Donc en fait aujourd'hui, vous savez que vous êtes un artiste s'il faut une grue pour votre installation, et on mesure votre notoriété au nombre de transpalettes et de caterpillars qu'il faut louer pour l'occasion.
Henaurme, tu es hénaurme.
Nous les pauvres débris, on nous avait habitués à ce qu'une œuvre porte un sens, un message (1), une démarche, quelque chose qui pousse un peu à communier, à réfléchir.
On cherche en vain, comme des clochards les poubelles, ces vestiges. Une œuvre d'art est consensuelle, elle doit pouvoir rentrer chez Ikea, donc ça peut être coloré gentiment, façon arc en ciel, elle doit juste déclencher "wow " quand on la voit, pour que vous puissiez mettre à votre tour "wow" en commentaire, ça suffira merci. Et puis pour le reste, vous devez dénoncer. Il y a une liste officielle de problèmes à dénoncer, on la trouve partout, ça commence par les violences faites aux femmes noires juives borgnes chauves, les viols et les incestes commis à longueur de temps sur les femmes noires juives, mineures, jaunes, indiennes, et rouges, les discriminations envers les minorités, les personnes de couleur verte ou bleue, les transgenres, les problèmes de braguettes et de clitoris, comment on doit leur parler et apprendre à en parler aux enfants, et puis la biodiversité, et le climat en dernier.
Je dis "en dernier" parce que c'est important. Si vous inversez l'ordre et que vous dites que les enfants, de toute façon, genre ou pas, n'auront pas d'eau à boire, là vous gâchez la fête par des prises de position extrémistes.
Bien, donc, le phénomène de la signature apparaît sous une de ses dimensions, la taille. Après l'énorme, le minuscule :
Une autre dimension de la signature, c'est le jamais-vu-dans-le-genre-c'est-du-délire : elle sculpte des châteaux sur des robes, elle coud des bottes sur des chapeaux, elle grave des châteaux sur des cartes postales, elle remplit un bus de paquets de beurre (pour dénoncer les viols), elle écrit avec un cheval rempli de peinture (les associations protestent, ça fait le buzz) enfin il faut que cela relève du n'importe quoi.
Mais un n'importe quoi qui puisse vous identifier rapidement, ce qu'on confond avec "avoir un style", d'où toutes ces créations en papier alu gonflable géantes. On a même une assimilation entre les deux :
Regardez le commentaire : "signature technique"
Autre signe, les mots sont précédés d'un caractère qui les transforme en balise. On ne parle plus pour dire quelque chose aux autres mais pour signaler à la machine qu'on lui a fourni un lien.
Il faut que la personne qui parcourt le site en frottant son téléphone du doigt puisse montrer son téléphone à sa voisine en disant "T'as vu, elle sculpte des voitures dans des ongles d'éléphant" - Wow.
T'as vu, elle peint des cafetières avec des pneus de vélo.
(Pour l'autre conne, Oldenburg est né la même année que sa mère, celle ci voit dans une croûte immonde la deux-cv de sa sœur, ils sont tous complètement pétés)
Voilà, vous avez gagné votre petite vue, le système a enregistré votre frottis de doigt, c'est gagné, plus que dix millions, et vous dépassez le voisin, l'artiste qui dessine des zèbres sur des capsules de bière (pour dénoncer le traitement des migrants) ou qui sculpte des animaux vivants grandeur nature en capsules de bière recyclées (pour dénoncer la pollution des océans, qui prive les minorités ethniques de leur habitat naturel).
Et on revient à l'histoire de la boucherie. Heureusement qu'on n'a pas plus de dix secondes à consacrer à la chose, parce qu'on n'a pas le public pour. Le public, il ne lira plus jamais rien, et s'il lui arrive de lire, par exemple un bouquin sur l'histoire des Grecs anciens, il aura la version remaniée par Microsoft :
L'édition faite par des décérébrés qui ne n'écrivent pas, pour des décérébrés qui ne lisent pas.
Ces cyber-crétins, comme disait je ne sais plus qui, sont habitués à considérer l'enseignement comme une chaîne Youtube parmi d'autres, qu'on regarde d'un œil distrait dans le train, en jouant sur sa console à Harry Potteron line avec douze millions d'autre décérébrés en ligne qui s'appellent tous Gandalf, et en envoyant les photos de tout ça aux décérébrés de son groupe. Ce qu'il reste du contenu du cours, que dalle, on s'en fout.
Mais imaginez qu'ils vous mettent tous un like... Ah oui, il y a un autre signe de la Bête (la connerie), c'est, j'en avais déjà parlé, l'inversion du sens du courant de l'enseignement. Avant, étudier le théâtre, c'était écouter un cours sur les auteurs dramatiques, on se faisait décortiquer Athalie, puis on avançait vers le XXè en comprenant les charnières etc.
