Je vous recommande chaudement l'écoute de ceci.
Je me demande dans quelle mesure on ne pourrait pas transposer cela au domaine de l'art.
C'est à dire se poser la question se savoir ce qu'il y aurait de congruent entre la démarche d'un individu dans la façon dont il gère sa relation aux autres par le truchement de la création artistique d'une part, et d'autre part la façon dont une société gère en quelque sorte son rapport à l'image qu'elle veut se renvoyer d'elle même, à travers un type de mythe particulier que serait l'Histoire de l'Art.
Évidemment, la tâche est ardue car il s'agit là d'une analogie, et tant qu'on n'a pas commencé à esquisser la nature de chacun des parallèles pris isolément dans cette perspective, il est difficile définir la relation entre les deux parties, tandis que le thème du tribut de la construction individuelle au groupe est plus largement défriché.
En quelque sorte, l’œuvre serait le rêve du sujet, la critique le décodage psychanalytique, et l'Histoire de l'Art le cadre plus général, le ou les mythes servant à la fois à accueillir les démarches individuelles des artistes, et en retour, fournissant le cadre conceptuel au sein duquel se forge le rôle que l'artiste entend y jouer, lui donnant par là les fameux " possibles culturels "de l'imagination.
Historiquement, je suis partie de L'Empire de l'Erreur, mais juste après avoir lu le Visible et l'Invisible. J'ai alors en quelque sorte posé le regard sur une chose double : l'individu en tant que représentant du collectif, et le groupe considéré comme une collection d'individualités. Sur la valeur de ce double rapport, de cette double chose, chacune des parties se définissant mutuellement. en tant qu'objet d'étude.
Que vaut l'individu en tant qu'unité d'un groupe ? Que vaut une notion de groupe qui est une collection d'individus ?
Et pourtant, chacun de nous sent comme immédiat que les choses se " fondent " ainsi. Non pas en une sorte de donné de la sensorialité, mais qu'il est difficile d'introduire un acteur tiers, aussi difficile que de dénier leur existence aux deux autres.
Il semble donc que nous tenions là les parties à 100 % d'un ensemble, ce sentiment si réconfortant.
Et la brèche ouverte par Bronner sur le plan de la valeur de l'échantillon individu comme unité constitutive du groupe, disons que je l'ai étendue à ce même dialogue, mais sur le plan psychologique.
J'ai un peu la même question pour l'anthropologie de l'art. Du côté sociologie de l'art, de ses dimensions politiques, médiatiques, économiques, je comprends.
Mais la signification des productions artistiques dans leur culture d'origine, donc, se heurterait à la question épistémologique : " Qu'est-ce que c'est que l'art".
La réponse de Panofsky ne me paraît pas complètement satisfaisante. Nous avons donc affaire une fois de plus à une réentrance du langage.
Peut-être, encore une fois, parce que cette définition parle " d'objet", là où je ne vois que des sujets, d'une part, et qu'il lui manque d'être " glissante", dynamique dans le temps, et dans l'espace.
Je veux dire dans le temps des phénomènes qu'elle décrit, et dans cet espace curieux où l'objet déterminé par sa culture la définit à son tour.
Finalement, je n'arrive pas à sortir de cette espèce de bouteille de Klein dont je parlais ici. Je la sentais confusément comme un objet candidat à représenter ce sentiment, et Alain Simon m'a mis le nom sous l'oeil. :)
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vendredi 31 mai 2013
mardi 28 mai 2013
Esthétique de l'échec
Citation extraite de cette page :
" Dès lors, Weiner présentera indifféremment, la sculpture, réalisée par lui-même (ou par quelqu'un d'autre) ou son énoncé. Ce qu'il faut bien comprendre c'est que dans tous les cas, un texte exposé par Weiner n'est pas l'énoncé d'un projet, mais la forme textuelle de travaux déjà réalisés. Le texte étant, pour Weiner, la meilleure forme possible, puisque c'est la seule qui permette au destinataire de re-réaliser, ou pas, ce qui est décrit."
Ok, à moi.
J'ai pris le texte des codes logistiques ornant un carton de livraison, je communique ce texte à la planète, et toute personne qui apposera ce texte fondant titre d'oeuvre créera par là cette même oeuvre, à la fois oeuvre nouvelle s'ajoutant à l'oeuvre déjà existante portant ce titre, et tout à la fois oeuvre nouvelle coextensive à la première, ou la précédente, et prenant sa place en tant qu'oeuvre totale portant ce titre.
Dans la mesure où on ne peut vérifier la séquence des pièces ainsi créées, et par là qui augmente l’œuvre de quoi, ni qui détrône qui, l’œuvre est de facto et instantanément explosée, inconnaissable, et d'ailleurs je ne suis pas intéressé de la connaître.
Tout cela pour dire qu'en matière d'art conceptuel, je suis championne, mais surtout que comme l'a dit Bourriaud avant moi, il tend vers son annihilation. Non pas l'annihilation de son objet, cependant, comme il le disait, mais vers sa propre néantisation en tant que démarche.
Témoin d'ailleurs la décision de Cady Noland de ne plus exposer. Sans vouloir lui prêter des intentions que je ne connais pas, je comprends assez cette décision dans ce sens.
Attention, d'une part, que celui qui n'a jamais abandonné des sculptures au hasard au bord de la route lui jette la première pierre, je l'adore, Lawrence.
Mais d'autre part, et c'est peut-être une partie de la réponse à la question " Pourquoi continuent-ils ?", que je posais ici, je me disais en contemplant Many colored objects..., de Weiner, qu'il n'y avait rien de moins conceptuel que cet art.
Je n'ai trouvé que cette image, mais je fais référence à une autre installation, où les lettres courent juste sous le bord du toit d'un bâtiment plus ancien.
Je suis particulièrement sensible au fait que ces mots sont fixés sur un mur fait de milliers de petites briques toutes semblables et toutes différentes. Notamment par leurs teintes, d'infinies nuances. Cet objet (la suite de lettres) est donc enfoncé dans son mur par sa couleur bleu ciel, plus sûrement encore que par les clous.
Et l'aspect d'art conceptuel me paraît s'éloigner. Je suis alors retournée voir toutes les inscriptions de ce type, notamment le tic-tac-toe, et celle qui est sur un phare. Et j'ai pu raviver cette sensation initiée par Many Colored Objects... : c'est du dur, du lourd, du solide.
Je regardais récemment un concert, et la musique n'avait "rien de nouveau". Et pourtant il la produisait avec plaisir, et pour la joie du public.
Il y a donc une pure joie de la réalisation de l'oeuvre, fût-elle du domaine du conceptuel par ailleurs, en dehors de tout renouveau et dans le plaisir de la relation à l'autre.
On peut donc maintenant tenter de " peler", de décoller ce qu'a pu apporter à Weiner le fait de dire que le public pouvait la réaliser, ou pas, ailleurs. (Outre la cause initiale du traumatisme de son œuvre détruite par les étudiants sur le campus, je crois que cela laisse des traces)
Entre le " J'ai fait tout le possible de ce que je voulais ardemment et complètement réaliser " qu'on peut un peu abusivement attribuer à l'art " classique " d'une part, et l'absence totale de motivation qui prolonge le mouvement de l'art conceptuel, se dessine une droite, un axe, sur lequel il faut bien se situer et c'est un des aspects de la prise en charge que j'évoquais.
Il faut bien " reprendre ce fardeau", se le remettre sur les épaules pour continuer d'avancer, ou bien ?
" Dès lors, Weiner présentera indifféremment, la sculpture, réalisée par lui-même (ou par quelqu'un d'autre) ou son énoncé. Ce qu'il faut bien comprendre c'est que dans tous les cas, un texte exposé par Weiner n'est pas l'énoncé d'un projet, mais la forme textuelle de travaux déjà réalisés. Le texte étant, pour Weiner, la meilleure forme possible, puisque c'est la seule qui permette au destinataire de re-réaliser, ou pas, ce qui est décrit."
Ok, à moi.
J'ai pris le texte des codes logistiques ornant un carton de livraison, je communique ce texte à la planète, et toute personne qui apposera ce texte fondant titre d'oeuvre créera par là cette même oeuvre, à la fois oeuvre nouvelle s'ajoutant à l'oeuvre déjà existante portant ce titre, et tout à la fois oeuvre nouvelle coextensive à la première, ou la précédente, et prenant sa place en tant qu'oeuvre totale portant ce titre.
Dans la mesure où on ne peut vérifier la séquence des pièces ainsi créées, et par là qui augmente l’œuvre de quoi, ni qui détrône qui, l’œuvre est de facto et instantanément explosée, inconnaissable, et d'ailleurs je ne suis pas intéressé de la connaître.
Tout cela pour dire qu'en matière d'art conceptuel, je suis championne, mais surtout que comme l'a dit Bourriaud avant moi, il tend vers son annihilation. Non pas l'annihilation de son objet, cependant, comme il le disait, mais vers sa propre néantisation en tant que démarche.
Témoin d'ailleurs la décision de Cady Noland de ne plus exposer. Sans vouloir lui prêter des intentions que je ne connais pas, je comprends assez cette décision dans ce sens.
