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mardi 26 janvier 2016

De la distance de soi aux autres III (énergie psychique absorbée dans le conflit)

Cet article fait suite à celui-ci, qui creusait la question de l'incidence sur la représentation de la réalité dans sa dimension sociale, en particulier dans l'impact sur la soumission à la loi.

Il n'y a d'ailleurs pas, dans le domaine anthropologique, de soumission à la loi, il n'y a que l'oppression du plus fort, qui ne laisse pas d'autre choix. La soumission est en effet, pathologique en dehors d'un tel cadre, c'est une évidence.

Mais restons festifs tant que nous ne sommes pas derrière les barreaux, ça s'arrose.

Je me situe bien à l'intérieur du conflit énoncé par Freud, mais non pas le conflit entre le ça et le moi, pas plus que dans les relations entre le surmoi et le moi. Je suis plutôt sur la frontière créée par deux zones, celle de ce qui est perçu comme réel et ce qui ne l'est pas, au sens qu'elle est la frontière du déni. Et ce qui est rejeté dans le déni ne peut entraîner ni adhésion, ni empathie, ni construction, il n'existe pas.(1)

C'est à dire : la frontière du réel ne peut être autre pour moi que la frontière que ma psyché lui assigne, et cette frontière correspond à celle du " hors-soi". Les échanges au niveau de cette frontière sont réglés par les mécanismes du langage. Lesquels disent " ce qui est vrai".

" Il est vrai que la frontière de la réalité est ici " veut dire : " Ce qui en deça de cette frontière (en moi), c'est moi qui en décide, ce qui est au delà de cette frontière (du côté des autres), c'est eux qui en décident, en en définissant les contours par l'instrument qu'est l'énonciation de la loi. "

C'est d'ailleurs une manœuvre courante que de déplacer les bornes d'une frontière ou d'un cadastre pour faire tomber la portion de territoire ainsi délimitée sous ma juridiction, et ma juridiction fait que sera redéfinie la réalité de ce territoire, à travers le langage qui définit les liens qui relient les " acteurs " de cette réalité (ou plutôt les marionnettes, les comédiens, que je manipule sur la scène intérieure et qui ont les costumes des personnages de la réalité extérieure)

Il suffit que le déplacement de cette frontière soit opéré inconsciemment et c'est toute une portion de la réalité qui tombe de facto " sous le coup " (de la loi, qui met "en coupe réglée") d'un autre langage qui la réorganise.
Alors que les autres, qui, n'ayant pas repéré le déplacement opéré par le sujet (autre pour eux), pensent que la frontière est toujours le long de l'ancien parcours, et donc la portion de réalité  de jure " sous le coup " d'une autre législation.

Avant de repartir sur un autre exemple, disons l'idée semble donc acceptable que, tant qu'on ne se sera pas mis d'accord sur la réalité, inutile d'attendre une société en paix, et ressassons une dernière fois le cadre d'exercice de ce conflit.

Pour rebondir encore et circonscrire la chose, prenons par exemple trois type de consignes : " le feu rouge ", " les chasseurs ", et " le salut aux mouches".

Pour ce qui est du feu rouge, il vous semblera évident que je m'y conforme par raison. Il semble préférable de passer alternativement au carrefour, que tous ensemble. Pourtant, il suffit d'avoir voyagé dans quelques pays pour réaliser que c'est culturel, comme choix.

Et que donc ce qui pousse les gens à s'arrêter au feu rouge. peut être relié à " l'efficacité personnelle perçue", vecteur du changement psychothérapeutique. Cette idée est proche de la théorie de Martin Seligman (1975) et sa " learnt helplessness" ( " résignation acquise, ou mieux " impuissance apprise") : en situation de non-contrôle, le sujet finit par réagir selon trois dimensions :
  • Une difficulté progressive à faire le lien entre les actions et leur conséquences
  • Une forte diminution de la motivation
  • Une augmentation des sentiments liés à la " déprime".

Ainsi, l'impuissance apprise, et la perte d'efficacité personnelle mèneraient à quelque chose de l'ordre de la psychopathologie (stress, anxiété, dépression). Le changement psychothérapeutique ne peut s'opérer que lorsque le sujet se pose à nouveau dans une certaine attente de résultats.

En d'autres termes, soigner les populations consiste pour partie à leur apprendre à cesser d'obéir. On les a en effet amenés à cet état d'impuissance apprise. Pour cela il a fallu les amener à déprimer, à perdre tout espoir de contrôle de leur vie et de leur avenir.
Soumis, parce que résignés à l'idée que de toute façon, " c'est comme ça, on n'y peut rien", ils voteront pour n'importe quel parti fantoche et seront d'autant mieux contrôlés par les media qu'on veillera à leur fournir via l'allocation de rentrée, de quoi acheter un nouveau téléviseur grand écran (la captation de l'espace visuel et sonore favorise l'hypnose)

De plus, une fois cet état dépressif acquis par l'appareil de pouvoir politico-médiatique, la collectivité est plongée dans une apathie entretenue par l'hébétude de chaque individu.

