"L’autre jour a la Saatchi Gallery (haute institution devant laquelle il faut s’incliner puisqu’elle a réussi a faire de Damien Hirst et Tracy Emin des stars de l’Art Contemporain, j’ai vu deux tableaux (prétendument) détruits par l’artiste quelques minutes avant le vernissage.
Le décor: barrières devant les œuvres, verre cassé au sol.
Je me demande si la machette n'était pas encore elle aussi à terre. Il y a un long texte à l’appui, avec le récit du suspense : l’artiste monte voir ses œuvres, soudain on entend un grand bruit, affolement, tout le monde se déplace, découvre la catastrophe !
Puis intervention d’un (soi-disant) grand critique qui dit qu’il faut absolument tout laisser comme ça. Quelle blague."
En découpant dans Closer des bons de réduction pour les ouvrages de Jean d'Ormesson, je suis tombée là-dessus :
Charles Saatchi dénonce l'art bling-bling
"7 déc. 2011 – Le célèbre collectionneur britannique a pris la plume pour dénoncer les dérives de l'art contemporain."On espère qu'il l'a rangée ensuite au bon endroit, mais ils sont connaisseurs au rayon boucherie, dans les rédactions bling-bling, ils ont dû le conseiller.
Extrait de la séance de lèche : " Le pamphlet est drôle, comme il se doit. Enlevé et bien vu pour qui veut stigmatiser les nouveaux riches de l'art contemporain"
Extrait des réactions : C'est l'hôpital qui se moque de la charité :) Dans les dents du "vieux lion".
Sinon, il faut impérativement lire la Naissance de la Tragédie. Le Cas Wagner. Et toutes les sources avec, ce qui ne va pas sans soulever des nuages de poussière hellénique vénérable.
Ou alors, mais pour cette indulgence vous devrez me verser une contrepartie financière dont le montant se négocie en ce moment même âprement à l'OMC, entre autres mesures concernant l'égorgement des moutons, qui bêlent toujours au moment de monter dans le camion de l'abattoir après avoir assuré la fortune de l'éleveur, vous écoutez cela :
http://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-philosopher-avec-wagner-14-wagner-et-les-philosophe
J'ai sursauté comme une adorable puce que je suis, quand j'ai entendu que Wagner avait dit vouloir faire, après la musique invisible, un "théâtre invisible".
Cela n'est pas sans me rappeler une réflexion de Nicolas Bourriaud posant que l'art moderne tend vers l’annihilation de son objet (aux deux sens du terme "objet"). Mais pour y substituer le geste créatif, et l'attitude intérieure qui y préside, le fonde, l'accompagne et le " justifie" (au sens de sa vérité interne).
Je suis également ravie de retrouver ici deux fois le mot moderne. Car je poursuivrai en disant que l'art contemporain cherche la négation de son objet au sens concret, mais aussi la néantisation de sa pratique, en ce sens qu'elle pourrait encore constituer au sens ontologique, un support d'intention, et une quelconque justification.
Cette culpabilité pousse à l'implosion, et je la remets en parallèle avec l'impossibilité évoquée par Dorian Astor, de reconstituer une "cérémonie". Au sens rencontre avec le public, exposition, cf. Cady Noland.
Je sais, je transpose un peu vite le drame, mais etc.
Or ce centre impossible, introuvable, ce noyau de vide brut, de matière noire de l'être, qui fascine l'Occident depuis peu, il est intégré depuis fort longtemps dans l'art indien et ses déclinaisons par le vecteur bouddhiste (cf Titus Burckhard). C'est le disque percé d'un trou.
Même dans la dualité de la solitude du sujet, l'objet intentionnel par rapport auquel on aurait la capacité de prendre un recul réflexif et salvateur est encore de trop dans la pulsion artistique.
Cela ne laisse donc ici que la place à trois catégories d'artistes, les répéteurs hébétés dans l'ombre de l'ignorance, les suicidaires à la lueur de la lucidité, et les éparpillés du numérique, butinant tout et n'importe quoi pourvu que cela vole en éclats multicolores sur l'écran pour hypnotisés de la première catégorie et les nourrisse.
Au bout de la quête d'invisibilité, de néantisation, il s'agit d'abord d'une explosion en mille fragments, mais l'objet a volé en éclats contre un obstacle invisible, quelque chose comme de la matière noire, contre laquelle on rebondit un peu, mais dont l'onde de choc détruit jusqu'à la surface de la sphère.
Ce vide, non compris dans l'éducation culturelle occidentale, toujours focalisée sur la dualité ontologique sujet / objet, c'est finalement peut-être la science qui a su le mieux l'intégrer dans sa nouvelle sauce philosophique (Nouvelle Gnose de Princeton et multiverseries contemporaines) pour éviter de justesse le précipice.
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