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mardi 22 décembre 2020

Le lobby de Lesbos

Bon alors aujourd'hui on va commencer par du light pour aller vers le sérieux, en trois temps. 

D'abord une petite anecdote amusante. Comme vous le savez, je suis abonnée, entre autres rézossocio, à Hi5. Ce matin, une vague connaissance, qui se prétend lesbienne, et pense que je ne suis pas loin de l'être, m'envoie une demande pour que je dénonce quelqu'un pour homophobie. 

Je réponds que je vais aller voir, et je ne trouve pas trace d'homophobie dans les propos du gars. En revanche il est en bisbille avec une fille qui habite dans la région de ma correspondante. N'est-ce pas merveilleux de voir ceux-là même qui se réclament d'une communauté, user de fausses déclarations pour nuire à des gens sur des cas personnels, discréditant ainsi la cause ?

Il est d'ailleurs curieux de constater que si on vous demandait de dénoncer quelqu'un pour agoraphobie, vous répondriez : "Ce pauvre type a déjà à supporter un handicap qui lui pourrit la vie, on ne va pas en plus en faire un criminel simplement parce qu'il est victime d'avoir une chose en horreur sans y rien pouvoir faire". N'est-ce pas ? 

Si vous alliez au commissariat dénoncer quelqu'un pour arachnophobie, on vous éconduirait poliment en vous prenant pour un fou. Là on le dénonce pour homophobie et les gens crient : "Qu'on le pende" en écho.

Détail amusant, notre simple d'esprit (le prétendu homophobe) se plaint qu'aujourd'hui, toutes les filles soient siliconées et retouchées à la chirurgie esthétique. C'est meugnon.

 


Heureusement que cela ne se produit pas dans les autres secteurs de la bêtise humaine, on verrait des gens se faire accuser d'islamophobie ou d'antisémitisme parce que ça arrange le beau-frère de votre voisin d'organiser uen campagne de dénigrement contre vous avant l'audience sur cette histoire de mur mitoyen... Mais non, heureusement, cela n'arrive jamais.

Moralité les enfants ? Ne croyez jamais personne, on va y revenir.

Bien, un peu plus sérieux, je me faisais cette réflexion : "En amour comme en art, pour moi, ça commence à en être quand ça devient transgressif". 

Je ne suis pas la seule, loin de là. Si la plupart des gens ont besoin de "pimenter" leur vie amoureuse, c'est bien qu'elle n'a plus de goût. Après il y a ceux qui restent dans le fantasme de centre commercial, type costume d'infirmière et bandeau sur les yeux et puis ceux qui se sentent appelés comme par une vois lointaine, de là-bas, vers des choses moins admises.

Pour ce qui est du "girl next door" (où le mariage est transgressé par l'infidélité), les sites web y ont vite pourvu en matière de vidéo, et pour le reste, on couvre assez aisément ce qu'on qualifiait aux début de l'internet d'une vague dénomination "Bizarre". La frontière du bizarre recule, elle est aujourd'hui entre la zoo et le CP (Child Porn), avec des recoins de tabous qui ne sont pas l'objet de cette étude. 

La justification de la transgression est "le corps social n'a pas à m'imposer sa frontière, et d'ailleurs dans d'autres pays c'est légal", justification étayée par un sous-jacent "cela m'est dû", sur lequel il faudra revenir. Oui, cela m'est dû : ce qui est interdit aux autres, ce que la personne ne peut donner sans qu'on la force, cela m'est dû. 

Je suis touriste sexuel, je paye, je viole. Et une fois revenu en Europe ? Malaise dans la civilisation.

Maintenant en art, les femmes sont plus demandeuses d'innovation formelle que les hommes, et moins preneuses pour les avancées intellectuelles (1). Tout est dans la tête, mais la beauté d'une construction conceptuelle ne se voit pas de loin, c'est moins glamour qu'un beau gloss. Idem pour les commentaires. Moins de candidates à la prise de tête. 

Maintenant, on peut fusionner les deux et se demander ce que ça donne  lorsqu'un être humain, partagé entre son animalité et sa culture, voudrait faire de l'amour un art, ou disons appliquer à ce chapitre de sa vie une démarche de type artistique. On en a eu un exemple avec le film Jules et Jim de François Truffaut, et c'est un courant depuis. J'y mettrais Duras, et Les Valseuses, aussi, mine de rien.

