J'ai trouvé ceci sur Barbotages :
samedi 24 avril 2021
Pour PLP
Extrait du court texte (deux phrases) de la quatrième de couverture de Ça et pas ça, de Pierre Le Pillouër (Le Bleu du ciel, 2015) :
« Ce livre est le recueil des visions et des auditions issues de l’état de semi-conscience qui se dissipe vite dans le sommeil ou dans le retour à la norme. [...] nulle épreuve sinon celle de la lutte contre les processus et les tentations de l’effacement. »
Ce qu'il y a de marrant, c'est que j'ai entendu Salvador Dali en parler comme un des fondements de son inspiration dans une interview.
https://www.youtube.com/watch?v=A3FAy0teMNo à 3:00 où il dit que sa peinture n'a pas à voir avec le rêve, mais avec l'hypnagogique, c'est à dire ce même espace de temps entre la veille et le sommeil, où de fugaces corridors s'ouvrent entre la conscience et le rêve. On sait également que les surréalistes ont puisé à cette source.
Cela fait donc en gros un siècle qu'on pioche cette veine, et je ne suis pas la dernière à le faire (1). Mon interprétation de ces faits est que si nous creusons ces rigoles, c'est pour établir des canaux, c'est pour que le rêve, pour que notre part inconsciente s'écoule à nouveau dans notre vie "quotidienne", "rationnelle", pour la réenchanter avec quelques unes des potions qui faisaient autrefois le charme de la vie sur Terre.
D'ailleurs, il faut prendre un peu du précieux temps pour lire Barbotages, on y trouve de bonnes nouvelles des amis inconnus.
Oui, je disais donc, on a un problème avec l'art, et il n'est pas impossible que j'arrive à faire le pont avec mon autre sujet sur les jeunes crétins.
Posons qu'il y a, au départ, une volonté individuelle, tout à fait respectable, de "faire quelque chose", pour rester neutre. Cette volonté n'a pas en soi besoin de légitimité. J'ai envie d'aller me promener, de boire une bière, de peindre un tableau, voilà, tout est dit.
Et ça donne ceci :
Il faut que ce soit "wow", stunning, large-scale, énorme.
Il faut que cela défende le féminisme, l'environnement et la justice sociale.
Pour le reste, ça peut être n'importe quoi, tout ce qui vous passe par la tête et n'a jamais été fait, ou pas tout à fait pareil, même si ce sont des croûtes, ça part comme des petits pains.
Le principal est que ce soit bluffant, incroyable !
Du moment qu'on y passe des heures, poil après poil.
Non, vous ne rêvez pas, plus fort qu'une imprimante laser !
Et pourtant, bien que je dise de la plupart de la peinture contemporaine que c'est du gâchis de matière, il y a des choses vaguement émouvantes.
Et pourtant, bien que je dise de l'art numérique : " Foin de ces logiciels d'effets. Commence par prendre du papier, un crayon, et apprendre à dessiner.", je tombe souvent sur des images purement numériques avec lesquelles je suis plus "en phase" qu'avec la peinture.
Cela me fait penser au jeu des chaises musicales, ou plutôt à ce jeu mais en pire. Imaginons une cour d'école, entourée de deux bâtiments où se mettre à l'abri de la pluie. Au départ, tout le monde est dans la cour, à jouer, à courir. Disons que lorsque la musique s'arrête, on peut se réfugier dans le bâtiment de gauche, ou dans le bâtiment de droite. A la fin du jeu, la pluie se met à tomber dans la cour, et celui qui n'a pas réussi à entrer dans un des bâtiments reste à se faire tremper au milieu de la cour.
C'est un peu comme si jusqu'aux années 70, la moitié des artistes avait trouvé refuge dans le bâtiment où l'art s'adresse à l'intellect. Même si cela passe par une forme. Depuis les années 70, les artistes courent dans l'autre bâtiment, on ne s'adresse plus qu'aux sens. Ce que ça signifie, on s'en fout, au point qu'on lui colle n'importe quelle mission (racisme, discriminations, migrants, environnement...) qui puisse justifier le politiquement correct d'exposer ces gens là.