Elle ne se réveille plus que " sur ordre " de l'hypnotiseur, quand il claque des doigts pour lui ordonner de se rassembler place de la Bastille, armé de bons sentiments seulement bien sûr. Pour les autres, ce sera la matraque, comme d'ab.

Le travail psychothérapeutique de réveil et de reprise de soi ne peut plus s'engager, puisque le patient n'attend plus rien. Il ira se cogner la tête dans le labyrinthe des jeux vidéo, où lui seront offertes éternellement de nouvelles vies virtuelles.

Bien, revenons au feu rouge, qu'on peut à ce détail près considérer comme le canon de la consigne appartenant à une réalité commune. Je me garderai bien de créer une notion du genre MCSR, la " Most Common Shared Reality", dont nos amis anglo-saxons sont friands, mais qui gèle encore la pensée. Disons donc, une zone de réalité " suffisamment bien partagée."

Prenons maintenant l'exemple des chasseurs. Ces individus semblent se conformer à la loi. Pourtant, les lois qui leur délivrent permis légal de tuer des animaux moyennant finances fait qu'ils se permettent, par là-même, de tuer des animaux.

Et là pour moi il y a hiatus entre la loi et la réalité. Penser qu'une loi, fut-elle de la République, permet, parce que le texte en fut écrit sur du papier, légitime de tuer un être vivant me semble relever de l'appartenance à une réalité psychotique délirante (2)

Ce sont les gens qui respectent la loi, qui me semblent eux-mêmes iniques et dépravés, comme vous paraissent toujours ceux qui violent ces lois naturelles qui nous semblent sous-tendre les lois des hommes, ou du moins devraient. Il me semble relever de l'assistance à personne en danger que d'aider un animal en position de légitime défense, en faisant subir au chasseur avec son fusil des actes que même la morale réprouve.

La personne qui vit dans une réalité où il est normal de tuer des animaux pour son plaisir me semble atteinte de troubles graves, sa vision de la réalité me semble pathologique, et les lois qui lui donnent le droit de passage à l'acte de cette pathologie me semblent iniques.

Venons-en au troisième volet, le " salut aux mouches". Le salut au mouches est l'obligation de saluer chaque mouche que vous rencontrez, et ce en vous déshabillant. Imaginez qu'une loi vous contraigne à appliquer ces trois consignes : s'arrêter au feu rouge, tuer des animaux avec un fusil dès que possible, saluer les mouches tout le temps.

Il est évident qu'il existe un gradient de " politically correct", du premier exemple (le feu rouge FR) au troisième (le salut aux mouches SM), le second du chasseur psychopathe étant sujet à débat (CP).

Nous avons un gradient " d'évidence " (la loi colle à la réalité) : FR ---------> CP -------> SM

Imaginez maintenant une personne qui vive dans une réalité où le gradient est inverse, une planète exotique où il est impératif de saluer les mouches, de bon ton de massacrer des animaux innocents, et si le coeur vous en dit, vous arrêter au feu rouge.

SM ---------> CP -------> FR

Chacun voyant midi à sa porte, vous allez " vous retrouver " avec cette personne sur la zone médiane, celle où on massacre les animaux innocents si bon vous semble, il suffit de payer un peu.

Sauf que si vous allez vivre sur sa planète, vous serez arrêté pour défaut de salut aux mouches, et vous serez regardé de travers parce que vous ne transpercez pas assez le ventre des animaux avec un fusil le dimanche. Sans compter votre voiture écrasée à l'arrière.

Et il reste que, à moins que vous prétendiez connaître parfaitement l'économie générale de l'univers, vous ne pouvez pas être sûr qu'il n'est pas plus important de saluer les mouches que d'encombrer plus longtemps encore les maisons de retraite de la planète Terre.

Voilà un petit exemple pour vous montrer que tant que vous n'avez pas convaincu une personne d'adhérer à la même réalité que vous, il est vain d'espérer obtenir une société harmonieuse. Et que la décision qu'une réalité " vaut mieux " qu'une autre relève au mieux du consensus, au pire de l'orgueil.

On pourra aussi se référer utilement à cet article, qui borne les choses du côté de l'expression de l'oppression, si j'ose  me permettre cette métaphore zythologique. Puisqu'en effet, ce qui est réalité passe par la représentation du langage (sans que l'originaire et le primaire au sens d'Aulagnier ne soient effacés), nous sommes bien dans la question de l'aire du JE.