L'art n'en est que s'il est d'avant-garde, l'amour ne vaut la peine d'être vécu que si on le vit au-delà des tabous en cours. Ce qui donne, pour la sexualité, le brassage des genres, testé depuis trop longtemps pour ne pas avoir été épuisé avant de sombrer dans le grand public, ainsi quel'hébéphilie, chantée par Nabokov et Gainsbourg, et pratiquée par de nombreux  apprentis Fourniret dans leur garage. 

"Dernier tabou de notre société", me dit récemment un psy...

Il y a encore des pays où point n'est besoin de ligoter et torturer une jeune fille pour se la faire, il suffit d'invoquer la sacro-sainte tradition du Wahalibi machin chose, et pouf ! Grâces soient rendues au Grand Bintu, et son prophète Ducon-Mahomet Mouhammar Ibn Sarko et son infirmère de luxe, caricaturable à souhait comme on le sait. Ici, c'est mal vu, il faut payer très cher et s'entourer de précautions pas possibles.

Mais on a dans la presse parfois des fuites comme quoi cela se ferait dans tel ou tel cercle, on a vu le cavaliere se faire pincer pour une seule petite pute mineure, alors que le darknet est plein de dépucelages forcés sous caméras (payants pour les vrais d'ailleurs), et que la sphère soviétique fournit pas mal dans ce domaine, sans compter évidemment les thai et javanaises, mais c'est une vieille tradition là-bas.

Bien, une fois ces remarques en guise de hors-d'oeuvre, passons au plat de résistance, les fake news vs. les vrais sites de vraies infos, parce que ça commence à me fatiguer, et il temps de mettre un peu d'ordre dans ce sujet-chienlit.
 
 Encore une fois, si on veut dégager la structure, il faut faire abstraction du contenu. Je vais donc, parce que je les ai sous la main, prendre deux images d'un débat qui consisterait à dire que circulent de vraies infos sur le SIDA et des fausses. 
 

 
On connaît le contexte en gros : d'un côté les méchants sites des complotistes qui répandent des fake news, et de l'autre côté les gentils sites des vrais scientifiques qui ne disent que la vraie vérité, et d'ailleurs la preuve en est qu'ils confirment la vérité que le gouvernement vous a déjà dite. 

Je porte ci-dessous la réaction de l'un de nos correspondants, car ce qui m'intéresse est la distorsion d'objet :

 

La symétrie eut commandé de dire "Si tu ne crois pas l'AFP, tu ne crois personne", et non pas "'rien".
 
L'AFP n'est pas vu comme l'émetteur indépendant, personne influençable, mais confondue avec la matière même de ce qu'elle véhicule. C'est, exactement, l'idée qui imprègne l'esprit de ceux qui professent que c'est vrai parce que c'est dans la ZouBiblouiïah, la Zoratorah, ou le Zoubicoran hallal.

"C'est dans l'AFP donc c'est vrai". Que l'AFP bénéficie d'un préjugé favorable, c'est compréhensible, mais un bon auditeur doit s'en défaire et ne le garder que pour certains arbitrages internes et à sa seule discrétion.
 
Quand on audite des organisations, il convient de les auditer sur le même référentiel, et avec les mêmes procédures. Donc on évalue l'AFP comme les autres, et avant le résultat de l'audit, ils n'ont aucun avantage. On ne va pas bien sûr faire dans le socialisme angéliste, le "touchepas-à-mon potisme", et il est évident que si je descends dans un hôtel 5*, je m'attends à mieux dormir que dans un bouiboui, ce qui ne doit pas me rendre moins exigeant, mais peut me pousser à la satisfaction précoce.

Autre dimension à ne pas négliger : l'impact. Une petite irrégularité sur un grand media "mainstream" biaise le jugement de dizaines de millions de personnes, là où un dossier bidon mal ficelé ne trompe que quelques psychopathes qui veulent y croire sur un media de groupuscule fasciste.

