Avant que d'attaquer un nouveau sujet, je voulais répondre à une de vos questions qui ne manquera pas de surgir à la lecture de cet article, question qui est :" D'accord, et maintenant qu'est-ce qu'on fait ?".
Ma réponse sera aussi une façon de séculariser le débat lancé par cet article de mon éminent confrère John Moullard. Si John est perdu dans les élucubrations délirantes de son cerveau enfiévré par les vapeurs de l'alcool, vous savez que j'ai à cœur de ramener le débat à l'intérieur d'un cadre pragmatique.
Je ferai la transition avec une petite anecdote tirée du film Le Père Noël est une Ordure, au cours duquel un des protagonistes dit à l'autre qui lui verse à boire : "Pas plus haut que le verre, Radan" (Le "verre à dents"). Ce dernier s'appelle en effet Radan Preskovic.
Si l'on voulait "faire masse" de l'espace-temps fictionnel et de celui de notre "réalité", nous nous frotterions à une rupture qui est de l'ordre de celle d'une "mise en abîme". Le spectateur regarde la scène de haut, depuis son balcon. Ainsi les auteurs ont-ils prénommé Monsieur Preskovic " Radan", au moins en partie si ce n'est uniquement pour que ce dernier puisse faire l'objet d'une apostrophe de type "... le verre, Radan".
Dans la réalité, on peut faire de même, et prénommer son fils Radan, l'offrant ainsi en holocauste sur l'autel de la rigolade, à quelques uns qui sauront en profiter. Mais on me concédera que la plupart du temps, le jeu de mot est opportuniste, et que les parents ne prénomment pas leur enfant dans ce but.
Qu'est-ce à dire ? C'est à dire que l'auteur d'un scénario seul prépare le futur, il le "préfigure", il le "moule". Le monde fictionnel va "molding the way ahead", disais-je. Le deux univers sont temporellement inversés. Je m'explique.
Dans l'univers du film, vous rencontrez un type qui s'appelle Radan, et cela vous donne l'occasion de faire le jeu de mot. "Radan" est premier, cause initiale qui vous permet de faire le jeu de mots, second, postérieur.
Dans l'univers de la personne qui écrit le script du film, le nôtre donc, le jeu de mots est premier; puis Radan est posé en second, lors de l'écriture de la réplique qui indiquera son prénom, avant l'écriture du jeu de mots, qui jouera sur la précédente.
Une étape de plus, un recul dans la pyramide des causalités, et le processus temporel s'inverse. Imaginons que le comédien oublie la réplique de la pierre d'attente, par exemple imaginons qu'il accueille M. Preskovic à la porte au début du film, et que le comédien dise "Je m'appelle Monsieur Preskovic" au lieu de dire :" Je m'appelle Radan Preskovic" (réplique de nommage). Alors le jeu de mots tombe à l'eau. Le comédien qui lui donne la réplique, Thierry Lhermitte je crois, aura même intérêt à le supprimer, et à dire "Pas plus haut que le bord du verre". En effet, dire "Pas plus haut que le bord du verre, Radan", tomberait ici à l'eau.
La réplique de nommage doit être première. Mais pour celui qui écrit le script, c'est le besoin du jeu de mots, la nécessité que le jeu de mots ait un impact, qui contraint la réplique de nommage à exister avant lui. Donc le futur contraint le passé à exister. Il le conforme à ses besoins.
Fidèle à ma promesse de plonger le débat dans un cadre pratique, je vais prendre l'exemple suivant, lequel a pour objet de montrer, pour revenir aux courants de John Moullard, qu'en matière économique comme en tout, l'éducation est la porte de toutes les autres vertus, et cela parce qu'un autre courant veut qu'en matière de business, la prime est au mal.
Imaginons un restaurateur de Bayonne qui met à son menu des pibales. Comme plusieurs de ses confrères, il est victime de l'épuisement de matière première. La pibale vient à manquer, tuée par la surpêche et la pollution, comme tout ce que l'homme touche. Le restaurateur supprime donc la pibale de son menu, mais quelques mois plus tard, à sa grande surprise, ses confrères ont remis ce plat à succès dans leur carte.
Ses confrères se fournissent en civelles, alevins d'anguilles frauduleusement pêchés dans les estuaires plus au nord, et les font passer pour des pibales. Si le restaurateur consciencieux avait l'ombre d'une intention de renoncer à ce traffic, tout le corps social le pressera d'y céder. Les autres le font, il ne va pas rester seul dans son restaurant désert pendant que les autres se remplissent les poches, sa femme, ses enfants, ses amis, le percepteur et d'autres s'emploieront à le faire revenir sur sa décision : lui aussi fera du trafic, il n'a pas le choix.
Il y en a un qui a le choix, c'est le consommateur. Si on l'avait éduqué à distinguer les goûts, si on l'avait éduqué à se renseigner sur ce qu'il mange, il aurait été chez le restaurateur honnête, qui aurait été récompensé de son attitude.
