- La libération d'expression qui permet à tout à chacun de devenir sa propre maison d'édition en publiant sur le Web, semble avoir trouvé une sorte de consécration dans la pratique du Fan-Fiction. La littérature populaire peut ainsi envahir les foyers dans une fusion idéale avec le fait-divers, qui plus est fictionnel.
- Le " réalisme en peinture", c'est à dire la démission définitive de l'art, le rejet des efforts des générations passées aux oubliettes. Non, pas le rejet, finalement, l'oubli par l'ignorance. La flemme de chercher, de connaître, de comprendre.
Et ce n'est pas parce que certains artistes ont un gros budget publicitairer et une bonne agence (Saatchi) que ce qu'ils font est mieux :D
Je ne critique rien là-dedans, je ne fais qu'observer ce qu'une époque se donne comme centre, comme bornes, comme limites, comme objectifs.
Créer, tous azimuths, partout, s'exprimier, sur n'importe quel support, les murs, dire ce que j'ai à dire, c'est ça la vitalité de l'art.
Et cette aspiration au bonheur trouve non seulement à s'épancher dans le domaine collectif, mais aussi individuel :
- Les innombrables officines de bien-être qui fleurissent ici et là avec pour fer de lance une pratique de l'art décomplexée. On ne vous juge pas, on ne porte pas de regard, barbouillez, du moment que cela vous fait du bien, c'est une valeur positive.
C'est que l'épanouissement de soi, ce n'est pas l'auto-satisfaction, voyez-vous. Enfin, si, mais pour partie seulement :)
J'ai aussi une sensation étrange vis à vis de cela. Une sorte de malaise, tout de même. Comme le souligne le mémoire, on fait participer le public à l'art, mais la question reste de savoir à quel art on les fait participer. J'ai honte d'avouer que ce qui me gêne c'est l'indigence du contenu au regard des des moyens déployés.
Car le pire, c'est qu'ils se bougent, ils brassent, et mettent sur pied des choses impressionnantes. Mais si je comprends bien, ce qu'on fait n'a aucune importance du moment que les gens y participent.
La population locale est finalement moins concernés que des bataillons de bénévoles invités à participer à quoi, finalement, sinon à ce qu'ils font eux-mêmes ? On puise dans le fonds photo des anciens, dans les recettes de cuisine, on fait plucher des patates aux gens. Tout cela est très bien, cela " fait du lien", comme dit l'expression née pour la circonstance.
Un peu pareil pour ce projet.
" où 5 000 bouteilles étaient tisées dans 105 m2 du grillage métallique et ensuite suspendues dans les airs et éclairées. "
On annonce fièrement les milliers de bouteilles collectées, les centaines de m2 de grillage, les centaines de gens impliqués, mais pour quoi en fin de compte sinon justement mobiliser des gens ?
Si, il y a cette réaction : " c'est beau". Qui justifie tout à elle seule. C'est normal, évident que le but premier de la création soit le plaisir esthétique du spectateur.
Mais, mais, mais, et l'art et la culture, là-dedans, s'y retrouvent-ils ? La culture, plus on l'étale, moins on en a, et si on ne la reconstitue pas, il finira par ne plus y en avoir du tout. C'est bien de partager des recettes de cuisine et d'absorber des financements pour cela, mais un jour il faudra avoir le courage de regarder en face le roi nu, et le vide culturel de ce qui deviendra la cible des municipalités.
Il faudra avoir un jour le courage d'une politique culturelle qui ne se contente pas de redonner partout et toujours la parole à ceux qui n'ont rien à dire sous prétexte qu'on dit d'eux qu'ils se sentent ignorés.
Après, je finis par me demander si tout cela n'est pas simplement un Zeitgeist, ce qui confirmerait mon hypothèse du "reset".
Prenons cette couverture de livre. Elle est stupide, parce que pour représenter Béhémoth, il fallait mettre tout sauf un vrai chat. Qui plus est affublé d'une ridicule couronne.
Mais à force d'en être stupide, je me suis demandé si elle n'avait pas un but dans son apparence stupidité, c'est celui de " vendre".
D'un côté on achète la paix sociale, de l'autre on brasse des produits, peu importe de faire une belle civilisation et une belle culture, l'important est le maître-mot " vendre".
En mettant un chat " behemothesque", on risque d'une part de faire réfléchir, d'autre part de moins vendre, ce qui peut se rejoindre. Tandis qu'avec cette photo grotesque qui évoque un chat-roi, et qui peut inciter nombre de gens n'ayant pas lu le livre à tendre le bras, à exécuter l'acte ultime, le principal, l'acte d'achat, à passer en caisse, et là yes c'est gagné, le reste on s'en fout.
Je suis persuadée que l'illustrateur n'a reçu comme consignes que de mettre un chat, que cela se passe en Russie... Mais il les a reçues de gens qui eux, ont lu le livre, mais n'ont pas pris deux minutes pour en parler. Evidemment, les pauvres gens qui conçoivent la littérature sous cet angle du " ça le fera" n'ont pas compris qu'à ce jeu là, c'est la confiserie qui va gagner. Mais une fois de plus,
VAE VICTIS.
Et maintenant, la Madame Monumental du mois, la gagnante est Madame Carine :
" Par son amour et sa passion de partager ses sentiments sur la vulnérabilité humaine, elle crée une toute nouvelle technique d’art novatrice (sic). Sa technique représente un travail colossal de perforation sur toile qu’elle effectue à main levée. Des centaines de trous qu’elle exécute au gré de son inspiration, sur des peintures qu’elle a créées en s’inspirant de diverses photos et images. Ses oeuvres sur grande échelle sont spectaculaires et empreintes de profondeur "
Le trou, ça paye : plus on en fait, plus "la nouvelle technique d'art" est "novatrice". Au royaume des décérébrés, les perforateurs sont rois. Mais attention, faut les exécuter " au gré de son inspiration", sinon ça compte pour du beurre.
Enfin, on ne pourra pas dire que je fais tout le temps ma râleuse, ça par exemple, ça change un peu, un truc entre le dessin et le volume. Dommage que ce soit du plastoc.
Il n'est pas impossible que cette frénésie de créativité soir mue par une sorte de défi lancé par le robot à l'humain, avec lequel il est de plus en plus en concurrence. On a un peu l'impression qu'il faut se ruer vers le dernier ascenseur. Une fois celui-ci parti, on risque de laisser en dessous une marée un peu indifférenciée de robots et d'humains.
Ce qui est d'ailleurs frappant, comme d'habitude le plus dans les commentaires, c'est l'inconscience dans laquelle trempent les intervenant, que c'est simplement la frontière homme/machine qui est en train de s'estomper. Ils ne se rendent pas compte qu'une fois la différence homme/robot disparue, les conflits auxquels ils participent n'auront simplement plus de support.
La différence disparue, c'est à dire une palette d'individus avec un génome 100 % humain, des humanoïdes 50 % logiciel, mais avec des fonctions (reconstitution d'organes) qui sont encore confiées à la partie humaine de leur génome (les autres parties étant amuies), et des humanoïdes 100 % logiciel.
Voilà, une fois cela fini, on ne se demandera plus si c'est " bien " ou pas, de faire X ou Y, puisque X et Y seront pareils.
Donc la question est : poids de la progression technique, notamment des robots, dans le reset.
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