Les grands media doivent être rappelés à l'excellence par un maître qu'ils ne sauraient incarner eux-mêmes, c'est une évidence première de l'exercice de la Qualité. L'autodéclaratif est le degré zéro de la certification, mais l'audit seconde partie ne vaut guère mieux. "Moi, agence de presse agréée pa le gouvernement, je dis que tout ce que dit le gouvernement est vrai", c'est juste l'histoire des
 
On peut même aller encore plus loin, sur les grands dossiers de l'Histoire, par exemple. Répéter "On examine pour voir s'il n'y aurait pas des armes de destruction massives " ne suffit pas, en l'occurrence. C'est encore trop accorder aux escrocs qui nous gouvernent.

A vrai dire, je n'ai pas choisi le sujet complètement au hasard. Lorsque j'ai vu ces images, cela m'a rappelé qu'il y a quelques années, des doutes avaient été émis quant à la nature du fameux "virus" du Sida, en l'occurrence de savoir s'il ne ressemblerait pas un peu au Pryon de la tremblante du mouton.
"Sacrilège !", avait-on crié à l'époque, puisque le mot "complotiste" n'existait pas encore. N'empêche que c'est une bonne raison pour ne pas lui trouver de vaccin. Et si un jour on trouve une bonne thérapie, on dira "le virus du Sida est vaincu", et les étudiants en médecine de 2030 apprendront que ce n'était pas un virus, et terminé, plus personne n'en entendra parler. 
 
Les complotistes qui disaient du temps de Galilée que la terre était ronde, vous croyez que quelqu'un leur rend hommage aujourd'hui ? Rien à foutre.
 
 Moralité, la vérité, c'est ce que vous octroyez comme crédibilité à la source de l'info, terminé. J'ai d'ailleurs écrit là-dessus une brève mais non moins remarquable nouvelle.


(1) Mais le répit va être de courte durée. Pour le moment, elle viennent de découvrir leur clitoris,elles affirment que c'est l'avenir de la bite, qu'on n'a rien fait mieux depuis l'invention du compas, à n'en pas fermer l’œil de la nuit, elles sont toutes fières de dire des gros mots, de se foutre des gods avec leur copine gouine, mais ce genre de plaisir a hélas son temps. Dans pas longtemps, on va avoir des pervers femelles maquillées comme les tapettes des boys-band coréens, je peux vous dire que ça va être coloré, les apéritifs dinatoires de voisins pour fêter le coming-out de la ptite Kevin Mohammed du 3ème.

vendredi 4 décembre 2020

Sa sérénissime connasse

 Sinon je voulais dire que tout de même, ça :


c'est passé incroyablement inaperçu.

De même d'ailleurs que de nombreux autres faits du même genre :


Sans compter Bolsonaro, censuré par Twitter pour propos politiquement incorrects sur conduite à tenir en matière d'épidémie. Je hais Bolsonaro, mais il a droit lui aussi à la liberté d'expression. 

Le fait qu'une boîte de logiciel de forum se permette de couper le droit à l'expression de deux présidents de la République, élus, moi je trouve ça incroyable. C'est Touittou qui décide que le Président des Etats-Unis déconne et qu'on va lui couper le sifflet.

Imaginez-vous RTL couper de Gaulle, c'est une prise de pouvoir sans précédent depuis l'invention de la radio. Et qui plus est au prétexte que ses propos sont inacceptables. Il ne s'agit pas d'une crise de folie, où le gars déverserait quelque délire, non, ce sont les propos que le Président des Etats-Unis a décidé de tenir, et que Touittou Inc. trouve déplacés, du coup, couic.

Facebook n'agrée pas les propos d'un élu de la république, Facebook coupe, sans consultation démocratique, sans décision de justice. Moi je trouve cela énorme.

C'est d'ailleurs sans nul doute à l'origine des glissements vers Minds et Gab. Au début, ces espaces se voulaient le refuge de ceux à qui ont refusait une liberté d'expression prétendûment sacrée, n'est-ce pas, et qui se faisaient jeter au motif que ce qu'ils exprimaient librement n'est-ce pas, eh bien ne plaisait pas. Ainsi Minds est-il devenu un repaire de trumpistes.