Attention, d'une part, que celui qui n'a jamais abandonné des sculptures au hasard au bord de la route lui jette la première pierre, je l'adore, Lawrence.
Mais d'autre part, et c'est peut-être une partie de la réponse à la question " Pourquoi continuent-ils ?", que je posais ici, je me disais en contemplant Many colored objects..., de Weiner, qu'il n'y avait rien de moins conceptuel que cet art.
Je n'ai trouvé que cette image, mais je fais référence à une autre installation, où les lettres courent juste sous le bord du toit d'un bâtiment plus ancien.
Je suis particulièrement sensible au fait que ces mots sont fixés sur un mur fait de milliers de petites briques toutes semblables et toutes différentes. Notamment par leurs teintes, d'infinies nuances. Cet objet (la suite de lettres) est donc enfoncé dans son mur par sa couleur bleu ciel, plus sûrement encore que par les clous.
Et l'aspect d'art conceptuel me paraît s'éloigner. Je suis alors retournée voir toutes les inscriptions de ce type, notamment le tic-tac-toe, et celle qui est sur un phare. Et j'ai pu raviver cette sensation initiée par Many Colored Objects... : c'est du dur, du lourd, du solide.
Je regardais récemment un concert, et la musique n'avait "rien de nouveau". Et pourtant il la produisait avec plaisir, et pour la joie du public.
Il y a donc une pure joie de la réalisation de l'oeuvre, fût-elle du domaine du conceptuel par ailleurs, en dehors de tout renouveau et dans le plaisir de la relation à l'autre.
On peut donc maintenant tenter de " peler", de décoller ce qu'a pu apporter à Weiner le fait de dire que le public pouvait la réaliser, ou pas, ailleurs. (Outre la cause initiale du traumatisme de son œuvre détruite par les étudiants sur le campus, je crois que cela laisse des traces)
Entre le " J'ai fait tout le possible de ce que je voulais ardemment et complètement réaliser " qu'on peut un peu abusivement attribuer à l'art " classique " d'une part, et l'absence totale de motivation qui prolonge le mouvement de l'art conceptuel, se dessine une droite, un axe, sur lequel il faut bien se situer et c'est un des aspects de la prise en charge que j'évoquais.
Il faut bien " reprendre ce fardeau", se le remettre sur les épaules pour continuer d'avancer, ou bien ?
lundi 27 mai 2013
Exercice de démocratie populaire
Cette image pose un petit problème. L'assertion " 6 million people in 110 countries can't be wrong ", notamment.
Hélas si, 6 millions de gens peuvent avoir tort. Fussent-ils 110 millions dans 600 pays différents, on peut enfumer sans problème tous ces gens, leur faire avaler des couleuvres, les persuader du contraire, et les faire lever le bras bien tendu tous ensemble, ça s'est vu.
Quelle tentation pour le marchand que d'appuyer sur ce bouton, jusqu'à défoncer le tableau de bord !
Que faire si le socle de la démocratie, ce sacro-saint plus-grand-nombre, est vesé ? Gerald Bronner a évoqué cette question. Que faire si nous sommes en présence de millions de gens décérébrés ?
Que leur opposer ? Le goût d'une élite ? L'oasis de l'expertise après le désert de la lecture ?
Point besoin de théorie du complot : il est évident que la pente naturelle de qui voudrait étendre son empire marchand consumériste au sein d'une démocratie le conduirait à prendre la précaution liminaire de déculturer les citoyens, afin de mieux s'emparer du système par son propre principe.
Il suffit que le bénéfice des cent premiers clients fournisse de quoi faire de la publicité auprès des mille suivants, que le système s'amplifie, pour que le principe qui veut que ce que tous désirent devienne la loi qui s'impose à tous, ce qui je le rappelle est le fondement de la démocratie, pour que ce principe, donc devienne programmatique pour ce qu'il convient de faire, ce qui augmente en boucle les moyens donnés au publicitaire pour augmenter le plébiscite.
Il suffit de remplacer les outils de conviction destinés à des individus éduqués par des outils de propagande à destination d'ignares !
Je me souviens de ce diffuseur de musique qui m'avouait mettre, en début de mois 5 facings de chaque chanson au catalogue. La semaine suivante, celui qui se vendait un peu mieux * que les autres se voyait offrir une exposition double, augmentant mécaniquement ses ventes. Au bout d'un mois, le titre était présent partout, surtout en tête de gondole, et tout le monde l'achetait. Il entrait alors au top50, et de plus en plus de gens l'achetaient. Il devenait alors le hit préféré des français, tout le monde l'achetait.
Ce qui est coopté par tous est bien, devient le bien, tel est le principe qui n'est satisfaisant que si le niveau d'éducation des citoyens leur permet de choisir. Le grand nombre de cooptations parmi des individus éduqués est un signe de qualité, mais pas si le phénomène est mécaniquement amplifié.
Plus les citoyens seront déculturés, mieux la démocratie fonctionne, puisqu'ils adopteront d'autant plus rapidement le principe directeur de la démocratie, et mieux ils s'uniformiseront.
* Bien sûr, il suffisait d'aller acheter quelques disques ici ou là pour déclencher le phénomène. Ou d'avoir un ami chez le diffuseur...
dimanche 26 mai 2013
Un être prosaïque. Une existence prosaïque.
Tête basse, vaincue. Pas humiliée, mais vaincue. Nous n'existons, au sens individuel, que par notre culture et nous ne sommes que ce qu'elle a su faire de nous. Au sens individuel.
" Je " ne suis que le produit de mon éducation. A part cela, rien. Une pulsion de vie, animale.
Ou plutôt les cultures. Car comme pour les vertèbres et la fontanelle, j'ai conservé des vestiges, les strates psychiques de toute l'évolution. Les plus profondes, les primitives, comprimées puis fossilisées, minces et dure comme de l'ambre. Un glacis. J'hésite à y associer le mot " archaïque".
Et plus il y a de culture dans mon éducation, d'autant plus m'est offerte la possibilité de régler les questions de mon rapport individuel aux autres-réalité par l'art, forme d'acquisition et d'expression qui est " en périphérie " de notre psychisme, individuel et collectif.
Il y a un cercle (c'est une sphère, mais peu importe). Il y a un cercle qui s'élargit doucement. Ce cercle est tout à la fois le mien (celui de moi) et celui de ma culture (de mon groupe culturel : "les Incas" et la culture Inca, c'est pareil). "Les Franciliens" ce n'est pas grand-chose, à part des horaires de trains de banlieue.)
Important de voir qu'il s'agit bien du même cercle. Vu que je ne suis que le produit de ma culture, je ne peux être qu'à l'intérieur de ce cercle, il est donc aussi ma propre limite.
Ce cercle, si mon éducation ne m'épanouit pas, je reste dans l'intérieur de sa surface. Je suis " au milieu", dans l'aire du milieu. Je n'irai jamais vers la frontière, ni la mienne, ni celle du groupe. Donc je ne grandirai pas, et je n'apporterai rien au groupe.
Plus mon éducation sera riche culturellement, plus j'irai vers le bord. Je pousserai alors cette frontière du doigt, je pousserai le cercle vers l'extérieur pour l'agrandir. Je serai moi-même plus riche, mais tout le groupe en profitera.
Dans quelle mesure serai-je capable de pousser le cercle ? Dans la mesure (in that extent) où ma culture accepte les avant-gardes. Sa capacité à admettre, à intégrer des innovations est son élasticité.
Plus le groupe a une culture souple, qui intègre les poussées, plus son cercle s'agrandit et plus elle offre à ceux qui l'approchent l'occasion d'une expérience riche.
Vous allez me donner un contre-exemple. Celui de la culture hindoue, où l'épanouissement personnel tient une grande place, tandis que les motifs graphiques de l'art sacré ont été quasi invariables durant des siècles.
L'homme de la Renaissance ne pouvait pas plus peindre avec une touche divisée que celui d'aujourd'hui imaginer ce qui se peint ailleurs ou se peindra dans deux siècles. L'avenir n'est pas encore inventé.
(Mais tout de même, ça me perturbe que personne n'ait essayé, perseverare diabolicum :)
L'homme de chagrin (Is. 53 KJ21 ),
Un mètre au dessus du monde, et le Kala Mukha
" Je " ne suis que le produit de mon éducation. A part cela, rien. Une pulsion de vie, animale.
Ou plutôt les cultures. Car comme pour les vertèbres et la fontanelle, j'ai conservé des vestiges, les strates psychiques de toute l'évolution. Les plus profondes, les primitives, comprimées puis fossilisées, minces et dure comme de l'ambre. Un glacis. J'hésite à y associer le mot " archaïque".
Et plus il y a de culture dans mon éducation, d'autant plus m'est offerte la possibilité de régler les questions de mon rapport individuel aux autres-réalité par l'art, forme d'acquisition et d'expression qui est " en périphérie " de notre psychisme, individuel et collectif.
Il y a un cercle (c'est une sphère, mais peu importe). Il y a un cercle qui s'élargit doucement. Ce cercle est tout à la fois le mien (celui de moi) et celui de ma culture (de mon groupe culturel : "les Incas" et la culture Inca, c'est pareil). "Les Franciliens" ce n'est pas grand-chose, à part des horaires de trains de banlieue.)