Et puis, il reste, sous la pluie, au milieu de la cour désertée, quelques petites filles en jupette trempée collée par les grises gouttes froides, aux cheveux trempés collés par les larmes ou les gouttes, qui regardent sans comprendre les grasses faces des marchands rougeoyer de l'autre côté des vitres dans l'auberge.
Portant les yeux sur leurs compagnes, elles comprennent que c'est juste parce qu'elles sont "comme elles". Et du coup, ça les rassure d'avoir été laissées sous la pluie. Alain Cavalier a exploré cette "joie des martyrs",
Nous sommes devenus à ce point incapables d'assumer une recherche réelle, qu'elle soit artistique ou scientifique, que nous devons la déléguer à des fillettes.
En science comme en art, l'injonction à ne pas chercher, l'interdit de perdre à chercher un temps qu'on peut passer à produire sont si forts que, une fois adulte, on se sente poussé à déserter une création qui doit coller à une des directives (selon le temps, art intello ou art-exploit) qu'on abandonne à regret la création à une génération de décérébrés.
Bon, parvenus là, je pense que vous savez très bien le pourquoi de la manœuvre. Parce que la merde artistique, de même que la daube en plastique industrielle, se "markette" et se "merchandise" beaucoup plus facilement qu'un œuf de Fabergé. Et voilà, je vous laisse dérouler la suite.
Nous assistons à la destruction des structures de savoir de notre civilisation avec la même impuissance sidérée que celle qui nous paralyse dans la dépression à voir la banquise fondue et détruite par les usines de merdes chinoises en plastique et autres.
Cela me rappelle la scène que je trouve la plus poignante dans un des opus du film Alien, c'est le moment où un humain victime du monstre a été intégré dans la matrice de production de la Mère, où il n'est plus qu'un utérus à aliens englué parmi d'autres dans le vaste endomètre de la Reine pondeuse, et qu'il supplie le Terrien de le tuer parce qu'il a conscience de l'horreur de son aliénation.
Il préfère ne plus être qu'être cela. On n'en est pas encore là. On en est à se crever les yeux, c'est à dire à regarder des blagounettes sur les écrans pour ne plus voir. C'est pour le prochain épisode (2).
(1) Zut, j'ai encore oublié Freud. Disons que si le rêve est la voie royale vers l'inconscient, l'hypnagogique serait la grille du parc. Et puis la voiture roule dans l'allée et effectue une sorte de demi-cercle en faisant crisser le gravier devant la maison de maître. La maisonnée sait que l'invité pour le déjeuner vient d'arriver. Les enfants répètent leur piano, la conversation sera charmante avec l'avocat, le médecin, l'élu.
Car Desormeaux veille sur cette paix et cette prospérité, et on invoque Desormeaux en faisant crisser le gravier devant la maison. Gravier saumon, ou blanc.
(2) Il est en effet remarquable de constater que, lorsque vous consultez un site raciste pour analyser le discours, une sorte d'itinéraire récurrent dans la structure des faits présentés ne manque pas de vous amener à la question des "ventres". De femmes bien sûr, les ventres maternels. Ce qui hérisse souvent in fine le raciste, et donc sans doute ce qu'il considère comme le plus haut degré d'élévation du rang, c'est que le barbare féconde le ventre d'une femme de sa tribu. Là il pète les plombs.
Que " l'étranger" soit serveur, chauffeur... A la limite on lui pardonne (tout juste) de vouloir survivre, mais bon ça se comprend. En revanche accéder au statut de partenaire de la reproduction, là, non, on dépasse les bornes. C'est ce qui alimente également la théorie du "grand remplacement" : un ennemi de la France, donc un membre de l'Anti-France (Cf. Super Dupont), organise la circulation de flux d'immigrés de façon à remplir, inonder, saturer l'Europe en général d'immigrés, nègres sauvages aussi incultes qu'en rut, de façon à augmenter mécaniquement le nombre de couples multi-ethniques.
Submerger, inonder, remplir, deux champs sémantiques par où l'amour et la fécondation rencontrent et remplissent la ras-le-bol raciste.
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