Quand un président s'exprime, on le laisse parler, et après, on dit que c'est des mensonges. Comme toute personne d'ailleurs. Sinon, il est évident qu'on court à la catastrophe qui est en train de se produire : Les gens qui auraient voulu juger par eux mêmes si ce sont des mensonges, et non pas subir le diktat de Touittoo, iront écouter ailleurs.

Ok je les hais, ok je les trouve débiles, mais une fois de plus, en démocratie, sous peine de casser le système, vous devez écouter les autres, et on ne peut pas, en démocratie écarter 50 % de la population d'un revers de main en disant "sale con raciste". Ni même 1 % d'ailleurs.

C'est également ce qui a donné Gab, phénomène également inaperçu ici. En gros, le même mécanisme est à oeuvre. L'internaute se dit : "Puisqu'on ne m'accorde pas la liberté d'expression au motif que je suis un sale con raciste, je vais aller voir ailleurs si par hasard quelqu'un m'accueillerait." 

D'où Gab "The free speech social network". 

Vosu trouverez sur cette page la lettre de réponse d'un rédacteur de Gab, à qui un media "mainstream" demande une interview sur le thème "Mais comment pouvez-vous héberger ces sales cons racistes ?". En gros Gab lui répond que Qanon est devenu un mouvement citoyen à part entière, où le fact-checking a aussi sa place, un de ces mouvements nés sur Internet, que plus personne ne contrôle, et c'est très bien comme ça. Et de rappeler à la dame les gros hoax genre "les armes de destruction massives" que les media "aux ordres" ont complaisamment relayés afin qu'on puisse aller détruire l'Irak.

En creusant un peu, il trouve une page où cette dame admet que pour elle, le journalisme c'est de l'activisme. C'est à dire qu'elle admet que le journalisme n'est pas, comme veulent le faire croire les bonschiens de garde aux bons moutons, constitué de deux camps, "les gentils sans opinion qui disent la vérité, les raisonnables qu'on peut croire", et les "méchants vilains complotistes qui ne disent que des mensonges". Mais bien une forme de militantisme permettant la promotion des opinions d'un camp. Dont acte.

Il n'y a pas d'innocent hélas en ce bas monde.

Notez le pronom à utiliser, mentionné dans la signature de la demandeuse, ça va venir ici. Pour moi ce sera "Sa Sérénissime Zobi... " après vous mettez quoi bon vous semble.

Vous sentirez la forte coloration chrétienne du post du patron de Gab, et même si ce n'est pas une raison pour le censurer, on peut en tout cas remarquer le ton "enflammé"  de l'évêque qu'il cite. Ok c'est une prière, mais vous connaissez peut-être celle de votre curé le dimanche : il prie pour que le vilain virus s'en aille pour que tout le monde aille bien, rien qui bouge, histoire de ne pas perdre les trente retraités qui constituent son fonds de clientèle.

Le christianisme n'est pas tout à fait la colonne vertébrale de Gab, laquelle est plutôt exprimée dans cette page,

Si vous mettez bout à bout le nationalisme qui s'oppose à certaines peuplades, le christianisme qui s'oppose aux musulmans, et la volonté de rejet des élites qui permet d'opposer tous à tous, vous avez un cocktail qui n'est pas loin de monter en mayonnaise.
 
 

Une fois de plus, moi je ne dis ça je dis rien, que tous ces crétins s'entretuent, ça m'arrange, ça fait de la place pour les autres, et puis il y aura moins d'islamistes décapiteurs de par les rues, on circulera tranquilles. 

Mais bon, ça va être le bordel d'ici peu. C'est tout de même curieux, cette période de l'histoire où tu dois t'y reprendre à douze fois avant d'utiliser le bon pronom, pour être sûr de ne pas froisser la gouine native vegan, et où tu ne peux pas dire à un arriéré d'Islamiste armé de Bokoharam 12mm qui tue des civils de se sortir sa merde de la tête, ce qui nous ferait des vacances.


Remarque ça fait 12000 ans qu'ils sont au bord de la famine...

Et pendant ce temps là, des continents (Russie, Amérique du Sud, et je ne donne pas cher de la peau des Chinois et des Yankees) font faillite dans le silence absolu. On fait vraiment tout à l'envers.