Important de voir qu'il s'agit bien du même cercle. Vu que je ne suis que le produit de ma culture, je ne peux être qu'à l'intérieur de ce cercle, il est donc aussi ma propre limite.
Ce cercle, si mon éducation ne m'épanouit pas, je reste dans l'intérieur de sa surface. Je suis " au milieu", dans l'aire du milieu. Je n'irai jamais vers la frontière, ni la mienne, ni celle du groupe. Donc je ne grandirai pas, et je n'apporterai rien au groupe.
Plus mon éducation sera riche culturellement, plus j'irai vers le bord. Je pousserai alors cette frontière du doigt, je pousserai le cercle vers l'extérieur pour l'agrandir. Je serai moi-même plus riche, mais tout le groupe en profitera.
Dans quelle mesure serai-je capable de pousser le cercle ? Dans la mesure (in that extent) où ma culture accepte les avant-gardes. Sa capacité à admettre, à intégrer des innovations est son élasticité.
Plus le groupe a une culture souple, qui intègre les poussées, plus son cercle s'agrandit et plus elle offre à ceux qui l'approchent l'occasion d'une expérience riche.
Vous allez me donner un contre-exemple. Celui de la culture hindoue, où l'épanouissement personnel tient une grande place, tandis que les motifs graphiques de l'art sacré ont été quasi invariables durant des siècles.
L'homme de la Renaissance ne pouvait pas plus peindre avec une touche divisée que celui d'aujourd'hui imaginer ce qui se peint ailleurs ou se peindra dans deux siècles. L'avenir n'est pas encore inventé.
(Mais tout de même, ça me perturbe que personne n'ait essayé, perseverare diabolicum :)
L'homme de chagrin (Is. 53 KJ21 ),
Un mètre au dessus du monde, et le Kala Mukha
lundi 20 mai 2013
Soutien logistique
Ce billet fait d'une pierre deux coups.
Destiné à égrener quelques généralités sur le monde de l'art en général, et à encombrer plus encore celui des réflexions sur l’œuvre en particulier, évitant soigneusement la musique, la danse et l'art dramatique, il sert également à soutenir le propos de ce billet, en lui adjuvant des références, externes et donc par là sans pour autant en alourdir le contenu.
On peut donc voir le texte ci-dessous comme une tentative pour identifier les axes selon lesquels il est possible de situer la position d'une œuvre. A fin de catégoriser cette position, ou pas.
On peut le voir également comme une tentative pour, ramassant les précédentes observations et monter cette fois selon un axe qui les transcende, plaider que la meilleure manière d'atteindre un objectif est de s'en éloigner (sphère dont le centre est partout etc.).
Le hasard (et l'intervention)
Une des modalités de présence du oui et du non, est le degré d'intervention dans le geste qui dispose les formes. A ma gauche, justaucorps rouge et cagoule jaune, le zéro absolu de l'intervention, c'est à dire la personne qui n'existe pas artistiquement.
Et je pense que c'est la forme d'art la plus répandue.
Il y a ensuite l'artiste qui remarque, qui sent fugitivement, et ne fait rien. Nous avons ensuite celui qui contemple, mais toujours sans intervenir. Nous avons ensuite le photographe, qui cadre, et indique par ce cadre une forme dans les nuages.
Puis, poursuivant le panorama, toute la gamme des "interventionnistes", ceux qui soulignent le nuage, le colorisent, ou répandent des substances ou des objets les uns sur les autres pour constituer des choses remarquables, jusqu'à cette tentative pour s'inclure soi-même dans un prétendu invisible, artiste chinois dont j'ai oublié le nom. Mais bon, sans fermer la portes aux heureuses coïncidences et accueillant les cadeaux du hasard avec une neutralité plus ou moins bienveillantes, le grand peuple des maladroits avec leurs complaisances, et des chanceux inspirés.
Enfin à ma droite, Zarak, tout de noir vêtu, représente les perfectionnistes qui reproduisent une photo touche à touche, font des puzzles ou des tesselles, de la broderie ou autre technique ne laissant plus au hasard qu'une place qu'ils souhaitent minime.
Et Dieu leur en donne autant. Non son sommeil, mais pendant leur sommeil.
Il y a autant de lumière dans la nuit que dans le jour, de matière dans l'être que dans le néant, et de richesse créative dans la contemplation que dans la création.
Les autres (et moi)
Évidemment, là vous allez hurler. Je vous entends d'ici : " Oui, "les autres", c'est vaste. D'ailleurs c'est qui ? Les autres avérés, les autres supposés, devinés, esquissés, entr'aperçus, sans parler du temps, la postérité supposée au moment de l'élocution, etc. ?"
Mais vous tirant une langue de vingt-cinq mètres de long se déroulant avec la nonchalance d'un jeune éléphant, je garderai cela en bloc, c'est à dire toutes les tentatives, avortées ou pas, avouées ou non-avouées, ou plus ou moins avouées, qui peuvent constituer tout, ou partie seulement des motivations que l'on se donne consciemment ou inconsciemment, ou concerner tout ou partie d'une œuvre, ou seulement son envers, ou motivations pour commencer de créer, pour continuer, pour cesser de créer, toutes les tentatives donc qu'on peut relever, associées à une œuvre d'art, qui feraient dire que son auteur a cherché à travers cette œuvre à dire, qui plus est à dire quelque chose, qui plus et à dire quelque chose aux autres, à parler aux autres, sans qu'on puisse dire si le contenu du message était dans l’œuvre ou ailleurs, ou pour partie ici et pour partie là.
Il s'agit, et les psys auraient sûrement beaucoup à nous dire là dessus, de noter la présence de cette sorte de comptoir, plus ou moins large, plus ou moins haut, plus ou moins flou, sur lequel l'artiste va poser son œuvre, comme le photographe vous pose les photos que vous venez de faire tirer, les laissant à votre jugement, et en premier lieu à votre reconnaissance, comme on vous fait reconnaître un cadavre à la morgue.
Les frontières des modalités selon lesquelles ce geste de mise à disposition est effectué, de bonne ou de mauvaise grâce, ou inconsciemment, ne m'intéressent pas ici, je me contenterai, pour une fois, et pour vingt-cinq lignes à tout casser, mais je vous rassure, mes démons me rattraperont bientôt, d'évoluer dans une frange moyenne de certitude où elles existent et elles sont à peu près, d'une façon consensuellement constituée, et donc sur la plus large base moyennement fausse, admises.
Je voudrais, en contrepartie, me focaliser sur une zone précise de cet espace des autres qui est l'Histoire de l'Art. C'est à dire comment une créatrice " prend en charge", les œuvres et les artistes qui le précèdent. Vous allez me dire : " Encore faut-il, pour qu'elle décide de les prendre en charge ou pas, que ces artistes, ou leur œuvre, soient connus de la créatrice". Certes.
Mais l'aspect qui m'intéresse surtout, c'est un autre volet de la prise en charge, à savoir la prise en charge intérieure.
Une fois connus, comment, dans quelle mesure la créatrice décide de les prendre en charge. et par là je n'entends pas seulement comment sont intégrées les œuvres précédant chronologiquement, et issues d'autres artistes, plus ou moins consciemment, en tant qu'influence, dans sa pratique, mais bien plus la décision de " traiter le problème" soulevé par le prédécesseur.
En admettant en effet que la créatrice sache que Duchamp a sacré tout objet, que tout est oeuvre d'art, pourquoi en faire d'autre puisqu'elles sont déjà là ?
En admettant que la créatrice sache que Filioud et Weiner ont admis que l'oeuvre pouvait tout aussi bien exister dans sa version "non faite", la question est alors de savoir : " Que fais-je, moi créatrice, de ces événements ?".
C'est à dire est-ce que je feins de les ignorer, ou bien je les intériorise, et je vis désormais avec trois petits gardiens, avec mon Duchamp intérieur, avec mon Weiner intérieur et mon Filioud intérieur ?
Une fois que je vis avec mes 3 petits gardiens intérieurs, Caïn sous leur regard, que fais-je de cela ?
D'abord j'en fais un billet à soi tout seul, pour laisser celui-ci se finir.
La série : l’œuvre (et la précédente)
La série est un vaste problème.
Ce dernier commence avec la définition du sens même, comme on peut le lire ici, elle commence avec ce mouvement qu'est la création du sens. Ce saut de l'un à l'autre.
Le sens n'apparaît que lors de la comparaison d'une forme avec une autre. Mais lors du saut, et uniquement pendant le saut. D'où l'importance de la similitude et de la différence, que Foucault a justement placées au cœur du phénomène cognitif.
Ainsi la série commence juste après. Avec son lot de soucis. Il n'y a que deux solutions pour créer après avoir posé une première forme. On ne peut en effet que : soit revenir à la forme ancienne, ce qui nous amènerait à naviguer éternellement entre deux formes, ou bien dessiner une nouvelle forme. Une forme suffisamment-différente pour dire quelque chose, mais suffisamment-semblable pour que ce sens reste compréhensible.
