Rechercher dans ce blog / Find in this blog

jeudi 23 avril 2020

Collégiennes, collégiens, je vous ai compris.

Pardon, j'aurais dû écrire collègeuseriennes (ues/zes/zoulk/mouillesh/lgbt). L'incapacité de certains journalistes à dire : " Mme Unetelle, qui est Maître de Conférences à l'université Hôtel Accor - Sanofi -  Soupline IV, me fait penser à quelqu'un qui serait incapable de dire :" Mme Unetelle, qui est un des piliers de notre association..." et qui se croiverait obligé de dire : "Mme Unetelle, une des piliéresses de notre association".

Si par exemple vous cherchez à expliquer la connotation / dénotation à un enfant, le meilleur exemple est bien entendu le racisme, qu'on peut présenter comme une blague. C'est Monsieur Martin qui dit à une autre personne : " Sale bougnoule ". 

Ce que dénote ce propos, c'est ce qu'il dit de la personne invectivée par M. Martin. On ne sait pas, de cette personne, si elle est grande, petite, avec les cheveux longs, les chevilles épaisses... De cette personne on ne sait rien, pas même si c'est un homme ou une femme. 

Ce que connote ce propos, c'est que le pauvre M. Martin est bien malade, d'une maladie hélas plus répandue que le covid19 : il est raciste. On sait au moins cela de lui, que pendant son enfance on lui a transmis cette maladie. Voilà ce que c'est que la connotation, cela caractérise ce que le propos dit de la personne qui le prononce, et non de l'objet du propos. 

Quand je pense à une entreprise lambda de l'alimentaire, la moindre PME fabriquant de la mayonnaise, par exemple, son usine est dans une région 8 vers le nord de la France, son prestataire logistique dans une seconde région 11 au nord de Paris, et les entrepôts de la distribution livrés par ce prestataire sont dans plusieurs autres régions. Par exemple, si le Auchan de Strasbourg commande un palette de mayonnaise, et le Auchan de Marseille commande une palette de mayonnaise, alors l'usine 8 met deux palettes dans un camion qui vient de 11, et y retourne. Le lendemain ou le surlendemain, 11 se débrouille alors pour ventiler les palettes en 15 et 17, par exemple, avec des camions qui vont aller des régions 11 à 15 et 11 à 17.

Ce que dénote l'hypothèse du déconfinement par régions, je ne sais pas trop. Un certain bordel, ça c'est sûr, parce que fabriquer des palettes de mayonnaise qui s'empilent sur les quais de chargement jusqu'au plafond en l'absence de camions, bof... 
En revanche, je sais ce que cela connote des élites qui se grattent les neurones sur ce genre d'hypothèse : c'est qu'ils n'ont jamais vécu dans la réalité. C'est qu'on fait décider des gens sur des solutions à des problèmes qui sont complètement nouveaux pour eux et auxquels ils ne comprennent rien.

Du coup, le "certain bordel" que génère une telle méthode, on l'a bel et bien, par contre. Le problème du passage du GTIN au SGTIN ne reflète pas tant la complexité de la logistique, que le fait qu'il a été traité par des gens qui n'ont jamais eu à expédier un seul vrai carton. Le problème de la sécurité informatique, ce n'est pas les hackers qui s'en donnent à cœur joie comme les enfants au pied du sapin, ce sont les directeurs informatiques qui ne savent pas comment marche un routeur, et qui leur offrent ces cadeaux à déballer que sont leurs systèmes d'informations pourris. 

Ce qui gangrène le monde, tue des milliers d'enfants orphelins d'amputés sous les bombes, ce n'est pas l’Économie, déesse vengeresse assoiffée de sang qui veut son sacrifice sur l'autel, ni la fatalité, c'est la corruption. Ce qui est connoté par le bordel mondial, c'est la faiblesse que nous avons tous, au moment où l'entrepreneur vient chercher l'enfant au sein de sa mère pour que cette dernière puisse aller bosser, que l'entrepreneur arrache l'enfant à ses études laïques (1) pour qu'il lui fabrique ses dividendes plus vite, c'est ce manque de courage de dire non, de l'arrêter et de lui dire que l'important, c'est d'éduquer cet enfant pour qu'il ne devienne pas un porc comme son père.


On estime à près de 250 millions le nombre d’enfants dans le monde grandissant dans des pays touchés par des conflits
Vu sur:https://www.unicef.fr/dossier/enfants-et-conflits
 Apprenez donc à dire NON à tout ce qui touche de près ou de loin à la fabrication d'une arme ou d'un véhicule hormis les cycles à deux roues, car on des luths, des théières et des tapis à faire.

Non aussi, à tout ce qui  bouge plus de mille euros. Nous n'avons pas encore appris à résister à l'argent, autant éviter la tentation. Et quand nous aurons appris, il ne servira à rien.

Sinon, vous chai pas, mais moi, depuis 30 ans qu'on est finés, il y a un truc qui ne me manque absolument pas, c'est l'avion. Vous chai pas, mais moi, plus de bruit, plus de pollution, plus de bruit, c'est plutôt bien. Je me passe pas mal des fleurs coupées de Colombie, des avocats du Pérou, assez bien des Nike chinoises, et quant à leur cuisine, on a tout ce qu'il faut ici.
Et pourtant, devinez quoi, c'est à ce secteur, dont on vient de prouver avec éclat que non seulement il ne sert à rien, mais de plus que son arrêt serait bénéfique à tous, eh bien oui, c'est à ce secteur des compagnies aériennes qu'on va filer des milliards d'euros ?

Ces chantres de la mondialisation, du marché, de la liberté, du grand capital ! Normalement, dans leur jeu de grands fauves, quand une boîte périclite, ben on la ferme, on la boucle, et elle est remplacée par une autre, mieux adaptée au marché. Eh ben là non. Pour pouvoir continuer d'arroser la nature de kérosène brûlé, d'emmerder riverains et oiseaux, ces grands champions de l'entreprise "compétitive" viennent pleurnicher dans les jupes de l'Etat providence comme un vulgaire Rmiste qui veut son minimassossio, ben ça alors !

Et on leur donne ! Alors moi je dis, ces 7 milliards d'euros, au lieu de les filer aux avions, on cloue au sol ces saloperies, et on file les milliards aux petits hôtels restaurants de fruits de mer de la côte. Comme y'a plus d'avions, ben les gens vont dans les petits hôtels restaurant de fruits de mer de la côte, et comme ça, les restaurants qui n'ont plus d'avions achètent des meubles et des serviettes et des fourchettes aux entreprises de la côte, et comme ça l'économie française repart.

Et les salariés de l'aviation ? Ben ils se mettront à tisser des nappes. Avec un métier à bras, crois-moi, ils seront fatigués le soir,  ils dormiront au lieu de regarder une série à la con sur Netflix, et hop, la santé repart.

Et les mecs qui veulent aller en Chine ? Ben ils achètent un vélo français, et bon vent ! Ils nous ramèneront une caméra à reconnaissance faciale, on en fera une cabane à oiseaux.

Et pourquoi pas garder le fric pour développer le transport à cheval ?


 Alors pourquoi filer des milliards à Air France ? J'aurais bien persiflé que c'est pour filer du fric aux actionnaires etc. mais là non, même pas. Bon ok, avec ces 7 milliards, ils vont acheter des actions Total, histoire que leur bilan ait l'air cool l'année prochaine, mais bon... Non, franchement même avec toute ma mauvaise volonté, je ne vois pas l'intérêt.
Ah payer, les factures en cours ! Oui, ben à ce moment là on fait une liquidation judiciaire avec des appels de fonds en comblement de passif, des ATD, on paye les 3 fournisseurs français, pis les fournisseurs chirographaires et les autres, ben bye bye.

En plus, quand je dis développer le transport à cheval, je suis sérieuse. Vous ricanez, mais plus pour longtemps, croyez-moi.

Ou alors on file le fric à L'Unicef, aux ONG, enfin bref on en fait quelque chose d'utile au lieu de faire de l'acharnement thérapeutique sur ces saloperies de compagnies aériennes qui tuent la planète. D'ailleurs, j'aurais bien aimé qu'on me demandasse mon avis, avant que de disposer ainsi, sans leur consentement, de l'impôt des mougeons qui ont voté pour leurs exploiteurs.

Lesquels exploiteurs, pendant des années, se sont remplis les poches en endettant les entreprises par le marché. Résultat, je serais assez d'accord pour m'aligner sur le diagnostic du Dr Boulevard Voltaire :)

 Aux États-Unis, 22 millions d’emplois ont été créés en dix ans et 22 millions de nouveaux chômeurs viennent d’apparaître en quatre semaines. Le déficit public 2020 des États-Unis sera de 15 à 20 % du PIB et la dette va augmenter de 10 % du PIB, dans l’attente de pressions inflationnistes. Les producteurs de pétrole de schiste américain vont tomber en faillite, suite à l’apparition de prix négatifs. Une nouvelle crise du subprime à plus grande échelle se prépare, les ménages devenant insolvables. En une semaine, les demandes de reports d’échéances ont bondi de 1.200 % !
 La Fed viole les règles du « Federal Reserve Act » de 1913 en se prostituant « sans limites » : achat de dette non garantie à court terme et d’obligations d’entreprises « pourries ». Elle a déjà gonflé son bilan de 2.000 milliards de dollars !