Sinon, j'ai entendu ce matin un ministre parler des infos "que nous avons transmis" à Elisabeth Borne. Un autre ministre exposant ses aventures à une commission et disant "les fautes que nous avons commis", et un journaliste parlant "des choses qu'ils ont promis".

Donc R.I.P l'accord avec le C.O.D antéposé. Un autre brique du barrage qui s'effondre. Un rapport avec les bacheliers illettrés,  les flics en haillons caillassés ou la fin de notre civilisation ? Non, pas du tout, tout va bien, continuer à dormer, bonne jen.

 

 The new whatever is you whatever. Cela me rappelle mon échantillon de 4ème à qui je demandais sur quoi portait sa composition de littérature. "Sur le théâtre", Et sur quel auteur, quelle période ... ? "On doit écrire une pièce. Je vais raconter un épisode de Harry Potter mais je change les noms". C'est cela Thérèse...


jeudi 3 décembre 2020

Collecte de bouffe

 Nous reproduisons ici in extenso l'article publié par nos confrères d'Exil et Thés. Il s'agit d'une critique de Siberian W. Things, rédacteur en chef des Carnets du Cinéphile. Je la restitue ici car elle porte sur une charnière entre un sujet de société, ayant à ce titre sa place ici, et un sujet d'expression artistique, ayant à ce titre sa place là-bas. Ne pouvant me résoudre à un parti, je l'ai mise sur les deux blogs, donc ici et

https://exiletthe.wordpress.com/2020/12/04/collecte-de-bouffe/

Bien. 

Il s'agit donc du film : Neighborhood Food Drive

de Jerzy Rose, États-Unis / 2016 / 1:25:41 / VOSTF
Avec Lyra Hill, Bruce Bundy, Ruby McCollister, Marcos Barnes.

 Donné à voir gracieusement par la Cinémathèque Française à l'occasion du festival American Fringe



De loin le plus barré, et sans doute le meilleur de ce que j’ai vu du festival. Il est probable aussi que j’adhère plus à ce type intello qu’aux films sur les problèmes des noirs dans les ghettos parce que je suis un petit blanc bourgeois de France qui met la poussière du monde sous le tapis.

Mais bon, une fois ça fait, Lyra Hill (Madeline) a une myriade de facettes qui foutent le vertige, et Naomi et les autres lui donnent leurs répliques de funambules avec une justesse étonnante. Les airs de débile pris par Steven répondent aux mines gênées de Bianca quand elle regarde Madeline minauder avec son mec (le film menace sans cesse de partir en vrille vers la partouze)

 

Lyra Hill a une façon de dire son texte qui met les nerfs en tension. A titre d’exemple le soir quand elle propose la réunion à Naomi et qu’elle lui dit “Allez, on a tous envie de te montrer ce qu’on a fait”. Tout est faux, et elle colle magnifiquement à ce personnage (1). Comme le dit le fantôme du conseiller, elle ne fait rien que pour se faire bien voir, accuse Naomi de ses propres fautes, et pousse au crime toute personne qui l’écoute, avec ce ton qu’elle prend lors de la scène inaugurale de la pizza végétarienne, qui a son écho dans la scène de clôture avec le cycliste, délirante à souhait.

 

Citation :

” Sous couvert de critique sociale, Neighborhood Food Drive est un film surréaliste, influencé autant par l’univers absurde et provocateur de Buñuel que par les satires américaines caustiques de Frank Perry et Todd Solondz. Les personnages sont horribles et, même si leurs agissements semblent incroyables, leur délire maniaque, leur égoïsme, et leur rhétorique froide et étrange sont hyperréalistes et authentiquement américains. Cependant, en revoyant ce film dans le contexte sociopolitique apocalyptique de 2020, je trouve finalement ces monstres subtils assez sympathiques.

Neighborhood Food Drive is a surrealist film disguised as a social critique film, influenced as much by Buñuel’s absurd provocations as by the caustic American satires of Frank Perry and Todd Solondz. The characters are horrible and, although their actions often defy belief, their manic delusion, selfishness, and reliance on cold, alien rhetoric feels hyper-realistic and distinctly American. However, rewatching this in the apocalyptic sociopolitical landscape 2020, I actually find the film’s subtle monsters quite likeable.”