Un des soucis est que le " juste après" ci-dessus suggère que les ennuis ne commenceraient qu' au second mouvement, alors que si prend en compte le zéro initial, c'est en réalité au premier qu'on s'exprime déjà par rapport au rien.
L'ensemble des pièces, produites ou non, par l'artiste fonctionne naturellement, et de facto comme une série. Mais la notion de " précédente" peut renvoyer soit à la pièce qui précède dans le temps, ou à celle qui précède dans l'histoire interne de l’œuvre.
Il est évident que l’œuvre que je crée aujourd'hui a pour précédente celle que j'ai créée hier. Elles ont entre elles une parenté certaine, puisque l'une ne peut pas complètement ne pas tenir compte de l'autre. Mais l’œuvre que je crée aujourd'hui a aussi pour précédente en influence une œuvre que j'ai créée il y a 20 ans, et elles peuvent être séparées par une dizaine d’œuvres qui s'intercalent chronologiquement sans interrompre la filiation.
Ainsi le critique avertit ne lira pas un unique saut, mais plusieurs.
Et à ce titre, il est plus simple, plutôt que de lire la série dans toutes ces dimensions, que l'artiste se plie à la contrainte de faire sa série d'affilée. Ainsi les filiations se superposent à la chronologie, elles s'inscrivent les unes dans les autres en appauvrissant les sauts possibles, dans leur contenu, puisque la maturation de la filiation n'a pas eu lieu.
La série a donc une dimension sociale, maintenant avérée dans la pression effectuée par le corps social sur l'artiste. Elle lui enjoint de produire une œuvre sous forme de série rapide autour d'un thème.
Cela me ravit dans la direction et dans la mesure où cela apporte de l'eau à tous mes moulins, mais cela me chagrine dans la mesure où c'est un appauvrissement, un étiolement, plutôt, de la volonté herméneutique.
On semble dire à l'artiste : " Nous n'avons pas le temps, ni le courage, de comparer une œuvre unique à l'ensemble des œuvres produites précédemment, vous comprenez mon bon, cela commence à s'entasser sérieusement. Alors, vieux, faites-nous une petite série bien tournée, et nous pourrons discuter vite fait autour de vos trois bidules. Allez, hop, et rappelez-moi demain pour me donner le thème."
Ainsi, comme dans les séries télé où le " climax" de l'épisode sera de savoir si Sandy a donné rendez-vous à Arnulf au bar, non-événement dont l'insignifiance totale aurait fait écharper le scénariste dans un film conventionnel, mais qui tient une horde de zombies en haleine dans l'attente de la résolution, au sein d'une série, possède-t-on, dans une suite d'images quasi-semblables, des variations minimes sur lesquelles s'appuyer pour un commentaire qui serait ailleurs tombé dans le vide.
Le jeu de la souricière, pour les enfants, leur permet d'évoluer dans un espace quasi-vide, et de faire le singe quelques instants, le temps d'exercer ses muscles. On finit toujours par faire le cochon pendu dans une souricière, parce que c'est la position qui procure le plus de sensations pour le minimum d'effort, avant de sortir en titubant dans une simple réalité devenue pourtant trop grande, trop riche.
La réalité, justement contient une autre complexité, puisque la " réalité extérieure" est triple. Cette dernière notion, encore largement inexplorée, recouvre d'une part la réalité en tant qu'extérieure à moi (et que je la suppose indépendante de moi, susceptible d'exister sans moi, ce dont je n'ai, je le répète, aucune preuve infrangible), d'autre part la réalité en tant qu'espace où se meuvent les autres, en tant qu'ils pourraient exister en dehors de moi, le substrat de l'intersubjectivité, pourrait-on dire, en ce qu'il entame (mais si peu) ma résistance précédente, et enfin bien sûr la synthèse des deux précédentes.
Lorsque je me bats contre la réalité, je dois donc d'abord me battre pour me prouver à moi-même qu'elle existe en dehors de moi, me battre pour admettre que les autres s'ébattent dans cet espace ainsi évidé hors de moi, et enfin me battre pour me persuader que je suis en droit de leur communiquer ainsi, à eux, mes impressions concernant cette réalité tierce qu'ils semblent également avoir admis (mais il doivent, ou devraient, faire ainsi s'ils veulent m'en convaincre, ou " ils n'en useraient pas autrement s'ils voulaient m'en persuader", etc. perseverare diabolicum, je sais :)
Soi-même
A tout seigneur, tout honneur, nous finirons par la pièce manquante du puzzle, celle qui renvoie à la " réalité", comme on vient de le voir par la plus ou moins consciente représentation que sa plus ou moins consciente conscience fait au sujet de la réalité " extérieure".
Celle qui renvoie au hasard, lequel appartient aux éléments de cette catégorie alors définie, lequel semble tour à tour nous servir et nous contrer, et que nous nous employons à circonvenir à l'aide d'idées bien connues comme la volonté, la chance, la grâce etc.
Celle qui renvoie aussi et surtout aux autres, et notamment à leur présenter la façon que nous avons de nous représenter ou de ressentir la réalité extérieure. Le partage de subjectivité que nous permet la représentation de la réalité, de mettre à l'épreuve cette représentation, de la mettre à l'épreuve de l'intersubjectivité.
Quelles que soient les frontières entre moi et le monde, et les frontières entre moi et les autres, l'interface d'échange sera "problématique". La commune humanité que je vais avoir à gérer avec le monde et avec les autres, que je naisse riche ou misérable, aimé ou torturé, se posera en gros à moi dans les mêmes termes.
Et quelle que soit ma façon de répondre à ces problèmes, elle aura maille à partir avec la création. Quelle que soient la nature de ma relation avec les autres, au monde, que cette relation se déroule dans la souffrance ou dans le confort, dans la gêne ou le désarroi, une partie de la réponse, et des échanges se déroule sur le mode esthétique.
L'esthétique de la respiration, ou celle du temps. Je dispose (ou non, je meurs sous le couteau qui me tranche la gorge) de temps pour respirer. Esthétique des plaisirs simples : On me laisse boire et manger, et ainsi de suite, tous les étages du confort.
Qu'il s'agisse la plus mince pellicule de liberté donnée au prisonnier de se retourner sur le sol de sa cellule, jusqu'à la plus grande latitude donnée au milliardaire Roussel pour écrire certains de ses livres, il y a un espace d'échange où je propose à l'autre de se communiquer nos "représentations de la réalité", des façons de se mettre en contact direct avec un extérieur, que ni lui, ni moi, ne connaissons.
Bref, de ce soi-même, il faut encore décrire trois versions, celui qui se pense dans le présent, se remémore son passé, et se projette dans l'avenir.
Et comme on le verra, on aurait, presque, pu écrire que la création artistique a pour objet de nous connecter à la réalité par une autre voie que celle du langage articulé. Par une autre voie, c'est à dire en passant par dessus les catégories assignées par la représentation des mots et l'édifice ainsi construit.
On aurait pu, car on le voit ici, il faut ce méfier de ce mode de pensée.
Il faut s'en méfier par ce qu'il superpose deux univers. Il les superpose parce qu'il restreint l'un des deux, les plus grand, de façon à le faire coïncider avec le plus petit. Et cette erreur est commune à notre représentation de l'univers par la science, laquelle est facilement trahie car elle se soumet à notre représentation par le langage. La représentation par l'art, elle, lutte pour réouvrir l'espace initial qui est senti, comme toujours existant, par l'être en nous qui préexistait à sa colonisation par le langage articulé.
Cette restriction est basée sur l'illusion qui nous aveugle et qui nous interdit de voir que tant que nous utilisons pour échanger sur la réalité, des outils qui ont sur la réalité les mêmes présupposés cognitifs, nous échangerons à l'intérieur de l'espace des possibles définis par ces outils, et nous resterons dans l'illusion de partager une réalité extérieure commune, au lieu de cerner les limites que cet outil cognitif nous permet d'avoir sur la réalité " extérieure".
La relativité et la physique quantique sont des brèches dans cette certitude. Et la venue de l'Observateur est le messie de la pensée moderne. C'est comme une voile qui fasseye au vent, et qui s'est retournée.
Je fais juste observer qu'elle est contemporaine du retournement artistique, la pensée moderne devenant en art celle de l'aventure intérieure, au moment de dé-représenter ultimement la réalité, au choc égal de la vision asiatique, qui a fini de bouter la position sujet/objet hors de soi :)
Alors vous allez me dire que non contente de ne pas traiter mon sujet initial, je l'ai perdu de vue, en ce qui concerne le fameux focus sur la prise en charge.
Certes, je vais donc y revenir. Mais vous allez voir que j'avais besoin de ce détour. C'est parce que je vais isoler les éléments de réponse sous la forme de trois courants, qui se jettent l'un dans l'autre, car les influences se " réinjectent " les unes dans les autres.
Pour simplifier, nous allons caricaturer un peu. Il le faut.
Dans quelques instants, ce sera le jambon
Les fleurs des Dieux,
Je gobe de lumineuses
Initiation pantalon
Pantalon !
