveuglement et par bêtise, parce qu'elle y gagnerait à le faire. Elle économise un sou pour perdre mille euros. Je pense que la société envoie en prison les malades qu'elle a créés, alors qu'elle a envers eux la dette d'avoir échoué.

Pour tout remerciement, c'est eux qu'elle enferme et maltraite. C'est le même problème que la drogue. Dans sa faillite à donner le bonheur aux gens, elle met les dealers en prison, au lieu de se reprocher de rendre ses citoyens malheureux.

Dans son incapacité à prendre les enfants correctement en charge, elle met un point d'honneur à finir cet échec par une honte, elle les maltraite et les met en prison.

Cette honte sera regardée exactement comme nous regardons les gens qui, au moyen-âge, mettaient les fous contre un mur pour les arroser d'eau glacée, et leur donner le fouet. Vous êtes complices de cette honte.

Mais je vais tenter de vous apporter un peu de lumière sur tout ce que vous ratez.



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