Jerzy Rose

 

Après avoir écrit ces quelques lignes, donc, il m'a semble que le sujet central du film, c'est en fait la communication non violente (CNV), ou plus exactement encore, de montrer que cette pratique menace d'envahir nos vies. 

Quelle pratique ? Celle qui consiste à habiller notre discours d'une épaisse couche de sucre d'orge avant de les délivrer à l'autre. Un peu comme si ce qui nous menace, c'est de toujours se parler avec le langage ampoulé dont on demande à une assistante sociale d'user avec les gens qu'elle reçoit, et ce même pour les choses les plus banales, avec nos proches.

C'est un peu comme si vous entendiez une femme dire à son mari : "J'apprécie beaucoup le cadre de nos relations, et que dans ce cadre nous partagions le même espaced'habitation dansz notre vie commune, et pour que ce cadre garde tout son charme à mes yeux, est-ce que tu penses qu'il serait possible qu'on fasse l'essai d'une nouvelle formule de vie, où tu reboucherais le tube de dentifrice dont je me sers après toi, de façon à ce que le produit soit frais comme tu le trouves ? Penses-tu qu'on pourrait arriver ensemble à trouver les moyens de parvenir à cet objectif ? "

Vous auriez tendance à aller vers le mari et lui dire "A partir de dorénavant, tu vas reboucher le dentifrice sinon je t'enfonce le tube dans la gorge avec le bouchon vers le bas".

Point n'est besoin d'aller chercher très loin pour étayer cette thèse, le film s'ouvre sur une scène d'anthologie, qui est une sorte de résumé du film : avec l'art consommé dont elle usera tout au long du film, Lyra Hill se livre à une démonstration de ce que j'ai appelé par commodité le contre-discours, c'est à dire un discours dont l'exagération signe la posture d'usurpation, tandis que la suavité qui enrobe le propos, et dans laquelle vous venez de l'engluer signifie à l'autre qu'il ne pourra éviter de répondre aimablement sans prendre le risque de sortir du cadre de convention de CNV dans laquelle vous situez le débat, convention désormais si chère à notre civilisation qu'en faire l'économie, c'est tomber dans la maltraitance. 

Vous pourrez désormais vous rouler dans la mauvaise foi, vous délecter dans le mépris ou l'excès, l'effronterie ou l'exagération, il sera interdit à l'autre de vous dire ce que vous faites de toute évidence avec votre rictus "mille-dents" : se foutre de la gueule du monde et "emmerder le bâton".

Et Madeline ne s'en prive pas. Dès cette scène inaugurale avec son "partner", végétarien et 100% plastique, donc, elle se livre tout sourire dehors et douceur au vent, à un exercice de torture mentale, à fin ici d'entraîner le jeune Steven aux vicissitudes de son futur métier de serveur. 

Sans problème, on enchaîne sur une autre scène dantesque. On comprend, comme dans la scène précédente qu'il s'agit d'un practice mais, cette fois-ci, version pro. Le coach qu'on devine en "savoir-être ", ou autre discipline improbale de la zone, assène à ses "patients/élèves/sujets...", ses gros yeux globuleux de violeur plantés dans ceux de ses victimes, et les mains sur les épaules de la jeune femme dans un geste on ne peut plus paternaliste, les répliques qu'elle doit s'entraîner à dire à son fiancé, assis à côté avec le même air désespéré que dans la scène précédente, celui du bon sens affligé par le ridicule.

Il faut noter tout de suite un autre des "prestiges" de ce film, c'est l'exploit qu'il réussit de nous persuader lors de chaque scène qu'elle va se finir en partouze. Ici encore le ton est magistralement donné lors de la scène inaugurale du restaurant, avec un Steve bon enfant dont on se demande s'il va s'endormir avant qu'elles aient  fini de le caresser.