L’Italie, grande débitrice des banques françaises, sera sans doute le prochain cygne noir. Malgré les interventions laxistes de la BCE pour aider l’Italie, le spread italien des emprunts d’État à 10 ans est de 2 % au-dessus du taux allemand de -0,5 %. La croissance italienne devrait chuter de 9,5 %, en 2020. Le drame, c’est que le système italien ne permet pas d’octroyer rapidement, comme en Allemagne, des prêts aux PME avec garantie de l’État.

Avec des pays comme la Grèce et l’Italie, une explosion de la zone euro devient de plus en plus probable. La dette de l’Italie pourrait atteindre 175 % du PIB, 155 % pour le Portugal, 135 % pour la France et l’Espagne. L’Europe n’est pas prête pour l’unité fiscale et la mutualisation des dettes. Le monde émergent va connaître des défaillances avec l’Argentine, le Brésil et l’Afrique du Sud ; les sorties de capitaux ont déjà atteint 100 milliards de dollars, tandis que la dette de l’Afrique est passée de 35 % à 60 % du PIB entre 2010 et 2018. 

Le secteur bancaire, en Europe, ne résistera pas longtemps, suite à la baisse des taux et à ses marges trop faibles, tandis que Moody’s anticipe un taux de défaillance des entreprises de 8 %, ce qui est bien supérieur à son estimation de 2,5 %, début 2020. Les banques italiennes, suite aux créances irrécouvrables, ne passeront pas l’année 2020.

Dans le monde, les pertes d’activité pour 2020 et 2021 seront de l’ordre de 9.000 milliards de dollars. Les dettes globales dans le monde hyperendetté s’élèvent déjà à 255.000 milliards de dollars. D’ici la fin 2020, 20.000 milliards de dollars doivent être refinancés. Les banques centrales ne peuvent pas tout faire : calmer les marchés, éviter les banqueroutes des États, les défaillances d’entreprises et des particuliers, surseoir aux défaillances des pays émergents, relancer l’économie. Tout cela va se terminer par la perte de confiance dans la monnaie de singe émise. Les gouvernements, dans le monde, ont déjà dépensé 8.000 milliards de dollars pour combattre la crise, selon le FMI. 

La pandémie ne fait donc qu’accélérer une crise inévitable et déjà bien présente, le monde étant, bien avant le virus, hyperendetté de 1.500.000 milliards de dollars, avec les garanties hors bilan et les produits dérivés bancaires. Les gouvernements et les banques centrales n’ont pas éteint l’incendie mais ont seulement acheté du temps à prix d’or.

Sinon je viens de lire cela https://lunettesrouges1.wordpress.com/2020/04/25/le-triomphe-de-la-photographie/ :

"Au risque de passer pour une disciple de Debord ou de Sontag, je suis un peu mal à l’aise avec cette fascination actuelle pour la photographie, qu’il s’agisse des tirages géants qui stupéfient les visiteurs des musées ou des photos de famille qui fascinent les historiens de la culture."
Pour ce qui est du géant, on l'a vu, cela relève de la stratégie du choc. C'est géant donc je n'ai pas les moyens de le faire, donc c'est de l'art. Pour ce qui est des photos de famille c'est plus complexe je pense.


(1) C'est à dire débarrassées de toute obédience religieuse, dont on expurge les livres pour ne garder que les consignes essentielles du genre "Aimez-vous, mangez du chocolat à Pâques, dansez pendant ramadan, buvez avec modération pendant toute l'année", mais aussi, la Physique, la Chimie, tout ce qui décrète le monde au lieu de le contempler jusqu'à être digne de l'interroger, et quelques autres savoir-faire essentiels comme de jolis meubles en bois faits à la main, la broderie, du thé, des gâteaux...

mardi 21 avril 2020

Réservé à la consultation sur place

Résumant dans un simple geste l'étrange dialogue qu'il entretenait avec l'autorité depuis son enfance, sa main s'avançait en tremblant vers les livres dont le dos était marqué d'un point rouge. 




Il ne fallait pas voir là une tentative hésitante pour se lancer le défi d'arriver à l'emprunter tout de même, ni même de se faire refouler, ni même de provoquer le refus, ou la confrontation, non, c'était simplement le fait de prendre justement celui-là, alors qu'il savait très bien, alors qu'on le lui avait marqué, choisir, tout de même, pour exprimer son choix, fût-ce voué à l'échec, celui-là.

Ils les avaient simplement rendus plus précieux encore. Et ils se gardaient pour eux les livres les plus précieux. A part bien sûr les anciens, ou ceux qui étaient en réserve. Il leur suffisait de mettre un point rouge pour se le garder pour eux, tout de même c'était quelque chose. Dans une bibliothèque, en plus.

Une bibliothèque universitaire, c'est un peu au laïc ce que la cathédrale est au catholique : là sont les Espèces, là on communie. On y chuchote dans l'adoration des très-hauts auteurs. Il y a les Saints, ceux qui ont une étagère, voire un rayon. A Rennes2, ils sont bien fournis en Freud, mais Lacan est mal traité, je trouve.

Enfin, j'exagère, bien sûr. J'ai horreur des gens qui parlent ou font du bruit dans les bibliothèques. Sacrilège. Même dans les petites boutiques vitrées où l'on a le droit de travailler en groupe. C'est mal isolé. Et puis tout le monde pianote maintenant, on se croirait chez Pigier.

Je me mets toujours dans l'endroit le plus sombre ou le plus silencieux. Sauf à la Sorbonne, quand je picorais la Grande Encyclopédie, dont les in-folio sont à même le sol, j'allais juste au banc le plus proche, en faisant, comme ses volumes, le tour de la salle. Je me souviens avoir passé une journée des plus agréables sur " Eon", et notamment le chevalier.
J'ai toujours rêvé d'habiter une bibliothèque. D'avoir mon appartement attenant avec duplex au dessus, sur le toit-terrasse, auquel j'accède, une fois le public parti, par une porte dérobée. Avec la complicité des bibliothécaires.

Et là, je ne peux même pas emporter un "point-rouge"... La vie d'ici-bas est bien imparfaite... Quant à ceux qui empêchent la liberté d'expression, ils prétendent décider du fonds. Et de quel droit ? 

Du droit du plus fort, on l'a vu, le seul qui tienne, on l'a vu aussi.





dimanche 19 avril 2020

De la liberté d'expression III

Suite à cet article, http://nahatzel.blogspot.com/2020/04/de-la-liberte-dexpression-ii.html  il nous est maintenant loisible d'examiner dans quel cadre se déroule l'exercice de la "liberté d'expression", qui connote, on l'a vu, le niveau de violence avec lequel la ou les classes dominantes interdisent à leurs citoyens d'avoir accès à la plus large pluralité des points de vue.

Plus une société est démocratique, plus large est la palette des opinions qu'elle autorise à être en débat, plus large est le cercle de l'arène où l'on a la liberté de porter une opinion à la connaissance et au jugement de ses concitoyens, ou de mener la chèvre au taureau.

Avant de passer à la suite, un point d'importance. L'espace du débat est celui de la liberté, celui où l'on pose une question, et une vraie question. La vraie question est reconnaissable au fait qu'elle appelle une vraie réponse, laquelle a une forme invariable : " Voici les arguments en présence, fais-toi ton opinion par toi-même".

Et le point d'importance, c'est que nous avons vu https://formesens.wordpress.com/2019/04/21/8021/ qu'une des plus belles ruses du pouvoir mental est de réduire le débat.

C'est à dire de présenter une petite partie des opinions possibles comme constituant le tout du pensable. Si je vous dis que la question est : "Les lapins ont-ils de l'urticaire le mardi parce qu'ils mangent de l'herbe ou bien parce qu'ils mangent des chips goût poulet barbecue ?", vous allez détecter facilement qu'on vous gruge à deux niveaux, le premier parce que les réponses possibles semblent parcellaires et, pour tout dire, foireuses, mais surtout le second parce qu'il resterait  à prouver que LES lapins en général ont de l'urticaire, et surtout le mardi. Le présupposé vous semble un peu gros. Il se voit.

Et pourtant, on vous le sert tous les jours. Au lieu de vous fournir les scénarii pour penser l'état du monde, on vous dit :



Et d'une on réduit le débat à "qui a raison ?", comme si c'était un combat de boxe, alors qu'il n'est pas question de vainqueur, mais d'informer les gens, et de deux, on passe discrètement le plat du présupposé : Ce que nous vivons est une "crise économique", c'est comme ça, on questionne sur le reste, mais ça c'est une une donnée immédiate de la conscience. Eh ben non ! (1)

Le révérend Père Voyer s'en retournerait dans la tombe d'où il invective Debord, s'il était mort. La "crise économique", c'est le nom donné au spectacle que nous sert le pouvoir à propos du monde, avec en vedette l'Economie, qui se balade sur son char le cul bordé de plumes d'autruche rose comme une drag à la gay pride. Et quand ça ne va pas, c'est que l'Economie ne va pas bien, elle est malade, oooh, on va chercher Guignol, en l'occurrence les divinités auxiliaires la Croâsssance, et l'Emplôa, pour qu'ils se penchet à son chevet en émettant des gémissements plaintifs. 