Destiné à égrener quelques généralités sur le monde de l'art en général, et à encombrer plus encore celui des réflexions sur l’œuvre en particulier, évitant soigneusement la musique, la danse et l'art dramatique, il sert également à soutenir le propos de ce billet, en lui adjuvant des références, externes et donc par là sans pour autant en alourdir le contenu.
On peut donc voir le texte ci-dessous comme une tentative pour identifier les axes selon lesquels il est possible de situer la position d'une œuvre. A fin de catégoriser cette position, ou pas.
On peut le voir également comme une tentative pour, ramassant les précédentes observations et monter cette fois selon un axe qui les transcende, plaider que la meilleure manière d'atteindre un objectif est de s'en éloigner (sphère dont le centre est partout etc.).
Le hasard (et l'intervention)
Une des modalités de présence du oui et du non, est le degré d'intervention dans le geste qui dispose les formes. A ma gauche, justaucorps rouge et cagoule jaune, le zéro absolu de l'intervention, c'est à dire la personne qui n'existe pas artistiquement.
Et je pense que c'est la forme d'art la plus répandue.
Il y a ensuite l'artiste qui remarque, qui sent fugitivement, et ne fait rien. Nous avons ensuite celui qui contemple, mais toujours sans intervenir. Nous avons ensuite le photographe, qui cadre, et indique par ce cadre une forme dans les nuages.
Puis, poursuivant le panorama, toute la gamme des "interventionnistes", ceux qui soulignent le nuage, le colorisent, ou répandent des substances ou des objets les uns sur les autres pour constituer des choses remarquables, jusqu'à cette tentative pour s'inclure soi-même dans un prétendu invisible, artiste chinois dont j'ai oublié le nom. Mais bon, sans fermer la portes aux heureuses coïncidences et accueillant les cadeaux du hasard avec une neutralité plus ou moins bienveillantes, le grand peuple des maladroits avec leurs complaisances, et des chanceux inspirés.
Enfin à ma droite, Zarak, tout de noir vêtu, représente les perfectionnistes qui reproduisent une photo touche à touche, font des puzzles ou des tesselles, de la broderie ou autre technique ne laissant plus au hasard qu'une place qu'ils souhaitent minime.
Et Dieu leur en donne autant. Non son sommeil, mais pendant leur sommeil.
Il y a autant de lumière dans la nuit que dans le jour, de matière dans l'être que dans le néant, et de richesse créative dans la contemplation que dans la création.
Les autres (et moi)
Évidemment, là vous allez hurler. Je vous entends d'ici : " Oui, "les autres", c'est vaste. D'ailleurs c'est qui ? Les autres avérés, les autres supposés, devinés, esquissés, entr'aperçus, sans parler du temps, la postérité supposée au moment de l'élocution, etc. ?"
Mais vous tirant une langue de vingt-cinq mètres de long se déroulant avec la nonchalance d'un jeune éléphant, je garderai cela en bloc, c'est à dire toutes les tentatives, avortées ou pas, avouées ou non-avouées, ou plus ou moins avouées, qui peuvent constituer tout, ou partie seulement des motivations que l'on se donne consciemment ou inconsciemment, ou concerner tout ou partie d'une œuvre, ou seulement son envers, ou motivations pour commencer de créer, pour continuer, pour cesser de créer, toutes les tentatives donc qu'on peut relever, associées à une œuvre d'art, qui feraient dire que son auteur a cherché à travers cette œuvre à dire, qui plus est à dire quelque chose, qui plus et à dire quelque chose aux autres, à parler aux autres, sans qu'on puisse dire si le contenu du message était dans l’œuvre ou ailleurs, ou pour partie ici et pour partie là.
Il s'agit, et les psys auraient sûrement beaucoup à nous dire là dessus, de noter la présence de cette sorte de comptoir, plus ou moins large, plus ou moins haut, plus ou moins flou, sur lequel l'artiste va poser son œuvre, comme le photographe vous pose les photos que vous venez de faire tirer, les laissant à votre jugement, et en premier lieu à votre reconnaissance, comme on vous fait reconnaître un cadavre à la morgue.
Les frontières des modalités selon lesquelles ce geste de mise à disposition est effectué, de bonne ou de mauvaise grâce, ou inconsciemment, ne m'intéressent pas ici, je me contenterai, pour une fois, et pour vingt-cinq lignes à tout casser, mais je vous rassure, mes démons me rattraperont bientôt, d'évoluer dans une frange moyenne de certitude où elles existent et elles sont à peu près, d'une façon consensuellement constituée, et donc sur la plus large base moyennement fausse, admises.
Je voudrais, en contrepartie, me focaliser sur une zone précise de cet espace des autres qui est l'Histoire de l'Art. C'est à dire comment une créatrice " prend en charge", les œuvres et les artistes qui le précèdent. Vous allez me dire : " Encore faut-il, pour qu'elle décide de les prendre en charge ou pas, que ces artistes, ou leur œuvre, soient connus de la créatrice". Certes.
Mais l'aspect qui m'intéresse surtout, c'est un autre volet de la prise en charge, à savoir la prise en charge intérieure.
Une fois connus, comment, dans quelle mesure la créatrice décide de les prendre en charge. et par là je n'entends pas seulement comment sont intégrées les œuvres précédant chronologiquement, et issues d'autres artistes, plus ou moins consciemment, en tant qu'influence, dans sa pratique, mais bien plus la décision de " traiter le problème" soulevé par le prédécesseur.
En admettant en effet que la créatrice sache que Duchamp a sacré tout objet, que tout est oeuvre d'art, pourquoi en faire d'autre puisqu'elles sont déjà là ?
En admettant que la créatrice sache que Filioud et Weiner ont admis que l'oeuvre pouvait tout aussi bien exister dans sa version "non faite", la question est alors de savoir : " Que fais-je, moi créatrice, de ces événements ?".
C'est à dire est-ce que je feins de les ignorer, ou bien je les intériorise, et je vis désormais avec trois petits gardiens, avec mon Duchamp intérieur, avec mon Weiner intérieur et mon Filioud intérieur ?
Une fois que je vis avec mes 3 petits gardiens intérieurs, Caïn sous leur regard, que fais-je de cela ?
D'abord j'en fais un billet à soi tout seul, pour laisser celui-ci se finir.
La série : l’œuvre (et la précédente)
La série est un vaste problème.
Ce dernier commence avec la définition du sens même, comme on peut le lire ici, elle commence avec ce mouvement qu'est la création du sens. Ce saut de l'un à l'autre.
Le sens n'apparaît que lors de la comparaison d'une forme avec une autre. Mais lors du saut, et uniquement pendant le saut. D'où l'importance de la similitude et de la différence, que Foucault a justement placées au cœur du phénomène cognitif.
Ainsi la série commence juste après. Avec son lot de soucis. Il n'y a que deux solutions pour créer après avoir posé une première forme. On ne peut en effet que : soit revenir à la forme ancienne, ce qui nous amènerait à naviguer éternellement entre deux formes, ou bien dessiner une nouvelle forme. Une forme suffisamment-différente pour dire quelque chose, mais suffisamment-semblable pour que ce sens reste compréhensible.
Un des soucis est que le " juste après" ci-dessus suggère que les ennuis ne commenceraient qu' au second mouvement, alors que si prend en compte le zéro initial, c'est en réalité au premier qu'on s'exprime déjà par rapport au rien.
L'ensemble des pièces, produites ou non, par l'artiste fonctionne naturellement, et de facto comme une série. Mais la notion de " précédente" peut renvoyer soit à la pièce qui précède dans le temps, ou à celle qui précède dans l'histoire interne de l’œuvre.
Il est évident que l’œuvre que je crée aujourd'hui a pour précédente celle que j'ai créée hier. Elles ont entre elles une parenté certaine, puisque l'une ne peut pas complètement ne pas tenir compte de l'autre. Mais l’œuvre que je crée aujourd'hui a aussi pour précédente en influence une œuvre que j'ai créée il y a 20 ans, et elles peuvent être séparées par une dizaine d’œuvres qui s'intercalent chronologiquement sans interrompre la filiation.
Ainsi le critique avertit ne lira pas un unique saut, mais plusieurs.
Et à ce titre, il est plus simple, plutôt que de lire la série dans toutes ces dimensions, que l'artiste se plie à la contrainte de faire sa série d'affilée. Ainsi les filiations se superposent à la chronologie, elles s'inscrivent les unes dans les autres en appauvrissant les sauts possibles, dans leur contenu, puisque la maturation de la filiation n'a pas eu lieu.
La série a donc une dimension sociale, maintenant avérée dans la pression effectuée par le corps social sur l'artiste. Elle lui enjoint de produire une œuvre sous forme de série rapide autour d'un thème.
Cela me ravit dans la direction et dans la mesure où cela apporte de l'eau à tous mes moulins, mais cela me chagrine dans la mesure où c'est un appauvrissement, un étiolement, plutôt, de la volonté herméneutique.
On semble dire à l'artiste : " Nous n'avons pas le temps, ni le courage, de comparer une œuvre unique à l'ensemble des œuvres produites précédemment, vous comprenez mon bon, cela commence à s'entasser sérieusement. Alors, vieux, faites-nous une petite série bien tournée, et nous pourrons discuter vite fait autour de vos trois bidules. Allez, hop, et rappelez-moi demain pour me donner le thème."
