Suite à cet article, http://nahatzel.blogspot.com/2020/04/de-la-liberte-dexpression-ii.html il nous est maintenant loisible d'examiner dans quel cadre se déroule l'exercice de la "liberté d'expression", qui connote, on l'a vu, le niveau de violence avec lequel la ou les classes dominantes interdisent à leurs citoyens d'avoir accès à la plus large pluralité des points de vue.
Plus une société est démocratique, plus large est la palette des opinions qu'elle autorise à être en débat, plus large est le cercle de l'arène où l'on a la liberté de porter une opinion à la connaissance et au jugement de ses concitoyens, ou de mener la chèvre au taureau.
Avant de passer à la suite, un point d'importance. L'espace du débat est celui de la liberté, celui où l'on pose une question, et une vraie question. La vraie question est reconnaissable au fait qu'elle appelle une vraie réponse, laquelle a une forme invariable : " Voici les arguments en présence, fais-toi ton opinion par toi-même".
Et le point d'importance, c'est que nous avons vu https://formesens.wordpress.com/2019/04/21/8021/ qu'une des plus belles ruses du pouvoir mental est de réduire le débat.
C'est à dire de présenter une petite partie des opinions possibles comme constituant le tout du pensable. Si je vous dis que la question est : "Les lapins ont-ils de l'urticaire le mardi parce qu'ils mangent de l'herbe ou bien parce qu'ils mangent des chips goût poulet barbecue ?", vous allez détecter facilement qu'on vous gruge à deux niveaux, le premier parce que les réponses possibles semblent parcellaires et, pour tout dire, foireuses, mais surtout le second parce qu'il resterait à prouver que LES lapins en général ont de l'urticaire, et surtout le mardi. Le présupposé vous semble un peu gros. Il se voit.
Et pourtant, on vous le sert tous les jours. Au lieu de vous fournir les scénarii pour penser l'état du monde, on vous dit :
Et d'une on réduit le débat à "qui a raison ?", comme si c'était un combat de boxe, alors qu'il n'est pas question de vainqueur, mais d'informer les gens, et de deux, on passe discrètement le plat du présupposé : Ce que nous vivons est une "crise économique", c'est comme ça, on questionne sur le reste, mais ça c'est une une donnée immédiate de la conscience. Eh ben non ! (1)
Le révérend Père Voyer s'en retournerait dans la tombe d'où il invective Debord, s'il était mort. La "crise économique", c'est le nom donné au spectacle que nous sert le pouvoir à propos du monde, avec en vedette l'Economie, qui se balade sur son char le cul bordé de plumes d'autruche rose comme une drag à la gay pride. Et quand ça ne va pas, c'est que l'Economie ne va pas bien, elle est malade, oooh, on va chercher Guignol, en l'occurrence les divinités auxiliaires la Croâsssance, et l'Emplôa, pour qu'ils se penchet à son chevet en émettant des gémissements plaintifs.
https://www.tradingsat.com/lagardere-sca-FR0000130213/actualites/lagardere-sca-de-grands-patrons-francais-volent-au-secours-d-arnaud-lagardere-909707.html
Il n'y a pas de "crise économique" parce qu'il n'y a pas d’Économie, comme une déesse à l’œuvre dans le monde. "Économie" est un mot qui désigne les conséquences d'un jeu, et les gens qui ont organisé la société pour vous exploiter.
Et vous persuader que c'est l' "Économie" qui est responsable de l'organisation de ce jeu, c'est vous ôter jusqu'à l'idée qu'on peut changer les règles du jeu, et surtout, vous ôter l'idée de qui aller voir pour changer les règles.
Bien, donc ce point important souligné, revenons à nos électeurs. Que se passe-t-il lorsque vous déniez à certains le droit de s'exprimer sur la place publique ? Évidemment, logiquement, ils vont le faire en catimini dans la clandestinité, émaillant l'héroïsme du combattant du romantisme de la clandestinité. C'est faire de simples partisans des militants.
Certes cela les marque au sceau de l’infamie pour les millions de petits retraités poujadistes, j'ai nommé l'électorat français actif, le reste étant devenu un terminal Netflix, mais en échange les pare de l'aura du rebelle, du justicier, voire de l’Élu qui renversera l'Empire, figure arthurienne sur laquelle se rabattent par défaut d'imagination toutes les fictions modernes, Harry Potter, le Seigneur des machins, la guerre des étoiles, Matrix...
Et on joue une moitié de la société contre l'autre. Au lieu de les réconcilier autour de la réflexion.
Donc, les gens qui sentent la mauvaise odeur du préjugé un peu gros qu'on leur introduit, ont tendance à adhérer à des slogans comme "Censure sucks". La censure, ça pue. Et d'aller prendre l'air dans des coins où la censure ne sévit pas. Du moins, moins.