La société du spectacle, c'est ça. C'est cela la société du spectacle, c'est celle qui met sa propre réalité en spectacle, et non le show-biz, comme un vain peuple pense. Bien que, ils mordillent de plus en plus sur leurs répertoires respectifs :
https://www.tradingsat.com/lagardere-sca-FR0000130213/actualites/lagardere-sca-de-grands-patrons-francais-volent-au-secours-d-arnaud-lagardere-909707.html 
Il n'y a pas de "crise économique" parce qu'il n'y a pas d’Économie, comme une déesse à l’œuvre dans le monde. "Économie" est un mot qui désigne les conséquences d'un jeu, et les gens qui ont organisé la société pour vous exploiter. 

Et vous persuader que c'est l' "Économie" qui est responsable de l'organisation de ce jeu, c'est vous ôter jusqu'à l'idée qu'on peut changer les règles du jeu, et surtout, vous ôter l'idée de qui aller voir pour changer les règles.

Bien, donc ce point important souligné, revenons à nos électeurs. Que se passe-t-il lorsque vous déniez à certains le droit de s'exprimer sur la place publique ? Évidemment, logiquement, ils vont le faire en catimini dans la clandestinité, émaillant l'héroïsme du combattant du romantisme de la clandestinité. C'est faire de simples partisans des militants.

Certes cela les marque au sceau de l’infamie pour les millions de petits retraités poujadistes, j'ai nommé l'électorat français actif, le reste étant devenu un terminal Netflix, mais en échange les pare de l'aura du rebelle, du justicier, voire de l’Élu qui renversera l'Empire, figure arthurienne sur laquelle se rabattent par défaut d'imagination toutes les fictions modernes, Harry Potter, le Seigneur des machins, la guerre des étoiles, Matrix...

Et on joue une moitié de la société contre l'autre. Au lieu de les réconcilier autour de la réflexion. 

Donc, les gens qui sentent la mauvaise odeur du préjugé un peu gros qu'on leur introduit, ont tendance à adhérer à des slogans comme "Censure sucks". La censure, ça pue. Et d'aller prendre l'air dans des coins où la censure ne sévit pas. Du moins, moins. 

Et du coup, ils se retrouvent entre eux, à nouveau entre gens qui sont d'accord. Cela renforce leur esprit de corps, mais une fois encore, c'est une solution de clivage. Et partant d'un constat vrai, censure sucks, on fabrique des nids de martyres se soutenant dans leur hôpital de campagne, et dont on astique le nimbe chaque fois qu'on ferme une de leurs revues, leur donnant par là toujours plus "raison". 

On dit par exemple assez volontiers dans la presse https://www.vice.com/fr/article/wjvp8y/minds-la-plateforme-anti-facebook-ne-sait-pas-comment-gerer-ses-utilisateurs-neonazis  que Minds https://www.minds.com/newsfeed/ est devenu un repaire de fascistes, néo-nazi, enfin, des affreux, quoi. 


Et ce n'est pas faux. J'ai mis dans cet album Facebook https://www.facebook.com/azail.aydyeing/media_set?set=a.2587834661328963&type=3 un ramassis de leurs publications, et il est vrai que c'est une avalanche de bêtises plus ou moins grosses. 

Mais, là au milieu, on trouve des choses plus ou moins vraies, ou qui méritent au moins d'être soulignées, dites, ou signalées...

Alors... ? Alors, faut-il pour respecter le droit à l'existence de ces petites pousses d'opinions différentes, supporter tant de bêtise, de haine, de fausses informations ? 

Je pense toujours que oui, d'abord parce que la liberté est par essence ce à quoi on ne touche pas, et ce n'est pas que pure rhétorique. Ensuite parce que cela nous pousse dans l'urgence d'une belle mission un peu perdue de vue : enseigner à nos enfants à se faire une opinion par soi-même. 

Bien sûr, c'est nous qui l'avons sur le dos, la mission. Pas nos grand-parents, c'était trop tôt, et évidemment pas nos enfants. On ne s'éduque pas soi-même. Donc à nous, oui, là, maintenant. Cela va nous obliger à ressortir de vieux bouquins et à se poser des questions du genre " Par où je commence ?", et ça nous fera le plus grand bien.

Dans une défense maladroite, le patron de Minds dit que ce serait dommage de les pousser vers le Darknet. Toujours le même dilemme, ils auraient encore un peu moins d'audience, mais c'est donner de l'huile de qualité à leur feu, et puis, c'est les ôter de sous nos yeux. Il ne s'agit pas de s'en servir comme un épouvantail, mais de regarder ce qui les a poussés là, ce que nous pouvons avoir de commun avec eux. Certains de nos slogans ne sont-ils pas les leur en light ? Pourquoi pensent-ils ainsi, qu'est-ce qui justifie leur opinion ? Est-ce que certains faits leur donnent raison ?

C'est en se regardant dans les yeux qu'on se parle vraiment. Les jeunes doivent avoir accès à ce matériel comme à un objet de débat franchement assumé en démocratie adulte, et pas comme à un magazine porno planqué sous un tiroir. 

C'est en comprenant le ressenti de l'autre qu'on justifie ses propres choix de façon responsable et assumée.

Et puis enfin, cela nous prépare à la lutte. Je me souviens une fois que j'étais dans une boutique, un petit groupe de jeunes, bruyant et joyeux, emmené par un grand métis sympa, entre en coup de vent dans la salle, nous distribue des tracts pour le Front National. Le crêpier, moyennement enthousiasmé, s'apprêtait à argumenter lorsque le leader lui dit : " vous avez voté pour tous les autres, et c'est de pire en pire. Vous n'avez jamais voté pour nous, qu'est-ce que vous risquez à essayer ? Vous voulez que ça change, alors essayez du nouveau".

Et nous restions abattus par l'argument, incapables de répliquer à cela. L'évidence de la vérité nous clouait le bec. C'est l'incurie des précédents qui rendait les présents indispensables. C'était les années de mécontentement qui rendait tout possible. 

Et dans toutes ces longues années, le seul traitement qu'on avait imposé à l'expression de ce mécontentement, c'est le mépris. Plus, la souillure. Il suffisait de le renvoyer à ses HLM en le traitant de raciste, pour qu'il se recroqueville de honte et ne revienne plus salir les trottoirs du VIIème avec ses slogans nauséabonds.Non, non, on ne veut pas vous entendre, vous dis-je, vous êtes un vilain raciste, allez vous laver la bouche. 

Et puis on a été plus loin. Celui qui ose l'ouvrir, il va en prison. Où il trouvera à qui parler. Mais chut, de tout cela rien ne se dit. Rien ne pose problème, tout est beau, tout est parfait, seuls quelques déséquilibrés, connus des services de police, troublent la quiétude des beaux-quartiers.

On écrase la source du mal sous les bombes, là-bas. Et là on reboucle sur une de nos positions de départ, c'est la latitude à donner à la liberté d'expression, dans sa dimension, pourrait-on dire, "de santé publique".

Toute personne qui a un peu fréquenté le public sait que si on ne ferme pas les vannes du barrage, c'est le tsunami. 

Si vous laissez faire une seule fois un micro-trottoir, le lendemain, plus une voiture ne roulera dans vos rues, et ce sera ça toute la journée :


Des bandes de gouines qui se croivent obligées de se déguiser en papillotes de Noël pour descendre le matin après leur muesli fitness Vitamine B enrichi en brillance des cheveux, bloquer la circulation et casser les oreilles à tous le monde avec tel ou tel de leurs petits tracas gynécologiques, par leur association érigé au rang d'urgence mondiale, au lieu d'en papoter avec les copines dans un salon de thé, avant de prendre son infusion à la cannelle et de dormir tôt pour être belle, comme il se doit...
Et les commerçants qui gueulent pour leur bouclar et leur "chifdafair", et les riverains qui se plaignent que les poubelles sont pas ramassées...
C'est une autre réalité sociale à ne pas méconnaître. Je vous assure que si vous donnez le micro aux gens pour parler de leurs problèmes et de ce qu'il faudrait changer, vous n'êtes pas près de fermer l’œil.

Les gens passent leur temps à donner leur avis à tort et à travers sur des sujets d'eux inconnus. On connaît le proverbe, maintenant étendu à toutes les disciplines, qui dit qu'en France, il y a soixante millions de présidents, d'avocats, de médecins, de sociologues, de psychologues, qui savent tout sur tout, qui ont conclu parfaitement ce qu'il conviendrait de faire sur tous les sujets et qui sont prêts à le dire pourvu qu'on le leur demande.

A laisser à tous la liberté de dire n'importe quoi, on risque de ne plus pouvoir entendre ce qui vaudrait la peine d'être écouté. (Putain je suis sur la lancée là chu bouillante on va faire du Jean D'Ormesson dans deux minutes, change pas de main). Et pourtant, encore une fois, c'est la seule solution. Tout exposer sur la place publique, et donner au citoyen les moyens culturels et techniques pour faire son choix en toute liberté en lui offrant la palette la plus large possible d'expressions.

