Le thème du torchon se poursuit, je suis cernée de torchons, je mourrai étouffée sous les torchons, comme disait Boris Vian. Mais bon, maintenant que je me suis débarrassée de la militante alter-mondialiste, on va pouvoir revenir à des choses sérieuses.
Et notamment, donc la suite de cela. Enfin, la suite, pas vraiment, disons un corollaire. Vous pouvez ricaner tout ce que vous voulez, mais malgré la faiblesse de mon échantillon, je suis frappée par la " convenance " (Foucault) chez un même sujet de signes émanant de son thème astral d'une part, et d'autre part de ses petites manies psychiques.
Pour prendre un exemple, chez certaine native du signe des Gémeaux, comment une souplesse diplomatique poussée un peu loin, conduisant à tout accepter de l'autre, et parfois un peu trop, se fond harmonieusement dans certaines attitudes à caractère névrotique. Et ce n'est pas la première fois que je remarque cette congruence, comme si les tendances du thème de naissance venaient " à la rescousse", pour le dire par antiphrase, des difficultés que le sujet subit du fait des stratégies de défense mises en place.
Bien sûr, vous vous doutez de l'énormité de la sauvagerie de ce que je dis là, et pourquoi elle me rend perplexe. C'est qu'elle fait convenir des choses qui ont toujours été associées à deux ordres radicalement différents.
D'une part l'ordre de la problématique de la contingence, de ses accessoires transcendants ou immanents, et disons de l'ordre ce qui pour nous être extérieur, pourrait ne pas être, ou être, mais qui en tout cas ne concerne pas les interactions de notre vie propre. Les étoiles sont là-haut, et si nous naissons à telle date, nous en subissons l'influence au sein d'une histoire " passive" : notre vie se déroule "sur fonds de" , l'Histoire, le calendrier etc.
Même si l'astrologie admet une influence, il s'agit de choses qui " pèsent ". Il faut " faire avec", mais elles ne sauraient consolider les événements de notre histoire personnelle (le fait que notre mère a eu des problèmes avec sa mère).
D'autre part, l'ordre de la partie de billard qui se joue sur Terre durant notre vie. Ici-bas, nous sommes bousculés par d'autres billes, qui nous veulent ceci ou cela, qui sont eux aussi pris dans leur histoire, qui ont tel intérêt personnel, etc. Face à ce qui advient, nous développons des stratégies de défense, au sens de la protection, qui nous permettent d'amortir les chocs en représentant les motivations des autres danseurs, à fin d'essayer de livrer nos gènes à la postérité.
Mais la bataille livrée sur scène ne saurait interagir avec le décor cosmique qui sert de toile de fonds à l'empoignade. Comment affirmer que telle stratégie que nous développons serait influencée par notre date de naissance, inscrite dans une autre histoire, comment supposer que les tendances de notre thème astral préparent le terrain à une " nature " qui se comportera selon ces traits de caractère ?
Il y a un regard qui rend la chose moins compliquée à admettre, qui la fait progresser sur l'échelle des possibles, c'est justement que le passé soit tiré par le futur. Je m'explique.
Imaginez que le temps soit une force qui tire le monde dans le sens de la flèche rouge vers le futur. Le destin tire bien le monde vers un état qui lui sera, nous semble-t-il, plus " évolué", mais il n'y a pas de sens absolu de cette évolution). Vous êtes la tirette de la fermeture, vous êtes le présent. La partie ouverte en V est le passé. Lorsque le temps passe, il ne fait qu'accomplir un futur qui doit advenir. C'est le passé qui n'est pas encore certain. Mais plus le temps passe, plus le passé devient certain.
Les plus importantes sont les flèches vertes. Le passé s'accomplit inexorablement parcequ'il est informé par le futur.
" Le passé s'accomplit inexorablement", cela veut dire que les événements divers qui composent le passé vont se rapprocher spatialement. Les voitures qui composent l'accident que vous aurez demain sont inexorablement en train de se rapprocher l'une de l'autre au carrefour.
Ainsi, par ce que vous êtes née, c'est la rencontre de vos parents qui devient un événement nécessaire (aussi appelé " certain " dans la gamme des possibles). Un événement certain, en fait pas tout à fait, mais du moins très proche dans le domaine du possible. Car pour que vous existiez, il faut que les deux brins de la fermeture soient très proches.
Mais on pourrait dire aussi " pour ce que vous existez ". Pour ce que vous existez, il suffit que les brins soient très proches.
Je sais ce n'est pas très gentil, mais c'est comme ça.
Le plus proche de vous dans le passé, donc quasiment " accompli". Pourquoi ? Il faut que vos enfants naissent, de quoi il s'en suit qu'il est nécessaire que vous existiez, donc vous existerez.
En revanche, le passé lointain est encore largement ouvert. Il faudra un jour qu'il s'accomplisse, parce que le futur en a besoin, mais c'est à la fin des temps, et il n'est pas sûr qu'elle advienne (1).
Ainsi il ne faut pas lire " Comment le fait que je sois née tel jour peut-il avoir un lien quelconque avec le fait que ma mère ait eu des problèmes avec sa mère ? ". Il faut lire " C'est parce qu'il fallait que les deux choses convergeassent, et se soutinssent", que les deux évènements passés, distincts en apparence, comme en réalité, vont converger.