On en revient là aux Fleurs de Tarbes. Si  à quelqu'un qui vous parle de patrie, d'honneur, de devoir, on répond " Tout cela ne sont que des mots", et que l'autre répond " Pour vous peut-être", nous avons d'un côté des convictions intérieures qui emporteront engagement par adhésion volontaire, et non par contrainte.

De l'autre côté, nous aurons une personne qui pourra se plier temporairement pour ne pas avoir d'ennuis, mais qui désertera à la première occasion. Les illusions d'autrefois ne fonctionnent plus, non pas par ce que le surmoi est devenu impuissant, mais parce que ce dernier ne peut étendre son emprise (mordre) que sur une extrémité de la partie de la réalité, bien ou mal, mais intégrée à la représentation psychique, non à ce qui en est rejeté à l'extérieur.



Pour enfoncer le clou, vous pouvez édicter en 2016 une loi qui interdit de franchir les frontières de la Neustrie, elle aura peu de chance d'être respectée. Et ce pour la raison que des milliers de gens violent tous les jours cette loi en franchissant sans le savoir les frontières de la Neustrie. La Neustrie n'appartenant pas à leur réalité, ils n'ont pas conscience d'en franchir les frontières. Et tant qu'elle n'existera pas à leurs yeux, vous aurez des émeutes bien avant que votre loi ne soit appliquée, ces émeutes seront le signe que vous aurez tenté de moraliser quelque chose qui n'est pas perçu.  Une loi qui ne porte pas sur une réalité consciente ne peut être appliquée, parce qu'elle ne sera pas comprise, parce qu'elle ne sera pas lue, aussi peu que si elle était écrite en sanscrit. (On peut dire inversement, que la loi dessine le contour de la réalité perçue par la culture à laquelle elle s'applique, en pointillés (3))

Les gens  peuvent faire semblant de se plier à la loi, mais quand je dis ils " déserteront " à la première occasion, c'est que sans même le savoir ils frauderont. Ainsi le " malade " fautera et refautera car on lui propose des frontières qui n'existe pas dans sa réalité.

L'homme d'aujourd'hui ne " croit pas ", ou plus, à la patrie, cette dernière est devenue " patrie", un mot retombé dans la marmite des suites de lettres sans saveur. Je vous invite bien sûr également à suivre les travaux de la Vilaine Guillemette pour avoir une idée du sous-bassement linguistique de mes élucubrations constitutionnelles.

On s'est fort réjoui en un temps que les gens ne souhaitassent plus mourir pour Dieu, avant de réaliser plus récemment que de pauvres gens étaient encore accablés de cette manie. Mais c'est exactement la même carence qui va toucher l'adhésion du citoyen à la société, et ce n'est pas parce que cette dernière se taxe de démocratique que cela va arranger grand chose.

On peut certes profiter au maximum des sursauts des quelques jours qui suivent les attentats, qui ressoudent un peu le corps social, pour faire passer en catastrophe plus de coercition encore dans les lois, mais c'est comme le post-it, ça a ses limites, comme procédé, de tenter de recoller la société en lui tapant dessus chaque fois qu'elle se décolle.

C'est pourquoi je pense d'utilité publique de tenter de penser des choses plus pérennes. C'est à dire revenir au gré à gré dont je parlais précédemment. Le gré à gré, c'est discuter sur les bases d'une "réalité" qui se discute.

Il faut admettre l'idée qu'exiger de quelqu'un qu'il se comporte conformément à une réalité imposée, et non pas conformément à une réalité qu'il partage est une violence faite à l'individu. Que cette violence engendrera en retour une violence de non-acceptation difficile à juguler, et dont les coûts sociaux sont masqués parce que cette façon inégalitaire de conduire la société profite à une classe qui fait perdurer ce système.

Il faut admettre que toute réalité non discutée, non adoptée par l'autre est une réalité psychotique qu'on cherche à imposer à l'autre, exactement ce que les sectes imposent à leurs membres en détresse psychique, y compris les enfants. Il faut admettre que l'imposer de force à ceux qui souhaitent la remettre en question est un viol.

Il faut admettre que pour aller vers une société plus harmonieuse, on doit cesser de violer de façon répétée un certain nombre de ses membres, afin qu'ils acceptent la vision que voudrait leur imposer une classe minoritaire de la société.