Et du coup, ils se retrouvent entre eux, à nouveau entre gens qui sont d'accord. Cela renforce leur esprit de corps, mais une fois encore, c'est une solution de clivage. Et partant d'un constat vrai, censure sucks, on fabrique des nids de martyres se soutenant dans leur hôpital de campagne, et dont on astique le nimbe chaque fois qu'on ferme une de leurs revues, leur donnant par là toujours plus "raison".
On dit par exemple assez volontiers dans la presse https://www.vice.com/fr/article/wjvp8y/minds-la-plateforme-anti-facebook-ne-sait-pas-comment-gerer-ses-utilisateurs-neonazis que Minds https://www.minds.com/newsfeed/ est devenu un repaire de fascistes, néo-nazi, enfin, des affreux, quoi.
Et ce n'est pas faux. J'ai mis dans cet album Facebook https://www.facebook.com/azail.aydyeing/media_set?set=a.2587834661328963&type=3 un ramassis de leurs publications, et il est vrai que c'est une avalanche de bêtises plus ou moins grosses.
Mais, là au milieu, on trouve des choses plus ou moins vraies, ou qui méritent au moins d'être soulignées, dites, ou signalées...
Alors... ? Alors, faut-il pour respecter le droit à l'existence de ces petites pousses d'opinions différentes, supporter tant de bêtise, de haine, de fausses informations ?
Je pense toujours que oui, d'abord parce que la liberté est par essence ce à quoi on ne touche pas, et ce n'est pas que pure rhétorique. Ensuite parce que cela nous pousse dans l'urgence d'une belle mission un peu perdue de vue : enseigner à nos enfants à se faire une opinion par soi-même.
Bien sûr, c'est nous qui l'avons sur le dos, la mission. Pas nos grand-parents, c'était trop tôt, et évidemment pas nos enfants. On ne s'éduque pas soi-même. Donc à nous, oui, là, maintenant. Cela va nous obliger à ressortir de vieux bouquins et à se poser des questions du genre " Par où je commence ?", et ça nous fera le plus grand bien.
Dans une défense maladroite, le patron de Minds dit que ce serait dommage de les pousser vers le Darknet. Toujours le même dilemme, ils auraient encore un peu moins d'audience, mais c'est donner de l'huile de qualité à leur feu, et puis, c'est les ôter de sous nos yeux. Il ne s'agit pas de s'en servir comme un épouvantail, mais de regarder ce qui les a poussés là, ce que nous pouvons avoir de commun avec eux. Certains de nos slogans ne sont-ils pas les leur en light ? Pourquoi pensent-ils ainsi, qu'est-ce qui justifie leur opinion ? Est-ce que certains faits leur donnent raison ?
C'est en se regardant dans les yeux qu'on se parle vraiment. Les jeunes doivent avoir accès à ce matériel comme à un objet de débat franchement assumé en démocratie adulte, et pas comme à un magazine porno planqué sous un tiroir.
C'est en comprenant le ressenti de l'autre qu'on justifie ses propres choix de façon responsable et assumée.
Et puis enfin, cela nous prépare à la lutte. Je me souviens une fois que j'étais dans une boutique, un petit groupe de jeunes, bruyant et joyeux, emmené par un grand métis sympa, entre en coup de vent dans la salle, nous distribue des tracts pour le Front National. Le crêpier, moyennement enthousiasmé, s'apprêtait à argumenter lorsque le leader lui dit : " vous avez voté pour tous les autres, et c'est de pire en pire. Vous n'avez jamais voté pour nous, qu'est-ce que vous risquez à essayer ? Vous voulez que ça change, alors essayez du nouveau".
Et nous restions abattus par l'argument, incapables de répliquer à cela. L'évidence de la vérité nous clouait le bec. C'est l'incurie des précédents qui rendait les présents indispensables. C'était les années de mécontentement qui rendait tout possible.
Et dans toutes ces longues années, le seul traitement qu'on avait imposé à l'expression de ce mécontentement, c'est le mépris. Plus, la souillure. Il suffisait de le renvoyer à ses HLM en le traitant de raciste, pour qu'il se recroqueville de honte et ne revienne plus salir les trottoirs du VIIème avec ses slogans nauséabonds.Non, non, on ne veut pas vous entendre, vous dis-je, vous êtes un vilain raciste, allez vous laver la bouche.
Et puis on a été plus loin. Celui qui ose l'ouvrir, il va en prison. Où il trouvera à qui parler. Mais chut, de tout cela rien ne se dit. Rien ne pose problème, tout est beau, tout est parfait, seuls quelques déséquilibrés, connus des services de police, troublent la quiétude des beaux-quartiers.
