Je voudrais revenir une seconde sur le sentiment que j'appelai "cotonneux" il y a des siècles sur le papier, et évoqué dans cet article :
https://nahatzel.blogspot.com/2021/09/le-retour-du-meme-un-pattern.html
En fait, le système contrainte (perte de liberté) contre récompense, mis au jour par Freud a des conséquences plus profondes qu'on pourrait le penser d'abord. Je l'avais sous estimé à cause de ma propre myopie, ayant refusé tout le contrat identificatoire et le bastringue symbolique qui va avec. Je suis donc resté étranger à cette douce drogue dans laquelle on laisse infuser l'enfant, et ce sont les autres qui m'ont ouvert les portes de la perception sur le mécanisme, au siècle dernier.
La boucle est ainsi faite que le berger prend le mariage, la prospérité, les enfants... en bloc. Dans le "bonheur", il ne distingue pas ce qui relève de la chance, de l'organisation, et de l'obéissance aux contraintes du groupe, lequel la lui retourne sous forme de récompense : argent, pouvoir, honneurs...
Le berger espère se marier, comme il "espère" que la moisson sera bonne. Il espère, attend, avec hâte et prières, que la vie lui amène les cadeaux que la société lui a montrés au pied du sapin. L'impétrant attribuera à la chance et à la grâce de Dieu ce que ses pairs voudront bien lui lâcher comme poste, honoraires, rentes... en échange de son obédience. Rentes d'où mariage, d'où enfants, merci la science etc. Je ne vous refais pas tout le schéma.
Ce qui m'intéresse là-dedans, c'est que l'ouvrier innocent et bon, tel le Alfie de Lark Rise, ne voit pas, mais au sens le plus perceptif du terme, que son mariage sera ce que la société lui donne en échange d'avoir bien joué le jeu, comme les moissons lui donneront du blé en échange d'avoir bien respecté le temps des semailles, et Dieu ses sacrifices.
Les hommes portaient à la boutonnière une fleur de leur lin, pour aller montrer à la messe qu'il avait bien fleuri sur leurs terres à la St Glinglin, et que la récolte serait bonne. Ainsi les marchands en étaient-ils avertis. Etc. Ni la Politique ni l’Économie ne pouvant décemment s'attribuer encore ce succès (hodie, elles ne gênent plus...), on le laissait au curé pour recevoir des fonds pour l'orphelinat. La boucle est bouclée etc.
Il ne voit pas. Il attend des cadeaux. On lui dit qu'il les recevra s'il jour le jeu. Il respecte les règles, il reçoit les cadeaux, il est heureux, content de ce que "la vie" lui a apporté. Il ne voit pas les structures à l’œuvre derrière le décor.
Les anciens, les politiciens véreux, les avocats et les notaires, les industriels à la retraite, eux voient le système. Comme si une nappe mouillée se posait sur une chaîne de montagnes invisible, à force, comme disait Valéry à propos de la forme, que "le fonds remonte à la surface", le système dans son ensemble prend son sens.
C'est comme lorsque vous regardez un plan de routes, qui se croisent et vont en tous sens sans raison, vous ne comprenez rien à ces tortillons. Si vous prenez la même carte avec le relief, vous comprenez tout le système : ici les virages suivent les méandres de la rivière, là les routes convergent par les vallées vers les villes, et elles tournent avant et après les cols, pour escalader les pentes.
Ainsi lorsque vous avez perçu le relief des passions humaines, des traditions qui lient les classes et les clans afin de conserver la richesse et le pouvoir entre les mains de la classe dirigeante, comprenez-vous comment marchent les lois, ce qui se fait, ce qui ne se fait pas, et le système de sacrifice/récompense évoqué par Freud.
J'ai une autre chose à dire là dessus, mais je reviendrai, il faut que je revienne au casse du siècle.
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