Je dis "elles" parce qu'il faut parler de Bruce Bundy en parfait négatif de Madeline, comme il est indiqué aussi au début. Elle est chargée de représenter l'antidote, l'anti-contre discours, donc celui de la franchise, rationnalité transparente et sincérité concrète. On se dit que le tigre de papier va s'effondrer sous ses remarques de bon sens. Enfin quelqu'un pour dire que le roi est nu, que la soirée n'est pas censée être une "party" mais une collecte (et en cela on se souvient du début de 195 Lewis, dans le même festival), que le poster est merdique, que les amis fauchés boivent les liqueurs hors de prix et que tout ça les mène à la faillite.

Alors vous me direz, mais où le problème ? Il est bon de se parler avec douceur. Certes. Le problème, c'est que la CNV est une technique qui vise à apaiser les tensions, ou plutôt à éviter au langage utilisé de les aviver, mais étant entendu que ces tensions doivent s'apaiser. Le film montre que son usage est dévoyé lorsqu'elle sert à masquer des tensions sur lesquelles on ne travaille pas réellement. 

La preuve flamboyante en est donnée lors de la soirée fatale, image qui sert de vignette à la vidéo, lors de cette réplique fulgurante où Madeline insulte une pauvre fille qui a eu le malheur de ne pas s'écarter de son chemin à temps. Elle lui hurle : "Tu peux pas regarder où tu marches" d'un ton grimaçant depuis son masque défiguré, mais indubitablement, redevenue elle-même.

On asiste donc à une fuite en avant : plus les tensions seront fortes, et plus lourd sera le couvercle. La décompensation de la scène finale le confirme, la réalité est inversée, le cycliste partner est un jouet désarticulé, seuls comptent les saints, Saint François le père, au chevet (toujours ambigu) de la conductrice, et les pieta/passionaria de la cause, condamnées à senfoncer dans un "Mère-Thérésisme" de la collecte alimentaire.
 
Voilà pour le film. Ce qu'il dit de nous, c'est qu'incapables désormais d'assumer notre animalité, avec les chocs et les passions destructrices qu'elle engendre, incapables aussi de parcourir cet espace où la culture avait aménagé des espaces de circulation praticables pour les hommes et les femmes, comme ces jardins  de haies où chacun savait très bien de quoi il retournait et où on allait, mais où on pouvait s'approcher en faisant la part du feu, donnant sa place au discours à la civilité et au raffinement. 

La culture aménageait sa place à une pudeur devenue nécessaire, pemettait à sa maîtresse de se voiler derrière un langage convenu et des pratiques codées. On pouvait ainsi, en atténuant un choc devenu déjà source d'inconfort, rendre son pouvoir de séduction à la manoeuvre et son érotisme à la fuite. On se dérobait, on donnait des encouragements, et tout cela par billets et par des mots. On se retrouvait on se rattrapait, par des soupirs et des regards on amenuisait, si le jeu plaisait la distance. 
 
Aujourd'hui, il la faut parcourir à vif, sous le soleil, avec la sueur qui brûle les sillons de la peau. Alors on a remis de cette pommade tout aussi collante que la précédente. En fait, à les voir débiter leurs formules ampoulées, on croit entendre du Molière. 
 
L'usage du discours politiquement-correct prouve à l'autre qu'on s'engage à respecter les codes, à rassurer les demoiselles, qui récupèrent ainsi l'initiative, en brisant par un gros mot censé libérer l'animalité de Monsieur sur commande, ce qui ne fonctionne pas toujours. La bête n'était pas forcément celle qu'on croyait, et il y a dans "dysfonctionnement" un côté "machine", "automate", qui ne plaît guère non plus. 

C'est triste et ça ne marche pas, voilà les différences d'avec le temps où l'on troussait et se troussait, mais peu importe, je vais revenir à cette histoire de langage convenu, appelons-le langage non violent, ou politiquement correct, et je préfère presque cette dernière appellation.

 
(1) On pourrait presque tenter un néologisme genre “contre-discours” pour désigner des propos qui se trahissent par ce ton affecté qui se régale de faire sentir qu’il dit exactement le contraire de ce qu’il pense, et te fait savoir qu’il ne cherche qu’à te manipuler, et que son succès ne sera que plus grand s’il t’en informe au préalable.

Siberian White THINGS, ancien premier ministre du dépeuplement des très jeunes filles.