On écrase la source du mal sous les bombes, là-bas. Et là on reboucle sur une de nos positions de départ, c'est la latitude à donner à la liberté d'expression, dans sa dimension, pourrait-on dire, "de santé publique".
Toute personne qui a un peu fréquenté le public sait que si on ne ferme pas les vannes du barrage, c'est le tsunami.
Si vous laissez faire une seule fois un micro-trottoir, le lendemain, plus une voiture ne roulera dans vos rues, et ce sera ça toute la journée :
Des bandes de gouines qui se croivent obligées de se déguiser en papillotes de Noël
pour descendre le matin après leur muesli fitness Vitamine B enrichi en brillance des cheveux, bloquer la circulation et casser les oreilles à tous le monde avec tel ou tel de leurs petits tracas gynécologiques, par leur association érigé au rang d'urgence mondiale, au lieu d'en papoter avec les copines dans un salon
de thé, avant de prendre son infusion à la cannelle et de dormir tôt pour être belle, comme il se doit...
Et les commerçants qui gueulent pour leur bouclar et leur "chifdafair", et les riverains qui se plaignent que les poubelles sont pas ramassées...
C'est une autre réalité sociale à ne pas méconnaître. Je vous assure que si vous donnez le micro aux gens pour parler de leurs problèmes et de ce qu'il faudrait changer, vous n'êtes pas près de fermer l’œil.
Les gens passent leur temps à donner leur avis à tort et à travers sur des sujets d'eux inconnus. On connaît le proverbe, maintenant étendu à toutes les disciplines, qui dit qu'en France, il y a soixante millions de présidents, d'avocats, de médecins, de sociologues, de psychologues, qui savent tout sur tout, qui ont conclu parfaitement ce qu'il conviendrait de faire sur tous les sujets et qui sont prêts à le dire pourvu qu'on le leur demande.
C'est une autre réalité sociale à ne pas méconnaître. Je vous assure que si vous donnez le micro aux gens pour parler de leurs problèmes et de ce qu'il faudrait changer, vous n'êtes pas près de fermer l’œil.
Les gens passent leur temps à donner leur avis à tort et à travers sur des sujets d'eux inconnus. On connaît le proverbe, maintenant étendu à toutes les disciplines, qui dit qu'en France, il y a soixante millions de présidents, d'avocats, de médecins, de sociologues, de psychologues, qui savent tout sur tout, qui ont conclu parfaitement ce qu'il conviendrait de faire sur tous les sujets et qui sont prêts à le dire pourvu qu'on le leur demande.
A laisser à tous la liberté de dire n'importe quoi, on risque de ne plus pouvoir entendre ce qui vaudrait la peine d'être écouté. (Putain je suis sur la lancée là chu bouillante on va faire du Jean D'Ormesson dans deux minutes, change pas de main). Et pourtant, encore une fois, c'est la seule solution. Tout exposer sur la place publique, et donner au citoyen les moyens culturels et techniques pour faire son choix en toute liberté en lui offrant la palette la plus large possible d'expressions.
Ce qui induit la tentation tout de même d'une sorte de contrôle, une sorte d'égalisation des volumes, pour diminuer le volume sonore de celui qui a les moyens d'amplifier son discours, d'une part, et d'autre part, pour soutenir le faible volume, et donner à ceux qui ne les ont pas, les moyens de faire entendre leur voix.
Cela suppose une gestion, beaucoup de moyens, mais c'est à ce prix que nous aurons une véritable démocratie, et non un ballotage permanent entre diverses tentations extrémistes.
Bon, ben sur ce les chaudasses, je vous laisse à votre menu beauté spécial minceur piski paraîtrait que vous vous remîtes à la zinecui depuis l'ère de la troisième confinerie, eh ben c'est bien, je préfère vous voir là qu'à vous injecter du Fentanyl.
(1) C'est l'inverse pour ça :
https://www.bfmtv.com/tech/pourquoi-le-ministere-de-l-interieur-a-passe-une-commande-de-plusieurs-centaines-de-drones-1893203.html
J'ai rien à foutre de savoir pourquoi, par contre je veux bien qu'on m'explique la dérive fasciste.
Idem pour ça :
https://www.capital.fr/entreprises-marches/petrole-gaz-des-drones-armes-attaquent-des-sites-en-syrie-1361371
On se demande qui a bien pu faire ça, si c'est plutôt les 3 pelés en djellabah dans le désert, planqués sous une toile à boire du lait de chèvre, ou bien si c'est les 4 tondus du camp d'en face, en gandourah dans la plaine, à boire du lait chèvre sous un toit de paille, non mais franchement.... piloter de tels engins avec une telle précision... Faut arrêter de se moquer, il y a 3 pays qui sont capables de le faire, et lequel l'a fait, on s'en fout. Le souci, c'est que ça plonge encore les civils dans la misère, c'est ça le vrai problème.
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