La morale de cette minuscule histoire est que le pouvoir de décision et de changement n'est pas donné à ceux qu'on pense, mais qu'il est dans les mains de ceux au bénéfice de qui ce service est organisé. Plus les clients des restaurants seront éduqués en gastronomie, plus ils permettront aux restaurateurs un exercice sophistiqué de leur métier. Bien.
Nous allons maintenant passer à l'échelle au-dessus, ou plutôt en dessous. Car souvenons-nous que tout n'est qu'une question d'échelle. Si vous raisonnez en termes de santé publique, vous tiendrez pour une assistance au décès plutôt précoce, de façon à libérer les ressources de la planète pour les jeunes générations, sans compter les innombrables autres motifs. Maintenant si on vous tend le couteau et qu'on vous dit :" Be my guest, massacre les premiers", et qu'il vous faut maintenant choisir une personne à tuer de sang-froid, vous allez avoir du mal. Vous avez changé d'échelle, vous êtes passés de l'échelle "vue satellite", à l'échelle "pieds sur terre".
Donc reprenons l'exemple de notre restaurateur, mais à une grande échelle. Nous allons considérer la Révolution Française, puis la WWII.
Imaginez qu'on vous demande d'établir un plan pour faire en sorte que la Révolution Française n'arrive pas. Vous devez produire une liste d'actions qui seront exécutées selon vos ordres : untel fait ci, un autre ne fait pas ce qu'il a fait, etc. On embauche ensuite des figurants, on rejoue le scénario selon votre script, et on voit si vous parvenez à éviter le bain de sang.
Il est vraisemblable que vous allez vous effondrez sous le poids de la combinatoire des actions. En effet, si vous modifiez une journée d'un acteur, il faut modifier non seulement, et de façon cohérente, l'emploi du temps de tous les gens rencontrés par lui ce jour là, mais encore les actions de la veille non prolongées, les actions du lendemain non mises en route etc. Et donc modifier l'emploi du temps de la veille pour les gens rencontrés ce jour là, bref, il est peu probable que vous finissiez la première journée du premier acteur.
Et d'ailleurs, quand la situeriez-vous ? Quel jour décideriez-vous de commencer à modifier les évènements ? Et pour qui ?
Par qui commencer, le matin de ce jour, quelle action ne pas lui faire faire pour empêcher la Révolution ?
Prenons maintenant le même exemple avec WWII. Vous devez empêcher cette guerre de se produire, et donc lister toutes les actions que les gens feront au lieu de celles qu'ils ont faites. Empêchez-vous le père et la mère de Hitler de se rencontrer, par exemple ? Pas facile, il faut modifier tout un tas de choses...
Alors comment expliquez-vous, et j'en viens là à mon point principal, comment expliquez-vous qu'en ce qui concerne la situation actuelle du monde, chacun ait un avis sur qui doit faire quoi pour éviter les catastrophes à venir ?
Comment expliquez-vous qu'on étale aisément sur la table qu'il est impossible à un restaurateur de changer sa carte, qu'il est hors de vue de changer quoi que ce soit aux événements passés en raison d'une intrication indémêlable de tous les acteurs et de tous les facteurs, mais que tout le monde ait un avis simple sur ce qu'il faudrait faire aujourd'hui ?
Je vous laisse méditer là-dessus, sachant que la clé, c'est l'échelle. Plus on éduque les citoyens, plus on donne à une société les moyens de partager des clés à une large échelle. J'y reviendrai.
Dans l'univers du film, vous rencontrez un type qui s'appelle Radan, et cela vous donne l'occasion de faire le jeu de mot. "Radan" est premier, cause initiale qui vous permet de faire le jeu de mots, second, postérieur.
Dans l'univers de la personne qui écrit le script du film, le nôtre donc, le jeu de mots est premier; puis Radan est posé en second, lors de l'écriture de la réplique qui indiquera son prénom, avant l'écriture du jeu de mots, qui jouera sur la précédente.
Une étape de plus, un recul dans la pyramide des causalités, et le processus temporel s'inverse. Imaginons que le comédien oublie la réplique de la pierre d'attente, par exemple imaginons qu'il accueille M. Preskovic à la porte au début du film, et que le comédien dise "Je m'appelle Monsieur Preskovic" au lieu de dire :" Je m'appelle Radan Preskovic" (réplique de nommage). Alors le jeu de mots tombe à l'eau. Le comédien qui lui donne la réplique, Thierry Lhermitte je crois, aura même intérêt à le supprimer, et à dire "Pas plus haut que le bord du verre". En effet, dire "Pas plus haut que le bord du verre, Radan", tomberait ici à l'eau.
La réplique de nommage doit être première. Mais pour celui qui écrit le script, c'est le besoin du jeu de mots, la nécessité que le jeu de mots ait un impact, qui contraint la réplique de nommage à exister avant lui. Donc le futur contraint le passé à exister. Il le conforme à ses besoins.
