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mardi 24 novembre 2015

La politique de l'espace

Cette interview de Rancière (je ne sais plus où elle est, vous retrouverez), je me rends compte à quel point il déterre une des raisons de ma fureur contre la technologie ; c'est qu'elle est le plus sûr allié de l'oppresseur lorsqu'il s'agit de lui fournir les moyens de découper le territoire pour assigner les gens à leur place.

Je viens de revoir Les amants diaboliques de Visconti, et ce qui a frappé tous les spectateurs présents autour de moi, c'est la liberté de circulation qu'il y avait à l'époque. Tentez de vous rendre aujourd'hui de Rennes à Marseille sans passer une barrière de péage, impossible pour la route. Quant au TGV, on sent que ça piaffe.

Découper l'espace, c'est le moyen d'assigner chacun à sa place : badge électronique qui vous permet de circuler dans telle zone de votre entreprise, qui vous empêche d'aller mettre le nez là où on estime que ce ne sont pas vos affaires , et qui vous dénonce si vous le tentez. Le fameux " besoin d'en connaître". Ne viens pas mettre ton vilain nez dans nos affaires.

Tu n'as pas les moyens de payer ? Alors tu ne prends pas l'autoroute. Ni l'avion, ni le métro, ni les trains de banlieue. Tu restes là où tu es. Où ? Dans les zones de province désaffectées, où tu survivras en produisant de vagues justificatifs.

Tu veux monter dans le TGV, alors il faut jouer le jeu des badges, des tourniquets, des bandes magnétiques, des sas, et demain des puces RFID qui activeront la réalité augmentée où tu suivras la ligne verte sur le sol, affichée par tes lunettes connectées.

Vous me direz " Mais tout le monde est content comme ça ! " . Les zombies connectés se déplacent où on leur dit dans la grid, et les clodos restent dans le réel poubelle où ils sont priés de chercher activement un emploi. Les zombies sont heureux dans leur appartement Ikea de la résidence " Le clocher du village vieux" avec ascenseur qui annonce les étages et parking à porte basculante pour garer la voiture à crédit qui leur permet d'aller bosser, et les clodos sont heureux dans leur " région " où on anime quelques vide-greniers gratuits pour qu'ils fassent autre chose le dimanche que de boire leurs allocs devant le foot et qu'ils pensent qu'ils alimentent l'économie circulaire.

Cela me rappelle d'ailleurs une interview réalisés sur France Info (cela devait être début octobre 2015) où une habitante du quinzième arrondissement se réjouissait que le Darty de Beaugrenelle ouvre enfin le dimanche parce qu'on ne sait pas où sortir, parce que " à Paris, le dimanche, tout est fermé".

Alors pourquoi ne suis-je pas contente que tout le monde soit content ? Je vais répondre sous la forme d'une question : Peut-on dire d'un rituel qu'il est naturel ?
Prenons par exemple la parade nuptiale du paon. Toute autre manifestation du genre conviendra. Si on me dit que ce n'est pas naturel, mais d'ordre culturel, je pose alors la question suivante : Dans ce que nous qualifions de " culturel", qu'est ce qui n'est pas de l'ordre du rituel ?

Parce que cet impossible et impassible cirque défile tranquillement en défiant toutes les frontières, et laissant ma colère intacte.

Je ne suis pas contente non plus, parce que le territoire utilise la technologie pour fermer l'accès au territoire, et je pense là aux cartes de cantines et de car des collégiens. Outre que la gestion et le contrôle impacte le coût de ces systèmes de façon ridiculement élevée, il est tout à fait indispensable que les l'éducation et l'alimentation soit assurées pour tous, y compris les transports associés et encore plus pour les enfants.

Ce billet était en brouillon depuis un mois, il a donc été écrit avant les événements qui vont permettre avec une fureur sans précédents aux manipulateurs d'acheter des portiques électroniques en tentant de faire accroire au bon peuple qu'il s'agit de sécurité, alors qu'il s'agit d'assurer au bourgeois dont la société a payé le billet son droit de se sentir loin du vrai monde dans les trains pour riches et légitimé dans son approbation passive des projets stupides.

La seule solution pour apprendre aux gens à bien se comporter, cela s'appelle de l'éducation, partie de la culture, et cela se fait avec des ressources humaines et de vrais moyens.

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