Aujourd'hui, étudier une matière c'est la produire. On étudie le théâtre, ah bon, et vous étudiez quel auteur, nan on étudie pas d'auteur, on doit écrire une pièce de théâtre. Ah oui, ben évidemment, étudier le théâtre c'est avant tout ça, oui, bien sûr.
Et alors tu vas écrire une histoire sur quoi ? ben en fait j'ai mélangé deux scènes de Harry Potter. Eh ben, d'accord, ben écoute, tu rentres chez ta mère, et tu lui fais mes amitiés. La fille dont je vous parle, elle n'étudie plus rien parce que ses profs sont nuls et qu'elle n'apprend rien. Idem pour un autre élève de Terminale, qui ne va plus en anglais, parce qu'il n'apprend " plus rien depuis la quatrième".
C'est aussi une constante ça, je sais déjà tout mieux que tout le monde, et ce prof étant nul, je vais produire directement. J'y eu droit en anglais, en dessin... "En dessin je sais déjà tout" (5 ème).
En fait leur ignorance est tellement abyssale qu'ils ignorent à quel point ils ignorent la profondeur de leur imbécillité. Ile sont tellement ignares qu'ils n'ont même plus d'instrument de mesure pour se comparer à un savoir dont ils ignorent totalement l'existence. Le monde se réduit à ce qu'ils sont, le savoir à ce qu'ils savent faire.
Et les crétins qui écrivent des romans en ligne :
Il faut dire qu'ils sont précédés d'ancêtres qui leur ouvrent la barrière :
Pou savoir ce qu'il a écrit :D
Et quand on n'a pas de boulot honnête, on fait quoi ? Truand,
ou pire, auto-entrepreneur
Et les cartons de courrier perdu qui traînent aux archives, ça j'adore.
Et les mignons d'Henri IV qui fusionnent dans l'hilarité générale, j'adore,
Et l'ex-art thérapeute que le photographe a manqué de peu en train d'obéir à sa suggestion de faire semblant de la sucer.
Et tous ces crétins qui détruisent leur planète,
Installation "Café au lait", qui est une des œuvres phares de l'exposition "Petit(e) déjeuneè(e) pour le/la monde", une forme globale qui parle de l'histoire des stratégies de libération spatiale noire ...
Mettant en avant l'engagement des artistes contemporains avec les problèmes sociaux comme les prescriptions normatives du vieux monde blanc sur le futur positif et transgenre de l'Iphone, et façonnant les institutions, l'exposition soulève des questions cruciales alors que nous sommes confrontés aux crises entrelacées du racisme systémique et d'une pandémie de santé mondiale.
Des singes, juste des singes.
fliqués par d'autres singes
Quand ce ne sont pas des dictateurs qui monopolisent les ressources du pays, ce sont des clowns qui claquent le fric en partouzes.
Heureusement y'a un petit bonhomme très méchant, et tous ses cousins mutants
Qui vont faire le ménage.
(1) Ne croyez pas que je prête ici le flanc à la critique à la mode dans les années 80, qui voulait qu'ont se gausse de tout ce qui portait message, et il était impératif pour l'artiste interrogé de répondre que non, surtout, il n'y avait aucun message dans son œuvre, et qu'il ne se sentait pas investi de la mission de etc.
Je parle ici du message qui surgit lorsque l’œuvre parle. Tout créateur sent la frontière, ce franchissement du seuil lorsque d'une collection de choses éparses, masses, couleurs, objets, lumière, on passe à un autre moment, à un autre espace, lorsque l’œuvre se "met à parler", parce que ces éléments ont été disposés de façon à ce que de cette cohérence émerge un sens. On bouge les pièces muettes, ça ne dit rien, et ça ne "veut rien dire", ça reste muet comme une hébétude, et puis d'un coup c'est agencé comme il faut, il y a ce qu'il faut là où il faut, et "ça parle". Enfin bref....
Mais quelque jour il faudra que je me penche sur ce qui sépare un créateur de la personne qui ne ressent aucun besoin en la matière, et qui peut passer sa vie entière sans produire quoi que ce soit de personnel, ce qui donne à l'artiste un frisson mortel.
L'artiste vit justement pour repousser la mort, il crée pour faire du bruit afin de l'empêcher de venir. Une vie où rien ne sort de lui, c'est la porte ouverte à la mort, pour qu'elle vienne sans bruit occuper les lieux, qu'elle profite du silence pour entrer. Alors non, le tintamarre l'effraie.
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