Ainsi, comme dans les séries télé où le " climax" de l'épisode sera de savoir si Sandy a donné rendez-vous à Arnulf au bar, non-événement dont l'insignifiance totale aurait fait écharper le scénariste dans un film conventionnel, mais qui tient une horde de zombies en haleine dans l'attente de la résolution, au sein d'une série, possède-t-on, dans une suite d'images quasi-semblables, des variations minimes sur lesquelles s'appuyer pour un commentaire qui serait ailleurs tombé dans le vide.
Le jeu de la souricière, pour les enfants, leur permet d'évoluer dans un espace quasi-vide, et de faire le singe quelques instants, le temps d'exercer ses muscles. On finit toujours par faire le cochon pendu dans une souricière, parce que c'est la position qui procure le plus de sensations pour le minimum d'effort, avant de sortir en titubant dans une simple réalité devenue pourtant trop grande, trop riche.
La réalité, justement contient une autre complexité, puisque la " réalité extérieure" est triple. Cette dernière notion, encore largement inexplorée, recouvre d'une part la réalité en tant qu'extérieure à moi (et que je la suppose indépendante de moi, susceptible d'exister sans moi, ce dont je n'ai, je le répète, aucune preuve infrangible), d'autre part la réalité en tant qu'espace où se meuvent les autres, en tant qu'ils pourraient exister en dehors de moi, le substrat de l'intersubjectivité, pourrait-on dire, en ce qu'il entame (mais si peu) ma résistance précédente, et enfin bien sûr la synthèse des deux précédentes.
Lorsque je me bats contre la réalité, je dois donc d'abord me battre pour me prouver à moi-même qu'elle existe en dehors de moi, me battre pour admettre que les autres s'ébattent dans cet espace ainsi évidé hors de moi, et enfin me battre pour me persuader que je suis en droit de leur communiquer ainsi, à eux, mes impressions concernant cette réalité tierce qu'ils semblent également avoir admis (mais il doivent, ou devraient, faire ainsi s'ils veulent m'en convaincre, ou " ils n'en useraient pas autrement s'ils voulaient m'en persuader", etc. perseverare diabolicum, je sais :)
Soi-même
A tout seigneur, tout honneur, nous finirons par la pièce manquante du puzzle, celle qui renvoie à la " réalité", comme on vient de le voir par la plus ou moins consciente représentation que sa plus ou moins consciente conscience fait au sujet de la réalité " extérieure".
Celle qui renvoie au hasard, lequel appartient aux éléments de cette catégorie alors définie, lequel semble tour à tour nous servir et nous contrer, et que nous nous employons à circonvenir à l'aide d'idées bien connues comme la volonté, la chance, la grâce etc.
Celle qui renvoie aussi et surtout aux autres, et notamment à leur présenter la façon que nous avons de nous représenter ou de ressentir la réalité extérieure. Le partage de subjectivité que nous permet la représentation de la réalité, de mettre à l'épreuve cette représentation, de la mettre à l'épreuve de l'intersubjectivité.
Quelles que soient les frontières entre moi et le monde, et les frontières entre moi et les autres, l'interface d'échange sera "problématique". La commune humanité que je vais avoir à gérer avec le monde et avec les autres, que je naisse riche ou misérable, aimé ou torturé, se posera en gros à moi dans les mêmes termes.
Et quelle que soit ma façon de répondre à ces problèmes, elle aura maille à partir avec la création. Quelle que soient la nature de ma relation avec les autres, au monde, que cette relation se déroule dans la souffrance ou dans le confort, dans la gêne ou le désarroi, une partie de la réponse, et des échanges se déroule sur le mode esthétique.
L'esthétique de la respiration, ou celle du temps. Je dispose (ou non, je meurs sous le couteau qui me tranche la gorge) de temps pour respirer. Esthétique des plaisirs simples : On me laisse boire et manger, et ainsi de suite, tous les étages du confort.
Qu'il s'agisse la plus mince pellicule de liberté donnée au prisonnier de se retourner sur le sol de sa cellule, jusqu'à la plus grande latitude donnée au milliardaire Roussel pour écrire certains de ses livres, il y a un espace d'échange où je propose à l'autre de se communiquer nos "représentations de la réalité", des façons de se mettre en contact direct avec un extérieur, que ni lui, ni moi, ne connaissons.
Bref, de ce soi-même, il faut encore décrire trois versions, celui qui se pense dans le présent, se remémore son passé, et se projette dans l'avenir.
Et comme on le verra, on aurait, presque, pu écrire que la création artistique a pour objet de nous connecter à la réalité par une autre voie que celle du langage articulé. Par une autre voie, c'est à dire en passant par dessus les catégories assignées par la représentation des mots et l'édifice ainsi construit.
On aurait pu, car on le voit ici, il faut ce méfier de ce mode de pensée.
Il faut s'en méfier par ce qu'il superpose deux univers. Il les superpose parce qu'il restreint l'un des deux, les plus grand, de façon à le faire coïncider avec le plus petit. Et cette erreur est commune à notre représentation de l'univers par la science, laquelle est facilement trahie car elle se soumet à notre représentation par le langage. La représentation par l'art, elle, lutte pour réouvrir l'espace initial qui est senti, comme toujours existant, par l'être en nous qui préexistait à sa colonisation par le langage articulé.
Cette restriction est basée sur l'illusion qui nous aveugle et qui nous interdit de voir que tant que nous utilisons pour échanger sur la réalité, des outils qui ont sur la réalité les mêmes présupposés cognitifs, nous échangerons à l'intérieur de l'espace des possibles définis par ces outils, et nous resterons dans l'illusion de partager une réalité extérieure commune, au lieu de cerner les limites que cet outil cognitif nous permet d'avoir sur la réalité " extérieure".
La relativité et la physique quantique sont des brèches dans cette certitude. Et la venue de l'Observateur est le messie de la pensée moderne. C'est comme une voile qui fasseye au vent, et qui s'est retournée.
Je fais juste observer qu'elle est contemporaine du retournement artistique, la pensée moderne devenant en art celle de l'aventure intérieure, au moment de dé-représenter ultimement la réalité, au choc égal de la vision asiatique, qui a fini de bouter la position sujet/objet hors de soi :)
Alors vous allez me dire que non contente de ne pas traiter mon sujet initial, je l'ai perdu de vue, en ce qui concerne le fameux focus sur la prise en charge.
Certes, je vais donc y revenir. Mais vous allez voir que j'avais besoin de ce détour. C'est parce que je vais isoler les éléments de réponse sous la forme de trois courants, qui se jettent l'un dans l'autre, car les influences se " réinjectent " les unes dans les autres.
Pour simplifier, nous allons caricaturer un peu. Il le faut.
Dans quelques instants, ce sera le jambon
Les fleurs des Dieux,
Je gobe de lumineuses
Initiation pantalon
Pantalon !
samedi 11 mai 2013
Cum dederit dilectis suis somnum
دائِم
Daima : toujours, permanent...
نُور
Nour : lumière
For so he giveth his beloved sleep
Daima : toujours, permanent...
نُور
Nour : lumière
For so he giveth his beloved sleep
Natacha, présidente !
On m'a proposé d'être présidente du Monde, mais nous ne sommes pas parvenus à un accord quant aux avantages (couleur des montures des 3 paires de lunettes de soleil remboursées par la mutuelle, longueur de la trottinette de fonction etc.).
Marrie que ce projet achoppe sur des détails mineurs, je tenais à partager avec la population de la planète quelques points essentiels de mon programme.
Même si ce qui va suivre a un fort relent de saumon, leur rédaction n'a pas voulu de ce papier. Je regrette ce choix, mais je respecte leur ligne éditoriale.
Donc si j'étais présidente du Monde, je m'efforcerais d'avoir un programme qui ne plaise à personne.
C'est à dire que je prendrais soin de bâtir une société que tout le monde rejette, et où chacun se sente spécialement mal à l'aise.
Pourquoi ?
Parce que si les gens se sentent mal à l'aise et que j'arrive à les persuader que c'est de leur faute, ils s'en accuseront et il ne leur viendra pas à l'esprit de me remettre en question. S'ils sont heureux, épanouis par un système qui leur plaît et qui leur donne envie de faire mieux, ils risquent de le changer, et moi avec.
Mais comment mettre en place un tel projet ?
C'est plus simple qu'il n'y paraît.
Vous basez le développement de la société sur des idées fausses, par exemple que le bonheur vient par l'achat d'objets en plastique avec des piles qui permettent d'y faire clignoter de petites lampes en façade.
Si vous arrivez à laver le cerveau des gens suffisamment en profondeur, vous obtiendrez qu'ils y sacrifient le reste de leur vie, c'est à dire qu'ils acceptent de passer leur temps à acquérir une voiture qui leur permettra d'aller travailler, et d'acheter avec le fruit de ce travail, de l'argent donc, les produits que vous leur vendez.
Ainsi les gens auront absorbé leur vie, englouti tout leur temps disponible, et ne créeront plus rien par eux-mêmes.