Ce qui induit la tentation tout de même d'une sorte de contrôle, une sorte d'égalisation des volumes, pour diminuer le volume sonore de celui qui a les moyens d'amplifier son discours, d'une part, et d'autre part, pour soutenir le faible volume, et donner à ceux qui ne les ont pas, les moyens de faire entendre leur voix. 

Cela suppose une gestion, beaucoup de moyens, mais c'est à ce prix que nous aurons une véritable démocratie, et non un ballotage permanent entre diverses tentations extrémistes.

Bon, ben sur ce les chaudasses, je vous laisse à votre menu beauté spécial minceur piski paraîtrait que vous vous remîtes à la zinecui depuis l'ère de la troisième confinerie, eh ben c'est bien, je préfère vous voir là qu'à vous injecter du Fentanyl.


(1) C'est l'inverse pour ça :

https://www.bfmtv.com/tech/pourquoi-le-ministere-de-l-interieur-a-passe-une-commande-de-plusieurs-centaines-de-drones-1893203.html

J'ai rien à foutre de savoir pourquoi, par contre je veux bien qu'on m'explique la dérive fasciste.

Idem pour ça :
https://www.capital.fr/entreprises-marches/petrole-gaz-des-drones-armes-attaquent-des-sites-en-syrie-1361371 

On se demande qui a bien pu faire ça, si c'est plutôt les 3 pelés en djellabah dans le désert, planqués sous une toile à boire du lait de chèvre, ou bien si c'est les 4 tondus du camp d'en face, en gandourah dans la plaine, à boire du lait chèvre sous un toit de paille, non mais franchement.... piloter de tels engins avec une telle précision... Faut arrêter de se moquer, il y a 3 pays qui sont capables de le faire, et lequel l'a fait, on s'en fout. Le souci, c'est que ça plonge encore les civils dans la misère, c'est ça le vrai problème.


Coronavacances

De ce titre barjavelien est désignée la période actuelle, par l'un des lycéens du petit groupe où j'ai l'habitude de prendre la température, comme on dit chez nous. L'échantillon est bien faible, mais déjà édifiants sont les résultats ramenés par la sonde qu'on y trempe. 

Mes questions portaient sur 3 points : le ressenti global sur l'enseignement à distance, les devoirs par correspondance, et les impressions laissées par le futur. 

Le ressenti global pourrait être illustré par l'image d'un bateau dérivant lentement dans la brume, et s'éloignant d'une île près de laquelle il était à l'ancre. Les passagers du bateau, voient l'île s'éloigner un peu chaque jour, sa silhouette disparaître et se fondre dans la brume, sans réaliser que ce n'est pas l'île qui s'éloigne, mais leur bateau partant à la dérive.

Peu soucieux du fait, ils jouent sur le pont où la brume les emmitoufle et les isole, plancher qui glisse dans l'espace ouaté des heures de jeux, sans repères autres, dans la douce quiétude d'un cocon familial fait de Minecrafteries et d'Animalcrossings, que les bons repas que Maman a tout le temps de préparer, ou ça et là, les films et les discours du central-autorités, là-bas sur le continent, mais qui arrivent dans la même boîte à images que les coubs, les vines et les pranks, animes et youtouberies, tout sur le même écran, tout pareil.

Ainsi collégiens et les lycéens voient-ils, depuis le pont douillet du bateau familial, s'éloigner l'île du système scolaire, cette terre ancienne où l'on allait, avant, sacrifier à des dieux improbables via d'inutiles trajets en car.

Les moyens mis en place pour assurer la continuité de l'enseignement n'ont pas fonctionné. Pour ce qui est des devoirs, chaque professeur a improvisé sa procédure, et pour ce qui est des retrouvailles collectives, elles sont mortes de leur belle mort, personne ne s'y retrouvant, dans tous les sens du terme, et ce dès le début. Faute d'évaluation du système, chacun se congratule de sa bonne volonté. On est contents de l'élan de solidarité. La communauté humaine retrouvée pataugeant dans ses velléités, c'est bon comme le pain chaud.

Matière par matière, jour après jour, les images de la terre ferme se sont effritées, les amarres distendues, les câbles coupés. 

Il ya bien eu une tentative de conférence collective, mais la directrice n'était pas prête. Les élèves ont contemplé les maisons des autres, inaugurant leur premier trip cam voyeur. La directrice a reporté encore. Les gens ont coupé la caméra petit à petit pour éviter aux autres de se délecter de leurs pantoufles trouées. Première et dernière tentative de rassemblement en ligne.

En fait, la période où l'on suivit les consignes, au début, fut surtout l'occasion de tenter d'installer de nouveaux logiciels. En arts plastiques, entre autres, on a installé une application. On a ainsi pu faire sur la tablette ce qu'on faisait sur son téléphone, retoucher des photos, et appliquer des filtres, vert, bleu, rouge, puis on s'est lassé. C'est amusant cinq minutes mais ça fait des années qu'on se fait des têtes de chien sur son téléphone, on est au point en arts plastiques, pas de souci.

En Histoire, comme en bien d'autres disciplines, le professeur est soupçonné de déficience intellectuelle grave. Ces soupçons ne demandaient qu'à être confirmés. Ainsi cette collégienne qui a décidé que le prof d'histoire radote, parce qu'il leur fait étudier le moyen-âge depuis plus de deux semaines.
Il tourne en rond, on va donc se sortir soi-même de cette boucle temporelle où il s'est laissé piéger. Je lui fais remarquer que le moyen-âge, c'est long, et qu'il y a peut-être matière à une longue étude, mais cet argument ne tient pas devant la certitude de la pathologie cérébrale du prof.
En plus il leur a demandé de commenter la robe de Philippe-Auguste sur une image, comme s'il y avait quoi que ce soit à en dire... Non décidément, il est fou, mieux vaut s'éloigner du sujet.
Et retourner à la quête de clochettes dans Animal Crossing, ça c'est du sérieux, si on veut acheter une pelle en or.

En Latin, le prof aussi est débile : il leur a donné un livre à lire, et chaque élève doit le passer au suivant après lecture. Mais comment veut-il qu'on se passe le livre avec le confinement ! Là-aussi, on laisse tomber, c'est ingérable. Au fait c'était quoi, ce livre ? Harry Potter, comme d'ab (1). En latin ? Ben oui, les sorts sont des citations latines, c'est bien connu. Mais oui, voilà...
Donc, terminé pour le latin. 

En Français, on étudie " le théâtre ". Bien ! Voilà qui commence bien, et quel auteur étudiez-vous, ou quelle période ? Aucun, aucune.
En fait on doit écrire soi-même une pièce de théâtre. Ah, bon. Le défi là-dedans était en fait d'arriver à installer Word pour pouvoir ouvrir un document. Et la pièce alors ? Eh bien c'est un croisement entre l'Avare et Animal Crossing, genre une fille qui vole une cassette de clochettes, on croit que c'est elle, mais ce n'est pas elle. Bien. Enfin, apparemment, elle a lu l'Avare. Ou alors la version Harry Potter de l'Avare..., ou rien.(2)

En SVT, miraculeusement soutenue par la Grâce, elle parvient au site comportant la leçon. Arrivée là : " J'ai vu une espèce d'intestin d'abeille, un intestin de guêpe ou de mouche, c'était dégoûtant, j'ai refermé l'onglet. Exeunt les Sciences Naturelles...

 La gymnastique ne nous épargne pas le ridicule, puisque le devoir comportait deux consignes : la première, créer une chorégraphie, se filmer avec son téléphone et l'uploader sur YouTube. Pour une fois que le sport et les technologies numériques convergent, mais hélas non. Ayant vaincu par forfait, la chorégraphie ne sera pas portée à l'écran. "Non mais tu me vois faire une chorégraphie, n'importe quoi". 

La seconde consigne consistait à regarder un match de ping-pong sur Youtube. "Pourquoi du ping-pong ?" N'ayant pas obtenu la réponse à cette question, elle n'est pas allée regarder le match. So much pour le sport. 

La Géographie, j'ai oublié le sujet, mais je suppose que c'était du même tonneau. Aller regarder une vidéo sur Youtube, je pense. 

Ah si, les maths, j'allais oublier. Ce prof est d'ordinaire assez déconsidéré, car il a un fort accent étranger (comme de plus en plus de médecins et d'enseignants). C'est charmant, mais on ne comprend rien à ce qu'il dit (Là c'est assez vrai, j'ai vu des extraits de sa prose). Les mathématiques ont donc été reléguées dès le second cours, au mois d'octobre au rang des cantiques inutiles. Qui a besoin des maths pour jouer à Animal Crossing ?

En plus, ce prof a eu le malheur d'avouer qu'il ne maîtrisait pas le processus de transmission des devoirs. Résultat, une page d'exercices mal scannée depuis un manuel. "C'est tout jaune, on voit rien, et en plus on ne comprend rien à ce qu'il dit". Terminé pour les mathématiques.

Il faut dire que cette année, entre les grèves, les transports, le feu, la peste, et le choléra, ils ont eu quelques cours de chaque matière, mais rien de bien grave.