C'est comme si au lieu de lire :" Après qu'on eût inventé le whisky et le coca-cola, cette présence a permis la contingence du whisky-coca", on lisait " puisqu'il fallait que le cocktail existât, peu importe la probabilité d'apparition des deux évènements indépendants, ils seront là dans le passé, nonobstant leur apparente décorrélation".
Alors vous allez me dire, mais si le futur est écrit, nous n'avons aucune liberté. Oui et non. Alors là, accrochez-vous on change de braquet, mes biquets, va falloir vous faire craquer un peu les neurones. Donc oui, nous avons de la liberté, mais non, ça n'a aucune incidence sur le futur.
Il y a un regard qui rend la chose moins compliquée à admettre, c'est que les deux histoires ne se déroulent pas dans le même niveau de fiction.
C'est à dire que ce qui est important pour votre niveau de fiction, c'est que telle personne meure. Mais qu'elle meure de maladie ou dans un accident de voiture, peu importe. Ce qui aura des conséquences réelles, c'est le fait que sa femme se remariera, et que telle personne naîtra.
Ainsi les personnes ont la liberté de prendre des médicaments, ou de faire réparer leur voiture, peu importe. Comme il faut qu'elles meurent, cela se produira autrement.
Imaginez par exemple une partie de Cluedo. Que le Colonel Moutarde tue je ne sais qui avec la matraque dans je ne sais quelle pièce, au niveau de la vie du Colonel Moutarde, c'est très important, et il a la liberté de le faire ou de ne pas le faire.
En revanche, sur le plan des joueurs de la partie de Cluedo, cela n'a aucune importance. Au niveau de la vie des joueurs, la seule conséquence importante, c'est que j'aie gagné cette partie, donc je me sens bien, donc je drague untel, qui devient mon mari, donc nous avons des enfants etc.
Le fait signifiant, au niveau des joueurs, c'est que j'ai gagné la partie, c'est ça qu'il fallait qu'il advînt. Que ce soit avec le moyen de, ou " par" tel jeu, peu importe. Par lui, avec lui et en lui...
Donc, vous Colonel Moutarde, vous pouvez toujours agiter votre matraque dans les caves, vous avez toute liberté de le faire, et cela changera réellement le cours des choses et du futur, mais dans futur qui est advenu dans un plan sans conséquence. Ce qui importe, c'est que votre coup de matraque a permis à une joueuse de gagner, là-haut.
Maintenant, pour rendre cela plus amusant à admettre, on peut imaginer que le Colonel Moutarde du haut et du bas parviennent, au fil des parties, à avoir quelque accointance. Et on peut imaginer qu'à la fin, quelques joueurs particulièrement avisés distribuent ici et là des coups d'archet sublimes, que personne ne comprend, mais qui font arriver de redoutables histoires d'amour.
Bien, je crois que je vous en ai assez délivré pour aujourd'hui, au niveau foie, je vais encore me faire gronder, donc je m'en retourne à mes pions. C'est que j'ai une partie en cours, moi aussi, figurez-vous.
(1). Cela ma rappelle mon modèle des " circular files " en informatique. Bon. Là c'est trop compliqué, le saut n'est plus possible, mais tant pis, allons-y.
D'abord il faudra aller lire dès que ce sera paru ce billet sur le sainfoin, et ensuite, vous allez me dire que tout cela ne tient qu'à la condition que le destin global soit quelque chose de commun à tous les destins, même compte tenu de la réduction combinatoire liée au faits des conséquences " qui ne comptent pas".
Je le redis d'une autre façon. Imaginez que je vous dise que vous êtes enfermé dans une bouteille thermos, notoirement constituée de miroirs. Vous êtes donc à l'intérieur d'un cylindre en miroir. Le monde que vous voyez est une projection de vos fantasmes. Les mouvements des autres sont gérés par des intentions que vous leur attribuez, les demandes à votre égard sont des constructions internes que vous introjectez comme venant de l'extérieur, en fait du miroir.
Bien. Il ne reste plus personne ? Normal. S'il restait une personne sensée dans la salle, elle devrait me répondre : Certes, mais vous niez là l'intersubjectivité absolue, de l'autre, qui un jour viendra vous assommer par derrière pour vous voler.
Exact. C'est pourquoi il faut rajouter une condition, qui rend la chose inconcevable à un esprit humain, c'est que tous les scénarios individuels sont compatibles avec un scénario global où les ont leur place. Les images projetées dans chacune des salles individuelles sont cohérentes entre elles. Les films sont raccord.
Si je lève le bras inopinément de ma pure volonté, vous me verrez lever le bras, sans que cela empêche que l'image de mon bras se levant dans votre miroir ne reste intégralement une projection de votre part. C'est comme deux voitures à un carrefour, filmées par une caméra de surveillance. Le film de leur " convenance " n'existe que sur la caméra au niveau supérieur. Chacun d'eux ne voit que le film de l'autre voiture tournant, et se perçoit comme le centre du miroir. Ce qu'il est.
Mais l'indépendance de leurs trajectoires, leurs " libertés individuelles " sont préservées au sein de chacun des espaces qui est le leur. Il n'y a qu'au niveau de la caméra de surveillance que la difficulté à mettre en place l'intersubjectivité apparaît, puisque c'est seulement à ce niveau que sa " synchronicité " a lieu.
La complexité à mettre en place est inconcevable. C'est comme imaginer que toutes les circonférences des cercles constituant une sphère coulissent les uns par rapport aux autres, et que l'image de la surface des continents soit préservée.
Mais guère plus que le cross-cap, en fait. Bien, sur ce, bonne nuit.
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