Fidèle à ma promesse de plonger le débat dans un cadre pratique, je vais prendre l'exemple suivant, lequel a pour objet de montrer, pour revenir aux courants de John Moullard, qu'en matière économique comme en tout, l'éducation est la porte de toutes les autres vertus, et cela parce qu'un autre courant veut qu'en matière de business, la prime est au mal.
Imaginons un restaurateur de Bayonne qui met à son menu des pibales. Comme plusieurs de ses confrères, il est victime de l'épuisement de matière première. La pibale vient à manquer, tuée par la surpêche et la pollution, comme tout ce que l'homme touche. Le restaurateur supprime donc la pibale de son menu, mais quelques mois plus tard, à sa grande surprise, ses confrères ont remis ce plat à succès dans leur carte.
Ses confrères se fournissent en civelles, alevins d'anguilles frauduleusement pêchés dans les estuaires plus au nord, et les font passer pour des pibales. Si le restaurateur consciencieux avait l'ombre d'une intention de renoncer à ce traffic, tout le corps social le pressera d'y céder. Les autres le font, il ne va pas rester seul dans son restaurant désert pendant que les autres se remplissent les poches, sa femme, ses enfants, ses amis, le percepteur et d'autres s'emploieront à le faire revenir sur sa décision : lui aussi fera du trafic, il n'a pas le choix.
Il y en a un qui a le choix, c'est le consommateur. Si on l'avait éduqué à distinguer les goûts, si on l'avait éduqué à se renseigner sur ce qu'il mange, il aurait été chez le restaurateur honnête, qui aurait été récompensé de son attitude.
La morale de cette minuscule histoire est que le pouvoir de décision et de changement n'est pas donné à ceux qu'on pense, mais qu'il est dans les mains de ceux au bénéfice de qui ce service est organisé. Plus les clients des restaurants seront éduqués en gastronomie, plus ils permettront aux restaurateurs un exercice sophistiqué de leur métier. Bien.
Nous allons maintenant passer à l'échelle au-dessus, ou plutôt en dessous. Car souvenons-nous que tout n'est qu'une question d'échelle. Si vous raisonnez en termes de santé publique, vous tiendrez pour une assistance au décès plutôt précoce, de façon à libérer les ressources de la planète pour les jeunes générations, sans compter les innombrables autres motifs. Maintenant si on vous tend le couteau et qu'on vous dit :" Be my guest, massacre les premiers", et qu'il vous faut maintenant choisir une personne à tuer de sang-froid, vous allez avoir du mal. Vous avez changé d'échelle, vous êtes passés de l'échelle "vue satellite", à l'échelle "pieds sur terre".
Donc reprenons l'exemple de notre restaurateur, mais à une grande échelle. Nous allons considérer la Révolution Française, puis la WWII.
Imaginez qu'on vous demande d'établir un plan pour faire en sorte que la Révolution Française n'arrive pas. Vous devez produire une liste d'actions qui seront exécutées selon vos ordres : untel fait ci, un autre ne fait pas ce qu'il a fait, etc. On embauche ensuite des figurants, on rejoue le scénario selon votre script, et on voit si vous parvenez à éviter le bain de sang.
Il est vraisemblable que vous allez vous effondrez sous le poids de la combinatoire des actions. En effet, si vous modifiez une journée d'un acteur, il faut modifier non seulement, et de façon cohérente, l'emploi du temps de tous les gens rencontrés par lui ce jour là, mais encore les actions de la veille non prolongées, les actions du lendemain non mises en route etc. Et donc modifier l'emploi du temps de la veille pour les gens rencontrés ce jour là, bref, il est peu probable que vous finissiez la première journée du premier acteur.
Et d'ailleurs, quand la situeriez-vous ? Quel jour décideriez-vous de commencer à modifier les évènements ? Et pour qui ?
Par qui commencer, le matin de ce jour, quelle action ne pas lui faire faire pour empêcher la Révolution ?
Prenons maintenant le même exemple avec WWII. Vous devez empêcher cette guerre de se produire, et donc lister toutes les actions que les gens feront au lieu de celles qu'ils ont faites. Empêchez-vous le père et la mère de Hitler de se rencontrer, par exemple ? Pas facile, il faut modifier tout un tas de choses...
Alors comment expliquez-vous, et j'en viens là à mon point principal, comment expliquez-vous qu'en ce qui concerne la situation actuelle du monde, chacun ait un avis sur qui doit faire quoi pour éviter les catastrophes à venir ?
Comment expliquez-vous qu'on étale aisément sur la table qu'il est impossible à un restaurateur de changer sa carte, qu'il est hors de vue de changer quoi que ce soit aux événements passés en raison d'une intrication indémêlable de tous les acteurs et de tous les facteurs, mais que tout le monde ait un avis simple sur ce qu'il faudrait faire aujourd'hui ?
Je vous laisse méditer là-dessus, sachant que la clé, c'est l'échelle. Plus on éduque les citoyens, plus on donne à une société les moyens de partager des clés à une large échelle. J'y reviendrai.
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