Voilà.

Non, j'avais oublié la "techno", non, pas le bruit de fin du monde qui accompagne cette nuit d'été où votre père, risquant sa Clio à peine payée dans un ex-champ de betteraves sous les ordres aveuglants des vigiles, a compris qu'il va falloir désormais trouver le moyen d'avoir l'air cool à l'idée que sa petite fille, maquillée comme une voiture volée et habillée comme une héroïne des adaptations de Jarry par Averty  qu'il aurait peur d'aborder la nuit dans la rue, a décidé  qu'elle avait l'âge de se faire fourrer par un mec défoncé, dans un camping-car, au milieu de la nuit, dans un ex-champ de betteraves, avant, ou pendant, que la caravane des parents cahote à nouveau sur le champ de bataille, où pèse encore, non lavé par le jour, le lourd silence désintéressé qui suit ces moments où l'important était de rester en vie, non pas cette techno là, l'autre, celle qui s'occupe des systèmes vis-écrou, des ressorts des porte-mines, et qui permet de trier rapidement dès la cinquième ceux à qui le manque d'impatience lié à l'absence d'imagination permettra de dessiner correctement un ressort de porte-mine, talent précieux, des autres auxquels il faudra trouver un métier où les échecs sont sans impact sur le monde réel, c'est à dire la quasi-totalité du troupeau de "jeunes".

Donc ce pauvre prof de techno avait eu le malheur de leur demander d'étudier un "pont". Oui, un "pont". Et il avait aggravé son cas en choisissant non pas un truc bien chamarré, une vedette comme le Pont-Neuf, non une obscure passerelle introuvable sur Google, et donc hors du champ humain. Ce travers, conjugué à la tâche de devoir installer "Publisher" pour créer le document du devoir, a scellé le sort du projet. Direction les archives.

C'est pas une fille qui a deux ponts reliant la ville dont elle est maire à la map d'Animal Crossing qu'il faut embêter avec ça, non mais...


Voilà le mois de mars d'une année de cinquième. Rien, ou presque. Des échos, de vagues échos dans la savane, par dessus les hautes herbes. Flonflons de cours emportés par le vent... Accents lointains d'une fête foraine. Cela me rappelle Le Grand Meaulnes

Tenteront-ils de retrouver le domaine ? Pas sûr... On aurait envie de chercher un responsable, une responsabilité partagée, mais même pas : ce n'est même pas une faute, on ne pèche contre rient, c'est comme après les accidents de voiture, le constat sur les épaves, l'état d'une civilisation qui se demande ce qu'elle fait là, sur le toit en travers de l'autoroute, et cherche des raisons de faire quelque chose.

Dans un futur incertain, les cours reprendront. Un jour, peut-être. Mais c'est pas sûr. Émergeant du brouillard, la côte de l'île réapparaîtra. Quand ? On ne sait pas. Quant à ceux qui ont des examens, ils guettent les nouvelles comme Noé le retour de la colombe, ou bien ils utilisent une boule de cristal. 

Ou du marc de café...

Ou Pornote...

Ou rien.

Faire un cursus pour qui, pour quoi, de toute façon ? C'est pas ça qui va nous aider à trouver les fossiles dans Animal Crossing. Alors ? Actuellement, on lui livre la bouffe pour l'essentiel, et pour le reste, elle va avec sa mère, payée par l'Etat à élever ses enfants, ce qui est tout à fait normal, "au bio".

Netflix rassemble toute la famille devant le poste. Et pour ce qui est des vidéoconférence, on fait comme d'ab, les trucs qui marchent très bien facetime, whatsapp, les Skype, enfin ce qu'on fait avec mamie et les cousins depuis des années. Elle met le téléphone filmant le plateau, et bouge les pions pour sa cousine.  Faire ça avec un prof, ce serait comme se retrouver avec son CPE dans sa baignoire, portnaouak.

C'est une parenthèse en famille, le temps suspendu d'un paradis retrouvé, comme les obligations et les devoirs. Facultatifs. Pas le vide angoissant de l'absence estivale, non, car reste la tension salvatrice de l'époché. 

Suspendues à un hypothétique retour à un hypothétique normal, les coronavacances, c'est les vacances, en mieux.



(1) J'ai en effet dans le même groupe une lycéenne qui, en sports, avait pour sujet les arts du cirque. Bon, jusque là, ça se tient. Afin d'illustrer les arts du cirque, ils avaient bien entendu choisi de monter une sorte de spectacle sur... Harry Potter, gagné. Un conseil, quelque soit la matière, propose de lire Harry Potter, c'est gagnant. A mon avis, le prof se dit : " Ils aiment bien ce truc là, ça va les motiver, pendant ce temps là je serai sûr qu'ils ne cassent pas un truc dans un coin".

La tâche principale d'un prof aujourd'hui étant d'éviter l'émeute et la destruction corollaire des biens mobiliers du lycée, il faut les occuper à quelque chose qui leur plaît, comme les gremlins.

On connaît le problème depuis longtemps au catéchisme, tâche ardue. Car la matière est hors des notes de l'école, mais la présence obligatoire, l'enseignant n'a aucun pouvoir de coercition, pas de levier en termes de passage de classe.. etc. Un peu comme feus les TAP.

Une année qu'ils étaient censés étudier la Bible, ce sera la seule occasion de leur vie, un enseignant se plaint à un confrère que pour éviter le souk (en plus ces crétins avaient autorisé la bouffe en classe, donc on se jette des trucs à la tête, principale occupations de ces petits babouins), il les avait envoyés jouer dehors.

"Foin du programme", lui répond son collègue, moi je les installe devant des vidéos de la vie de Jésus, comme ça ils se tiennent tranquilles.

"Sédater" le môme pour qu'il se tienne tranquille, l'expression vient des Ehpads, où les aide-soignantes "tassent" les vieux pour pouvoir les toiletter sans se faire mordre. La boucle est bouclée, de sa naissance à sa mort, on ne sait plus quoi faire du citoyen.

Soit que, petit macaque qui ne veut rien faire d'autre que jouer sur sa DS, on le laisse scotché à son écran pour qu'il ne casse pas les meubles, soit que devenu alzheimer, il ne puisse plus rien faire d'autre, il faut mettre le citoyen sous hypnose 5G, parce qu'il emmerde le peu qui reste à avoir été élevé avec la volonté de foutre les mains dans la merde pour 1000 euros par mois  qui travaille, et on les applaudit bien fort.

L'écran n'est finalement que l'interface d'hypnose, sur lequel on fait tourner la spirale pour faire passer les contenus, les messages... Parfait, c'est parfait.

Il faut leur faire boire du coca, histoire qu'il soient surexcités, histoire qu'ils demandent l'écran pour se mettre sous hypnose. Parfait, parfait...

(2) J'ai eu, depuis l'époque de la rédaction de cet article, un retour sur la restitution de ce devoir. Sur 3 classes de cinquième, le nombre des élèves ayant rendu une copie se situe entre 8 et 13 pour des classes entre 24 et 26. 
Ce qui signifie que les élèves ayant rendu un devoir expressément obligatoire, en pièce jointe par mail, donc une procédure accessible à tous, se situe entre 1/3 et la moitié. La prof a piqué une colère adressée à tous les parents, mais qui est restée lettre morte.


vendredi 17 avril 2020

De la liberté d'expression II

Je voudrais avant de prolonger la réflexion initiée ici http://nahatzel.blogspot.com/2020/04/de-la-liberte-dexpression-i.html à propos de la liberté d'expression, faire quelques remarques sur sa sœur, la liberté d'écouter, de lire, de voir. Sans cette dernière, la première est inutile. Le pouvoir a d'ailleurs la tentation d'appuyer là, c'est plus facile.

Suivant la vieille tradition de la protection des enfants, l’État protège le citoyen. Pour empêcher le regard du petit enfant d'être blessé par la pornographie, on va lui en interdire l'accès. Pour éviter que le lecteur ait les yeux offensés par l'opinion des anarchistes, on va interdire leur publication (1).
Pour votre sécurité,on vous filme, on vous mate et on vous flique, la blague est bien connue. 

La liberté d'accéder à de l'information pour le lecteur est donc en prise directe avec la liberté laissée au poète de  proclamer cette parole. Elle est bien connue également des pouvoirs totalitaires, cette bonne vieille ruse : si vous voulez fermer tel journal de communistes, il suffit de l'accuser de pornographie. 

Tout le monde va vous applaudir de protéger notre société en maintenant les bonnes vieilles valeurs et en réduisant au silence ceux qui les bafouent, et ce sans prendre la peine de vérifier ce qui est "pornographique", et sans prendre la peine de mettre en débat ce fait de la nécessité de faire disparaître la pornographie de notre culture, ni donc d'examiner en préalable cette question de savoir pourquoi les gens s'intéressent au communisme, ou à la pornographie. 

De la même façon, si un gouvernement ne veut pas entendre parler d'une autre version que la sienne, il va déclarer que tel site est "complotiste", véhicule de la désinformation et des "fake news", et comme cela, on pourra faire fermer le site ou prétexte qu'il est complotiste, alors qu'en fait il est juste dans un camp opposé. Museler l'opposition communiste pour pornographie ou les pensées alternatives pour complotisme, c'est un seul et même réflexe des dictatures et de la pensée unique. 