Leurs facultés créatives diminueront, ils n'imagineront plus rien de nouveau, et la mécanique s'entraînant d'elle-même, ils seront de plus en plus disposés à acheter la prochaine version du joujou électronique distribuant automatiquement de la musique, oubliant ainsi d'apprendre par eux-mêmes à jouer d'un instrument, disposés à acheter des films faits par d'autres alors qu'ils n'apprendront plus à lire pour imaginer des histoires.
Bien entendu, l'argent que je gagnerai ainsi me permettra d'accroître ma puissance marketing et de développer mon programme.
Cette privatisation s'accompagnant d'un désengagement de l'Etat, j'aurai des fonds disponibles pour encourager le développement d'un tissu de micro-associations locales qui prendront le relais sur le terrain, et je prendrai soin de briser les chaînes verticales qui rassembleraient les gens autour de valeurs concernant un territoire plus grand que leur village.
Ramener la culture, la politique, à l'échelon le plus petit possible permet de ringardiser la culture et la philosophie, tout en laissant un fantôme de civilisation. L'être paraît donc socialisé, mais en réalité, il redevient un unicellulaire.
Il est donc enfermé dans une cellule où la seule solution pour se sentir bien est l'uniformité avec les autres cellules. Toute " asocialité", singularité, toute initiative réellement créative, c'est à dire favorisant l'apparition de formes de pensée nouvelles, doit provoquer le malaise d'être inadapté.
Or ne l'oublions pas, j'ai dessiné le système, dès ses axiomes de base, pour que tous s'y sentent mal à l'aise. S'y sentir bien est par définition impossible. Donc par un effet d'entonnoir, ce malaise va se glisser dans son contenant catégoriel qui est le péché d'inadaptation.
Il n'y aura donc, plus, et cela se fera aussi quasi naturellement, à associer cette inadaptation à une inadéquation dans les objectifs. En effet, à côté de l'exclusion sociale, qui punit l'inadapté de son refus de se plier aux règles, et dont la terreur prospective sert à garder le gros du troupeau dans le pré, il y a l'exclusion culturelle. Il faut que celui qui pense différemment, qui apprend à penser autrement, se sente également spécialement mal à l'aise, il faut qu'il se sente inutile.
Mais une fois que le sentiment de rejet aura été culpabilisé, le pari est gagné. Je crée une société dont les règles n'arrangent personne, et je crée un malaise chez tous. Ensuite je culpabilise ce malaise, en l'isolant sous forme de problème individuel : " Ce n'est pas la société qui te pose un problème, c'est toi qui lui poses un problème en étant inadapté", et ainsi je ventile le malaise en le projetant dans des catégories individuelles : tu es hyperactif, dépressif, anxieux, anorexique, hypertendu, hypotonique, pas assez ceci, trop cela, bref individuellement, tu n'es pas bien, tu es malade, alors on va rembourser tes médicaments, mais pas trop non plus, tu vas les payer toi-même.
Alors on me dira avec raison que sous cette apparente simplicité, des problèmes se posent.
Le plus évident est que ce grand nombre de malades, enfermés dans la cellule de leur tête, passant leur temps à culpabiliser de ne pas bien aller, va finir par se voir.
On va finir par entendre des questions telles que : " Pourquoi les psys ne participent pas à la politique ? "
En effet, le scandale pourrait éventuellement confirmé par les psys. Pourquoi ne les entend-t-on jamais que pour tenter de se démêler des accusations d'incompétence quand ils ont laissé filer un meurtrier au lieu de le faire encabaner ?
Pourquoi n'entend-t-on, je ne pense pas me tromper, quasiment jamais, les psys sur les grands media ? En tant que sociologues, j'entends, en tant que remonteur d'informations, collationneurs, alors qu'on est au courant minute par minute de l'état de santé de chaque joueur de football ?
Pourquoi la pratique médicale psy est-elle cantonnée à une sorte d'acte commercial, comme le fast-food ou la prostitution ? Je t'achète un service, je paye, c'est entre adultes consentants, personne ne se plaint, tout le monde est content, donc la personne publique ne s'en mêle pas.
Pourquoi faut-il attendre d'un type tue quelqu'un pour que cela sorte du cabinet ? J'entends bien le souhait des médecins, et avec raison ils s'opposent à l'ébruitement de ce qui s'y passe. Ils ne sont pas des auxiliaires de police j'entends tout cela.
Ce que je ne comprends pas c'est qu'ils deviennent bien des auxiliaires de justice, mais trop tard. Seulement quand les gens sont devenus alcooliques, fous, assassins, suicidaires...
Vous avez raison.
Il faut que la prise en charge psychologique et affective de l'individu soit faite le plus tard possible. En effet, elle devient alors impossible, coûteuse, et il faut repasser dans le circuit médicament. On a pu jusqu'ici juguler le phénomène en inondant les organismes d'antidépresseurs, d'anxiolytiques, de coupe-faim, de cosmétiques (rouge à lèvres...), de drogues (alcool, tabac) à doses massives et en amenant les gens à payer pour les drogues qui compensent le mal-être dans lequel on les fait vivre, ce qui contribue à faire tourner l'économie;
Si, comme on le fait pour la santé physique, on suivait l'enfant au plus tôt pour détecter les problèmes. Si, comme on le fait pour la santé physique, on surveillait l'environnement affectif de l'enfant. Si, comme on le fait pour la santé physique, on se posait la question de savoir pourquoi un enfant est malheureux ou déséquilibré, cela présupposerait que la société a pour devoir de rendre les gens heureux.
Le fait qu'on néglige la santé psychique et affective des enfants le plus longtemps possible, le plus tard possible, jusqu'à ce qu'il ne soit plus temps qu'avec des châtiments physiques, comme on battait les fous, jusqu'à ce que tout ne se résolve qu'en termes de suicide et de prison, prouve que le devoir pour la société de rendre les gens heureux n'est pas à l'ordre du jour.
Pire, que ce n'est pas un objectif.
Et ne vous croyez pas à l'abri, les riches, avec vos belles maisons, vos belles voitures, et vos vacances au soleil. Vos stérilités de couple, vos AVC, vos cancers, vos crises cardiaques, parkinson et autres ne sont que les punitions corporelles pire encore de vos corps, de votre malaise plus profondément enfoui encore.
Vous avez raison, mille fois raison. C'est un facteur de risque et j'y veillerai.Quant je serai présidente, je veillerai à ce que tous, enseignants et élèves, soient évalués régulièrement pour que tous se sentent également mal à l'aise, et qu'ainsi le malaise social ne me soit pas imputé.
L'individu se dira : " Je suis mal à l'aise parce que je ne suis pas assez performant pour contribuer efficacement au développement de l'économie et de la croissance, je doit me corriger avec l'aide des médicaments".
Un autre risque de mon système est qu'il engendre sa perte faute de combattants. En effet, ces hordes de dépressifs ne deviendront plus bons à grand chose et ils iront grossir les rangs des chômeurs. Je ferai supporter ce poids aux systèmes publics locaux (autrefois appelés Etats) mais cette résistance a une limite.
Pour pallier cela, je fragmenterai le travail en petites tâches individuelles, afin que ces dernières puissent être exécutées par des personnes sous-qualifiées que seront les zombies sous anxiolytiques, trop heureux d'avoir un quart de temps à quelques euros par mois pour oser se dire " Mais qui suis-je pour réclamer plus que ce qu'on veut bien me donner ?".
Il faut donc mapper toutes les activités professionnelles sur des procédures, que les gens suivront pas à pas, assistés au besoin par des systèmes d'information qui les guideront, corrigeront leurs erreurs, et reporteront les indicateurs des tableaux de bord sur la performance du système d'assistance par ordinateur. J'étendrai ce CAM (Computer Assisted Management) du haut en bas de l'échelle, de façon à ce que seule une Elite Coders aient besoin d'accéder aux patterns de design du système.
Bien... Je crois que tout est bouclé. Chimiotiser toutes les thérapies et procéduraliser l'espace de décision, il y en a pour un quinquennat à tout casser.
Je suis prête pour le prochain, aaaaaaaaaaaaaattachez vos ceintures, et si vous voyez dans votre tête un panneau " autorisez-vous le programme de Natacha à s'exécuter ?", cliquez sur ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii, et vous aurez une double dose de tramadol gratuite dans votre prochaine injection.
Marrie que ce projet achoppe sur des détails mineurs, je tenais à partager avec la population de la planète quelques points essentiels de mon programme.
Même si ce qui va suivre a un fort relent de saumon, leur rédaction n'a pas voulu de ce papier. Je regrette ce choix, mais je respecte leur ligne éditoriale.
Donc si j'étais présidente du Monde, je m'efforcerais d'avoir un programme qui ne plaise à personne.
C'est à dire que je prendrais soin de bâtir une société que tout le monde rejette, et où chacun se sente spécialement mal à l'aise.
Pourquoi ?
Parce que si les gens se sentent mal à l'aise et que j'arrive à les persuader que c'est de leur faute, ils s'en accuseront et il ne leur viendra pas à l'esprit de me remettre en question. S'ils sont heureux, épanouis par un système qui leur plaît et qui leur donne envie de faire mieux, ils risquent de le changer, et moi avec.