Le problème de la liberté d'expression est donc, sous un certain angle, plus qu'une question de pour ou contre, reliée en prise directe avec le pouvoir dont dispose une classe de décider ce qui sera débattu ou pas par l'ensemble de la collectivité, ce qui aura droit de figurer sur la table, à l'ordre du jour, ce qui pourra faire l'objet de discussion ou non. C'est simple à comprendre.

Si le pouvoir dispose de faire taire les media laïcs au prétexte de terrorisme, ce n'est pas demain qu'on s'interrogera sur la nécessité d'avoir une dictature religieuse dans votre pays, voyez-vous. Et on n'a pas encore parlé de liberté d'expression ici, on parle juste d'abus de pouvoir

Mais pour que votre entreprise soit couronnée de succès, on l'a vu, il faut que la foule applaudisse. Pour cela il faut créer un réflexe "pousse-bouton". Le réflexe "pousse-bouton" est hérité des premières poupées parlantes, on appuyait sur un bouton caché dans son dos, et elle disait "Maman". Au début, c'était même un disque en plastique microsillon qui était lu !

Le pouvoir socialiste avait créé le réflexe pousse-bouton " raciste " afin de véhiculer l'idée que toute personne qui évoque les éventuels problèmes que pose le partage de l'espace d'une même Polis avec des règles de droit culturel différentes n'est motivé que par le racisme, afin d'effacer l'idée qu'un quelconque problème puisse survenir lorsqu'une communauté préfère constituer un ghetto que de s'intégrer, afin de pouvoir poursuivre ses rituels à l'abri des lois du pays. 

Le pouvoir néo-libéral, porté par l'immense espoir de sauver le monde de l'inévitable crash que même Marx avait déjà vu arriver, a créé le réflexe bouton de "terroriste", associé à sa version soft, le bouton "complotiste". 

Chaque fois que vous ne véhiculez pas la pensée du gouvernement, l'opinion correcte qu'on doit avoir, ou les consignes données par les sites en .gouv.fr sur ce qu'il faut penser, vous êtes un "complotiste", c'est à dire une personne qui vise à intoxiquer le cerveau des autres avec de fausses nouvelles. 

Heureusement, le gouvernement et ses "conseils scientifiques " estampillés par le parti vous disent ce qu'il convient de croire et ce qu'il faut penser.  Peut-être que votre site ne sera pas fermé tout de suite, mais il pourrait l'être alors, méfiance, restez dans le domaine des extra-terrestres et ne venez pas parler politique.

L'URSS a usé et abusé du truc en son temps, et toutes les bonnes dictatures de notre temps continue de le faire.

L'idée est de déplacer l'opinion depuis le terrain de jeu démocratique "Il y a une opinion A et une opinion B", vers le terrain entouré de barbelés, il y a les prestigieux et les complotistes, les bons communistes et les délinquants, les bons musulmans et les terroristes. 


Je le répète, il ne s'agit pas d'une question de contenu, mais de possibilité de débat. Que le nombre de camions partis de ground zero ait été assez élevé pour emmener tous les déchets, je n'en sais rien, c'est une question d'expert, l'un dira oui, l'autre non, on n'en sortira jamais, et ce n'est surtout pas moi qui trancherai !

Mais l'important c'est que ni le site de l'un, ni le site de l'autre ne soient fermés. Que tous les deux puissent s'exprimer, c'est ça qui est crucial pour le maintient en vie d'une démocratie.


Ce qui est vital aussi, c'est que les autres media jouent le jeu. C'est que lorsqu'on publie un lien sur leur site, ils laissent la publication. Faites le test avec un truc un peu sulfureux genre :

à partir de 13:07

Et essayez de le mettre dans un courrier de lecteurs d'un journal, vous allez voir le résultat de l'auto-censure, comme le crétin qui s'empresse de mentionner la "supposée résurrection", tremblant de peur qu'on l'envoie en camp de rééducation parce qu'il a eu une mauvaise pensée.

Malgré le CV de la dame, qui a passé 20 ans à dresser Ebola pour qu'il apprenne à infecter poliment une cellule humaine, son opinion n'a aucune importance, puisque c'est une complotiste qui ne dit pas comme le gouvernement a dit qu'il fallait dire, donc ce qu'elle dit est pas bien, faut pas écouter.

En revanche, les opinions conformes, elles, sont bien paisiblement relayées, on ne les embête pas :



et voilà le cœur de la question de la liberté d'expression. Si vous dites "Eh bien moi je me réserve le droit d'écouter tous les discours et de me faire mon opinion moi-même", vous appelez à ce que tous les discours soient publiés. Tous, sans exception. 

Personne n'a à décider pour vous, à trier ce qui est bon et mauvais entre ce que vous devez croire et rejeter.

Si j'ai envie d'émettre une hypothèse comme quoi la Terre est une fraise Tagada plate et carrée, j'ai le droit de pouvoir soumettre cette hypothèse à mes concitoyens. Ils ont le droit de pouvoir l'examiner, en débattre, et juger par eux-mêmes, car ce sont des gens intelligents, et pas des enfants crétins à qui on doit dire ce qu'ils doivent croire.

Tout gouvernement qui m'empêche de le faire est une dictature qui s'arroge le droit de décider de ce dont on doit discuter ou pas, et pour ce faire, de fixer arbitrairement les limites du territoire où il est possible d'avoir le droit de choisir ce qu'on pense.

Eh bien moi je revendique le droit d'agrandir le territoire des possibles de ce que je veux entendre et débattre jusque là où il me plaira à moi, et pas au gouvernement.

J"ai rien à foutre de ce que pense le gouvernement sur le coronavirus, et surtout j'ai rien à foutre de qu'il pense que je dois penser, moi j'estime avoir le droit de choisir moi-même entre les opinions, et pas entre les bonnes et les mauvaises, les sales et les propres. C'est moi qui trie, pas les commissaires du partei. Heil !

Si j'ai envie d'entendre l'avis de Mme Mikovski sur le virus, l'avis des illuminés de Rael sur la vie après la mort, et l'avis du Père Noël sur les escargot fourrés praliné, c'est mon problème que de me faire mon opinion à partir des sources que je veux, et je serai reconnaissant au gouvernement de me laisser le choix des sources que j'ai envie d'entendre, et à partir desquelles je me ferai mon opinion, merci !

Tous ceux qui me lisent le savent, mais vous n'en avez encore qu'une vague idée tant que vous n'aurez pas lu les publications du Daronian Institute, ceux qui me lisent donc savent combien je hais l'obscurantisme religieux, ses préceptes à la con, et ses directives pour décérébrés. Je maudis ces débiles qui ne savent que citer un immam ou un rabbin pour justifier leurs âneries de consignes alimentaires ou de conduites stupides. Eh bien ils ont le droit de proposer ces opinions à la con à leurs congénères, c'est un droit inaliénable. C'est à moi de faire en sorte qu'il y ait des librairies ouvertes où le disciple décérébré a le droit de rentrer, pour avoir un autre son de cloche.

Je sais, vous me direz que le disciple religieux décérébré ne mettra jamais les pieds dans une librairie puisque justement, une partie du lavage de cerveau qu'il a subi lui fait considérer la librairie comme le haut lieu de la fausse croyance. Eh bien tant pis, la démocratie ne souffre pas la moindre entaille.
Vous n'aviez qu'à occasionner une chute de cheval au drones d'Amazon, et soutenir les libraires. Si vous n'avez pas remarqué que la cyber-connerie numérique et la déculturation qui va avec finissent par une disparition de la démocratie, il serait temps de commencer à ouvrir les yeux.

A ce propos, je lance un grand appel à tous mes jeunes amis qui ont encore le bras vigoureux, achetez des lance-pierres et descendez-moi ces flicards de drones avant qu'ils ne vous flinguent.

Bien, ceci posé, on va pouvoir continuer.


(1) Cela va même un peu plus loin. Pour décourager le pédophile, on punit non seulement la détention, mais aussi le visionnage d'images pédopornographiques. L'intention ici est claire : il ne s'agit pas tant d'admonester le vilain visionneur que de faire tarir la source en privant de débouché le flux. On se dit que si on terrorise les clients des prostituées, on mettra fin au proxénétisme. De même, on se dit que si on empêche les gens d'acheter du faux Vuitton, les contrefacteurs cesseront d'en fabriquer, et si on empêche les pervers de visionner de la CP, on découragera les producteurs d'en produire, ce qui sauvera autant d'enfants de cette blessure physique et psychique.

lundi 13 avril 2020

De la liberté d'expression I

Tout d'abord, je voudrais dire que j'ai entendu Macha Makeïev dans sa masterclass, où elle parlait de l'expérience physique du théâtre. A la fois archaïque et sommet du raffinement, la rencontre d'un autre non prévu, le fait de s'asseoir à côté d'un inconnu en vu de partager une même émotion est le signe d'une civilisation où cette curiosité peut s'exercer en toute liberté, en même temps qu'il est l'acte même de cette curiosité et cette liberté de "former public", art de société donc, pratiqué depuis la nuit des temps.

C'est très beau et très vrai, et le théâtre doit être protégé.

Sinon je voulais dire que j'écoute avec recueillement le cours d'Alain Supiot au Collège de France, je crois qu'il est de 2013, et intitulé : " Du gouvernement par les lois à la gouvernance par les nombres". Je n'en suis qu'à l'épisode 1, mais cela fait trois fois que je le repasse. Il faut absolument écouter ce cours, ne serait-ce que pour trois raisons.

D'abord parce que c'est époustouflant d'intelligence et d'érudition, et que c'est une source de savoir en soi. Ensuite parce que cela vous éclairera sur bien des points de nos sociétés modernes. 

Et enfin, pour une raison qui est plus rattachée à ma recherche, et vous comprendrez en vous souvenant que je définis l'exercice du langage essentiellement comme l'usage d'un consensus. Cette place ambigüe attribuée au droit dans le savoir, et exposée à partir de 39:00 explique pourquoi j'ai si souvent recours au droit pour y puiser des exemples de linguistique. 

Je n'en veux pour preuve que ma citation chérie, extraite d'une lettre d'un assuré à sa compagnie d'assurances : "Vous me dites qu'il n'y a pas de vol entre époux, on voit que vous ne connaissez pas ma femme."

A l'égard de mes récents articles sur le passage de l'individuel au collectif, vous comprendrez que je m'articule également avec cette entreprise d'analyse juridique en ce point qu'Alain Supiot mentionne en à savoir que d'une phrase à l'autre dans un même paragraphe, le mot "bonheur" est associé une première fois à l'individu, dont la recherche de bonheur est un droit fondamental et inaliénable, et une seconde fois à la collectivité, légitimée à chercher une forme de gouvernement qui assure "son bonheur".

Que dans un texte dont on peut penser que chaque mot a été pesé, les "bonheur", individuel et collectif soient ainsi "inconsciemment" confondus sans aucune précaution, c'est édifiant. Cela invite à se demander si pour les auteurs, ils ne l'étaient pas, en tout cas ils étaient associés bien plus fortement que de nos jours, ce qui fonde proprement la série "En quoi suis-je concerné par la loi ?".

Dans une société où l'idée de bonheur collectif a disparu, parce que chacun voit son bonheur à porte, et les deux phénomènes entrant en boucle, publier une loi relèvera de l'exploit, il faudra que ce soit en temps de guerre ou d'épidémie.

 Bien. Le sujet central de ce billet est son titre, un thème récurrent de ce blog, mais j'y reviens car plus ça va, et plus le grumeau grossit, et moins j'arrive à l'avaler. Ceci pour la simple raison qu'il est renouvelé d'une façon "tsunamesque" par les rézosaucieau, lesquels lui font ce qu'il font à tout, c'est à dire lui donner le mégaphone d'un leader syndical en tête de cortège, avant même que de savoir si on a appris à parler à ce type là. 

Bien entendu, on découvre souvent avec effroi, mais un peu tard, que ce n'est pas le cas. La leçon commence à coûter pas mal de fromage, et je voudrais pencher un peu ma face de vilaine et vieille sorcière sur le berceau de cet enfant. 

Avant d'en venir au cœur du problème, il faut signaler que les précautions qui entourent le sujet, la liberté d'expression, donc, sont rendues brûlantes par le fait que le mégaphone des rézosossio assourdit tout le monde, mais ajoute un autre défaut que n'a pas le mégaphone de manif : il a un micro hyper sensible. Voir le cas de ce pauvre type qui a fait une blague minable sur les pokemon. C'est de mauvais goût mais on n'a réussi que de peu à lui éviter le lynchage alors qu'il n'y a pas de quoi en parler deux minutes. La foule s'empare d'une bourde, réclame la tête du type et on lui donne droit.

Troisième caractéristique à retenir quant à notre temps de "la Toile", c'est la désacralisation "en temps réel" des événements qu'on eût regardé dans le temps confit de respect. Il se foutent gentiment de la gueule de la Reine, mais quand le collectif estime que ça ne se fait pas, ils courent tous, une fois de plus, comme les bovins à Solutré, dans la même direction.

Je vous signale d'ailleurs, et je le dis très sérieusement, qu'il faut avoir vu un troupeau de vaches s'ébranler sans raison et devenir folles à courir dans un pré uniquement par mimétisme pour comprendre la puissance de cet instinct. Il faut avoir vu comment cette onde se propage, comment elle prend l'animal où qu'il soit pour le pousser à courir sans qu'il sache lui-même pourquoi, pour vraiment comprendre et mesurer, à ses effets, cette force archaïque et invulnérable.

J'ai dû prendre garde à ne pas écrire "ma vilaine face de vieille sorcière". C'était prendre le risque que le micro ultra chatouilleux amenât aux oreilles de quelques uns l'ombre de l'idée que j'aurais eu l'ombre de l'intention d'insinuer que les vieux sont tous et automatiquement  (1) vilains, et là.. houlà boum, c'est Nagasaki, ah non, il ne faut pas risquer de blesser la sensibilité du peuple japonais en deuil, on recommence, et là houlà boum c'est l'étoile de la mort, voilà ouf, pourvu que Disney ne porte pas plainte, non, on ne sait jamais, je recommence :

Et là, houlà boum, c'est la bombe atomique de Hitler. Voilà, là c'est sûr, personne ne s'en recommandera. Car en effet, si les quelques uns qui ont eu les oreilles blessées par mon insinuation sont par malheur, enfin je veux dire par bonheur, membres de l'association de défense de la dignité des vieux, alors là j'ai la moitié de la planète qui me court après pour me lyncher, et douze cabinets d'avocats pour me ruiner. 

Eh oui, il y a quatre ou cinq pèlerins qui, ayant raté leurs études de sociologie et de théâtre (2), et ne sachant quoi faire de leur vie, se sont dit qu'ils pourraient grappiller quelques sous et un peu de notoriété en montant une association de défense de quelque chose, de préférence des opprimés. 

Ils ont le choix : depuis les indiens canadiens qui ne peuvent plus commercer en peaux de kayaks depuis le K-way jusqu'aux vieux de l'Ehpad du coin, la planète entière est devenue une minorité à défendre. Malheur à vous si vous tombez entre leurs griffes, et si leur avocat réussit à prouver que l'ombre d'une arrière pensée raciste envers la minorité des vieux marins homosessuels natifs canadiens vous a traversé l'esprit. 

Retenons bien cette caricature outrancière que je fais pour vous aider à comprendre : "Chacun est devenu une minorité à défendre". 

Et je mets tout de suite cela en parallèle avec ce propos d'Alain Supiot dans une de ses chroniques : 
https://www.lefigaro.fr/vox/politique/2016/11/07/31001-20161107ARTFIG00145-alain-supiot-aux-etats-unis-comme-en-europe-le-grand-delitement-de-la-democratie.php

"Les Européens n'ont pas attendu M. Trump pour ne tenir compte des élections que si elles vont dans le sens de ceux qui estiment savoir mieux que la majorité des citoyens ce qui est bon pour eux."

Cette pierre posée, le thème est donc : La liberté d'expression.

 Notons d'abord qu'en tant qu'elle est partie du droit, la liberté d'expression se déploie dans l'espace où la société se rêve, et dont une frontière est ici l'endroit où l'individu devrait s'autocensurer sans qu'on aie à le lui demander. 

Par exemple, un crétin de journaliste de France Info, dont le métier est pourtant un gardien de la révolution du temple,  nous sert : "Le dimanche de Pâques, on célèbre la commémoration de la supposée résurrection du Christ".
Hélas, non on fête bien la résurrection du Christ, comme le 15 août l'Assomption. 

Le 14 juillet, on ne célèbre pas la "supposée" révolution française, qui ne le fut pas tant que ça etc. Le 11 novembre, on ne commémore pas le "prétendu" armistice, qui fut tout sauf un armistice etc.

On ne réintègre pas la critique dans le calendrier des PTT, sinon c'est la Torah. Donc ce crétin de journaliste a si bien intégré que la plus grande honte c'est d'afficher être chrétien, qu'il faut éviter à tout prix que le commissaire local du parti ait vent qu'il a eu l'ombre d'émettre l'idée que tout cela n'était pas que du vent qu'il s'empresse de nous faire une bouteille de Klein linguistique, remarque c'est poétique, j'aime bien. 

Le 25 décembre, on fête la supposée naissance du supposé Jésus, le 1er mai un hypothétique travail etc. Le journaliste a bien compris qu'il faut s'autocensurer sur tout ce qui est religieux, donc il surjoue son rôle de bon chienchien du sociétal. D'ailleurs il aurait dû dire la résurrection de le/la Jésus(e) pour le (les) cas où le(la) prétendu(e) Jésu(e) aurait été lesbienne, c'est pas bien ça.