Mais comment mettre en place un tel projet ?
C'est plus simple qu'il n'y paraît.
Vous basez le développement de la société sur des idées fausses, par exemple que le bonheur vient par l'achat d'objets en plastique avec des piles qui permettent d'y faire clignoter de petites lampes en façade.
Si vous arrivez à laver le cerveau des gens suffisamment en profondeur, vous obtiendrez qu'ils y sacrifient le reste de leur vie, c'est à dire qu'ils acceptent de passer leur temps à acquérir une voiture qui leur permettra d'aller travailler, et d'acheter avec le fruit de ce travail, de l'argent donc, les produits que vous leur vendez.
Ainsi les gens auront absorbé leur vie, englouti tout leur temps disponible, et ne créeront plus rien par eux-mêmes.
Leurs facultés créatives diminueront, ils n'imagineront plus rien de nouveau, et la mécanique s'entraînant d'elle-même, ils seront de plus en plus disposés à acheter la prochaine version du joujou électronique distribuant automatiquement de la musique, oubliant ainsi d'apprendre par eux-mêmes à jouer d'un instrument, disposés à acheter des films faits par d'autres alors qu'ils n'apprendront plus à lire pour imaginer des histoires.
Bien entendu, l'argent que je gagnerai ainsi me permettra d'accroître ma puissance marketing et de développer mon programme.
Cette privatisation s'accompagnant d'un désengagement de l'Etat, j'aurai des fonds disponibles pour encourager le développement d'un tissu de micro-associations locales qui prendront le relais sur le terrain, et je prendrai soin de briser les chaînes verticales qui rassembleraient les gens autour de valeurs concernant un territoire plus grand que leur village.
Ramener la culture, la politique, à l'échelon le plus petit possible permet de ringardiser la culture et la philosophie, tout en laissant un fantôme de civilisation. L'être paraît donc socialisé, mais en réalité, il redevient un unicellulaire.
Il est donc enfermé dans une cellule où la seule solution pour se sentir bien est l'uniformité avec les autres cellules. Toute " asocialité", singularité, toute initiative réellement créative, c'est à dire favorisant l'apparition de formes de pensée nouvelles, doit provoquer le malaise d'être inadapté.
Or ne l'oublions pas, j'ai dessiné le système, dès ses axiomes de base, pour que tous s'y sentent mal à l'aise. S'y sentir bien est par définition impossible. Donc par un effet d'entonnoir, ce malaise va se glisser dans son contenant catégoriel qui est le péché d'inadaptation.
Il n'y aura donc, plus, et cela se fera aussi quasi naturellement, à associer cette inadaptation à une inadéquation dans les objectifs. En effet, à côté de l'exclusion sociale, qui punit l'inadapté de son refus de se plier aux règles, et dont la terreur prospective sert à garder le gros du troupeau dans le pré, il y a l'exclusion culturelle. Il faut que celui qui pense différemment, qui apprend à penser autrement, se sente également spécialement mal à l'aise, il faut qu'il se sente inutile.
Mais une fois que le sentiment de rejet aura été culpabilisé, le pari est gagné. Je crée une société dont les règles n'arrangent personne, et je crée un malaise chez tous. Ensuite je culpabilise ce malaise, en l'isolant sous forme de problème individuel : " Ce n'est pas la société qui te pose un problème, c'est toi qui lui poses un problème en étant inadapté", et ainsi je ventile le malaise en le projetant dans des catégories individuelles : tu es hyperactif, dépressif, anxieux, anorexique, hypertendu, hypotonique, pas assez ceci, trop cela, bref individuellement, tu n'es pas bien, tu es malade, alors on va rembourser tes médicaments, mais pas trop non plus, tu vas les payer toi-même.
Alors on me dira avec raison que sous cette apparente simplicité, des problèmes se posent.
Le plus évident est que ce grand nombre de malades, enfermés dans la cellule de leur tête, passant leur temps à culpabiliser de ne pas bien aller, va finir par se voir.
On va finir par entendre des questions telles que : " Pourquoi les psys ne participent pas à la politique ? "
En effet, le scandale pourrait éventuellement confirmé par les psys. Pourquoi ne les entend-t-on jamais que pour tenter de se démêler des accusations d'incompétence quand ils ont laissé filer un meurtrier au lieu de le faire encabaner ?
Pourquoi n'entend-t-on, je ne pense pas me tromper, quasiment jamais, les psys sur les grands media ? En tant que sociologues, j'entends, en tant que remonteur d'informations, collationneurs, alors qu'on est au courant minute par minute de l'état de santé de chaque joueur de football ?
Pourquoi la pratique médicale psy est-elle cantonnée à une sorte d'acte commercial, comme le fast-food ou la prostitution ? Je t'achète un service, je paye, c'est entre adultes consentants, personne ne se plaint, tout le monde est content, donc la personne publique ne s'en mêle pas.
Pourquoi faut-il attendre d'un type tue quelqu'un pour que cela sorte du cabinet ? J'entends bien le souhait des médecins, et avec raison ils s'opposent à l'ébruitement de ce qui s'y passe. Ils ne sont pas des auxiliaires de police j'entends tout cela.
Ce que je ne comprends pas c'est qu'ils deviennent bien des auxiliaires de justice, mais trop tard. Seulement quand les gens sont devenus alcooliques, fous, assassins, suicidaires...
Vous avez raison.
Il faut que la prise en charge psychologique et affective de l'individu soit faite le plus tard possible. En effet, elle devient alors impossible, coûteuse, et il faut repasser dans le circuit médicament. On a pu jusqu'ici juguler le phénomène en inondant les organismes d'antidépresseurs, d'anxiolytiques, de coupe-faim, de cosmétiques (rouge à lèvres...), de drogues (alcool, tabac) à doses massives et en amenant les gens à payer pour les drogues qui compensent le mal-être dans lequel on les fait vivre, ce qui contribue à faire tourner l'économie;
Si, comme on le fait pour la santé physique, on suivait l'enfant au plus tôt pour détecter les problèmes. Si, comme on le fait pour la santé physique, on surveillait l'environnement affectif de l'enfant. Si, comme on le fait pour la santé physique, on se posait la question de savoir pourquoi un enfant est malheureux ou déséquilibré, cela présupposerait que la société a pour devoir de rendre les gens heureux.
Le fait qu'on néglige la santé psychique et affective des enfants le plus longtemps possible, le plus tard possible, jusqu'à ce qu'il ne soit plus temps qu'avec des châtiments physiques, comme on battait les fous, jusqu'à ce que tout ne se résolve qu'en termes de suicide et de prison, prouve que le devoir pour la société de rendre les gens heureux n'est pas à l'ordre du jour.
Pire, que ce n'est pas un objectif.
Et ne vous croyez pas à l'abri, les riches, avec vos belles maisons, vos belles voitures, et vos vacances au soleil. Vos stérilités de couple, vos AVC, vos cancers, vos crises cardiaques, parkinson et autres ne sont que les punitions corporelles pire encore de vos corps, de votre malaise plus profondément enfoui encore.
Vous avez raison, mille fois raison. C'est un facteur de risque et j'y veillerai.Quant je serai présidente, je veillerai à ce que tous, enseignants et élèves, soient évalués régulièrement pour que tous se sentent également mal à l'aise, et qu'ainsi le malaise social ne me soit pas imputé.
L'individu se dira : " Je suis mal à l'aise parce que je ne suis pas assez performant pour contribuer efficacement au développement de l'économie et de la croissance, je doit me corriger avec l'aide des médicaments".
Un autre risque de mon système est qu'il engendre sa perte faute de combattants. En effet, ces hordes de dépressifs ne deviendront plus bons à grand chose et ils iront grossir les rangs des chômeurs. Je ferai supporter ce poids aux systèmes publics locaux (autrefois appelés Etats) mais cette résistance a une limite.
Pour pallier cela, je fragmenterai le travail en petites tâches individuelles, afin que ces dernières puissent être exécutées par des personnes sous-qualifiées que seront les zombies sous anxiolytiques, trop heureux d'avoir un quart de temps à quelques euros par mois pour oser se dire " Mais qui suis-je pour réclamer plus que ce qu'on veut bien me donner ?".
Il faut donc mapper toutes les activités professionnelles sur des procédures, que les gens suivront pas à pas, assistés au besoin par des systèmes d'information qui les guideront, corrigeront leurs erreurs, et reporteront les indicateurs des tableaux de bord sur la performance du système d'assistance par ordinateur. J'étendrai ce CAM (Computer Assisted Management) du haut en bas de l'échelle, de façon à ce que seule une Elite Coders aient besoin d'accéder aux patterns de design du système.
Bien... Je crois que tout est bouclé. Chimiotiser toutes les thérapies et procéduraliser l'espace de décision, il y en a pour un quinquennat à tout casser.
Je suis prête pour le prochain, aaaaaaaaaaaaaattachez vos ceintures, et si vous voyez dans votre tête un panneau " autorisez-vous le programme de Natacha à s'exécuter ?", cliquez sur ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii, et vous aurez une double dose de tramadol gratuite dans votre prochaine injection.
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