Ce qui découle de la remarque ci-dessus est que la liberté d'expression est un thème qui a cette curieuse particularité, comme beaucoup de sujets "sociétaux", et donc on l'a vu qui on maille à partir avec le droit ( lui-même expression des rapports de violence entre classes dans la société telle qu'elles se rêvent devoir être), de ne pas avoir les deux pieds dans le même ordre.
Je m'explique.
Dans les disciplines sans impact sociétal, les pour et les contre d'une doctrine sont situés de chaque côté d'une ligne de partage, comme les joueurs de ping-pong de chaque côté de la table, séparés par le filet. Il y a une symétrie. Ainsi ceux qui sont pour autoriser l'utilisation des moteurs électriques dans les vélos, et ceux qui sont contre. Ceux qui sont pour saler l'eau des pâtes et les autres contre, etc.

Une dissymétrie s'installe lorsque par exemple on parle de ceux qui sont pour que les cloches sonnent les heures et le dimanche, et ceux qui sont contre. Il est évident que ceux qui trouvent ça mignon habitent loin des églises et que ceux qui sont contre sont ceux qui sont emmerdés, à savoir les voisins des églises.

On feint de continuer comme si c'était un débat symétrique sur ce que doit être le village français, les pour et les contre les cloches, alors que cela recouvre simplement une question de cadastre et de nuisance.

Dans le cas de la liberté d'expression, il n'y pas non plus, et beaucoup s'en faut cette fois, de "pour" ni de "contre", il y a juste le problème de savoir si vous appartenez à la classe qui a le pouvoir de fermer la gueule de l'autre ou pas.

Je détaille : vous qui vous prenez pour un grand démocrate, vous êtes pétri de préjugés moraux, ceux de votre classe, normal, pas de honte à avoir (enfin si un peu quand même). Vous jouez au défenseur de la liberté de parole face aux souverains d'Afrique et d'Asie qui sont bien loin, mais je ne vous donne pas deux minutes avant que vous suppliiez ce blog, google, Facebook où je ne sais qui de supprimer mes publications, et devenir un défendeur d'expression.

Si j'argue de la liberté d'expression pour dire des cochoncetés, vous les grands Charlie en ligne, vous allez dire que oui mais là non, c'est pas possible de laisser dire des horreurs pareilles etc. Exactement ce que les musulmans font avec les caricatures, tout pareil. Ils sont mignons....

Disons que c'est surtout vous qui êtes loin de ces souverains, et notamment de leurs milices, et notamment de leurs matraques. C'est au pied du mur de la cellule qu'on voit le militant des droits de l'homme. Ceci dit, c'est bien de les soutenir d'ici, mais passons. C'est mieux que rien.

On voit par exemple que la classe des dirigeants d'aéroport suisse a le pouvoir de faire fermer sa gueule à un représentant de la classe des journalistes allemands, sur ordre de la milice d'un représentant de la classe des rois d'un pays étranger, en faisant obéir la classe de la police suisse.(3)

https://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/le-sulfureux-roi-de-thailande-fait-un-retour-fracassant-en-europe_446474

Mœurs du moyen-âge, allez-vous me dire. Mais vous a-t-on entendu ? Non. La liberté d'expression, c'est l'espace où la classe qui a le pouvoir de fermer ta gueule te laisse t'ébattre. Et c'est, toujours et partout, le même espace, à savoir celui où ça ne la gêne pas.

Par exemple, dans notre belle république, que vous prenez pour un exemple de liberté d'expression dont on peut se servir comme un gant pour gifler les mollahs, nous avons ceci :

http://www.rfi.fr/fr/emission/20190525-journalistes-convoques-dgsi

Des journalistes convoqués et rappelés à l'ordre ("la loi") pour avoir dit publiquement que la France fournit aux dictatures du Golfe des armes qui servent à tuer des civils au Yemen. Tout ça parce que les monarchies du Golfe pensent que Sanaa abrite je ne sais quelle bande de crétins qu'une autre bande de crétins entraîne à poser des bombes.

Enfin, la misère humaine, quoi. Ils prennent ça comme prétexte pour noyer les gens sous les bombes, come en Syrie où vous laissez gentiment nettoyer le terrain pour les compagnies pétrolières. Mais nous, on en profite pour vendre des armes. "Ben ouais, si c'est pas nous c'est les autres qui les leur vendront."
Ben voilà...

N'empêche que les journalistes ayant des problèmes avec la Justice, ça fait un peu Turquie, non ?

Précisons tout de suite que je suis un fan absolu, irréductible, mordicus, épileptique de cette liberté. Lorsque j'ai vu cela :


mon sang n'a fait qu'un tour. Qui, quel juge, quelle instance judiciaire a nommé Twitter gardien de la " remise en cause du confinement" ? Laquelle est, je le rappelle, une potion politique comme une autre. Personne, aucun, aucune. Twitter s'auto-proclame gardien de telle ou telle valeur et vous le fait payer d'une sanction immédiate lorsque votre avis ne correspond pas à la doctrine du parti du consensus mou des moutons bien-pensants. Heil Twitter ! Pas mieux, tous les dictateurs font ça.

Twitter fournit un espace d'expression, et est selon moi jusqu'ici-non-expressément mais je vais le faire, invité à fermer sa gueule sur ce qu'on y échange. Si on a besoin de son avis, on le lui demandera. C'est d'ailleurs pour cela que les gens émigrent vers d'autres solutions, pour si des fois on a envie de sortir de ce que Twitter autorise !!!!

En plus, le pire, c'est que il ne s'agit même pas d'un propos, c'est juste un mec qui se balade, pas la bite à l'air, non il se promène il rencontre ses gens. Et ça " remet en cause". L'expression à la con, minable. D'ailleurs il s'est excusé, ce minable. Moi j'aurais supprimé on compte direct et annoncé que je passais chez un réseau qui me laisse donner mon avis. Leur puissance est devenue une arme contre ceux qui mendient la cooptation de la plèbe.

Encore une fois ce n'est pas le problème de Twitter. Ce que je publie ne les regarde pas. Et d'ailleurs, c'est parce que les États se sont lâchement défaussés sur le dos des fournisseurs d'espace d'expression, que ces derniers ont acquis ce pouvoir.

Moi j'estime qu'en France, c'est la justice française qui doit décider si ce que je dis doit être censuré, pas Twitter ou autre de ces réseaux à la con, même si c'est pour bêler en se faisant passer pour un agneau avec ce slogan tellement virginal "En faisant ainsi, ils sauvent juste des vies", à dire en clignant des yeux kawaï. Twitter, c'est comme le tuyau du téléphone, ça n'a pas à avoir d'avis.

Que tout le monde bêle qu'il faut se confiner, c'est le problème de la société, pas celui de Twitter, qui répète le bêlement des moutons en déclarant que c'est le bien, comme des crétins incultes qu'ils sont. Cela me rappelle toujours l'histoire de l'Amoco Cadiz ou je ne sais quel pétrolier qui avait répandu du pétrole sur les côtes du Canada ou par là.

Une myriade de bénévoles était venue pour nettoyer, armés de seaux, de balais et ils ont gratté comme des forcenés les rochers avec des détergents. Plusieurs années après, on a constaté que les parties de côte où ils n'avaient pas pu accéder s'étaient nettoyées naturellement bien mieux que les parties agressées par les héros volontaires, et qu'on aurait mieux fait de laisser les choses en l'état.

Les exemple sont nombreux, de cas où on ne comprend strictement rien à la situation, et Twitter ne comprend rien au virus, mais ils choisissent un camp, celui où tout le monde bêle de concert, de préférence, s'emparent de l'étendard, et coupent des têtes, parce que ça redore un peu leur blason de volière inutile. Et donc ils s'arrogent le droit de juger ce qui doit exister ou pas comme propos.

Un peu de modestie vous siérait, crétins ignorants...

Tout ça pour dire, et ce n'est qu'un début, à quel point la liberté d'expression m'est chère. C'est le premier point avant d'en venir, justement, à ces réseaux où se réfugient ceux qui trouvent que "la censure sucks". 

Mais avant cela, je voudrais faire un détour par un autre aspect de la liberté d'expression, qui est celle d'exprimer sa liberté d'écouter.

(1) Tant il est vrai qu'il est devenu impossible à nos jeunes crétins contemporains (pléonasme) qui ne trouvent  comme job que modérateur chez Facebok ou autre réseau de crétins, d'imaginer que, lorsqu'on pense quelque chose, ce n'est pas forcément sous la forme d'une opinion butée à 100 % irréductible, que lorsqu'on dit "le ciel est bleu", on n'implique pas forcément qu'il l'est tous les jours, qu'il l'est tout autour de la planète h24, ou bien qu'on est raciste envers les bleus.

(2) Mais c'est pas de leur faute, faut dire, il n'y a pas eu de cours dans ces matières depuis 5 ou 6 ans. Après le confinement, les profs ont exercé leur droit de retrait,jusqu'en novembre. Après, les grèves des gilets jaunes ont empêché les trains de rouler jusqu'en 2025, et après, on ne sait plus parce que Twitter supprime les messages là-dessus.

(3) Je me garderai bien sûr de tout commentaire tendant à caractériser l'attitude de lèche-cul des pouvoirs suisses, ou de sa police qui ne demande que cela. La Suisse est un pays où la distinction entre citoyen et policier est plus floue que chez nous. En France, on aurait carrément planqué le zingue à Vélizy, car la France est un pays où la distinction entre collabo et citoyen est plus floue que chez nous.