Bien que cette oppression perdure depuis des millénaires, et qu'il est vraisemblable qu'elle perdurera encore longtemps,  par la bonté même des victimes, qui préfèrent la paix de leur asservissement à la guerre de la liberté, tout ce que j'écris restera lettre morte. Mais peu importe, les choses ne peuvent aller que dans le bon sens, et je vais m'autoriser de cette forte parole pour proposer mes petites recettes.

L'idée est donc de tester, sur un individu, la sensibilité à la réception, puis l'acceptation par cette personne d'une réalité construite par autrui et proposée, voire imposée de l'extérieur.

Ceci se base sur l'idée que la réalité construite par autrui arrive avec armes et bagages, comme un invité " m'as-tu-vu " dans un hôtel. Il s'agit de sentir si la personne va développer une contre-poussée importante à cette irruption puis à cette pression, et comment elle va gérer le conflit.

On peut schématiser grossièrement les deux extrêmes des comportements possibles. Soit la personne est en recherche de structuration totale, et elle va adhérer, fascinée, à cette structuration " pain béni " qui lui vient de l'extérieur, identification. C'est une des figures paroxystiques du stagiaire qui idéalise son maître : il laisse l'intrus envahir tout l'hôtel, fasciné par tant d'aisance et ce déploiement de superbe qui lui fait tant défaut, allant jusqu'à offrir sa misérable chambre à l'effronté qui a déjà annexé les meilleures suite pour y loger son personnel.

A l'autre extrémité, la personne se hérisse devant l'intrus, et selon sa combativité, elle entre en conflit de pouvoir avec elle ou s'enfuit pour lui laisser la place. On a le self-made man, rétif à l'adoption de toute règle qui lui semble une insupportable ingérence dans " sa façon de faire", parfois doublée d'une inquiétude de dépossession de ses secrets de fabrication.

Je passe bien entendu sur la palette des nuances intermédiaires.

Pour maîtriser un peu le déroulement de l'histoire, et c'est là que j'en viens à mon propos, on peut imaginer un scénario basé sur la création en art textile. C'est à dire qu'on va bâtir un jeu, un peu à la façon des séances du Gepalm, au cours duquel la poussée créatrice, venant de l'intérieur, va servir de support à la poussée personnelle, comme l'onde porteuse véhicule la modulation.

L'accompagnant va alors également organiser la poussée depuis l'extérieur. Ainsi en régulant le jeu entre les deux poussées, dans le but d'enregistrer le déplacement des frontières, va-t-elle repérer dans le comportement de l'accompagné, les signes d'adhésion et de résistance.

Il reste à supposer ensuite, mais c'est là un travail ultérieur travail d'évaluation de la qualité du modèle dans ce registre, que ces signes constituent un reflet fidèle du comportement plus général de l'individu concerné vis-à-vis des lois qui lui sont, ou seront, dans le cas des jeunes, imposées par la société.

Il reste aussi à tempérer ce que j'ai désigné par " maîtriser le déroulement de l'histoire". On ne part pas sur un terrain complètement vierge en matière de docilité, et même aussi tôt qu'en CE2, un enfant a déjà une longue histoire derrière lui quant à la gestion des contraintes qu'on lui impose.

Il reste qu'à cet âge, l'expérience en matière de création artistique reste en principe assez limitée. On a donc un champ d'investigation qui n'est pas trop encombré. Pas trop encombré, mais déjà bien structuré puisque les activités plastiques constituent à l'école et à la maison, et c'est heureux, une bonne part des activités réalisées par l'enfant. Il s'agira de le placer dans une dimension plus étoffée de ce champ, avec des statuts d'auteur et d'acteur plus importants.
Bien sûr, en avançant en âge, viendront s'ajouter toutes les couches bien connues de contrôle, d'inhibition, etc. qui dépendant largement du contexte social, familial et culturel de l'individu.

Il reste que je vois là un champ d'expériences immense, et des perspectives enthousiasmantes pour des profits individuels et collectifs, que je tenterai de préciser plus tard. Ce n'est pas tout de proposer un remède au mal identifié, encore faut-il annoncer les bénéfices qu'on en attend.

N'oublions pas qu'il ne s'agit pas d'évaluer le comportement face à loi, c'est à dire à une loi intégrée dans un équilibre de forces contradictoires " vu en face". Il s'agit de comprendre la manière qu'a la personne d'accueillir une réalité qui diffère de celle qu'elle a construite, et à l'intérieur de laquelle se joue déjà, dans un théâtre conscient, le jeu des résignations, des maintien du moi et des compromis. Il s'agit de comprendre par quels mécanismes est accueillie la légitimation de cette réalité extérieure qui se propose comme la réalité, alors qu'elle n'est que la projection d'une autre construction a priori étrangère à celle déjà en place.

Ce que le nouvel arrivant dans l'hôtel amène avec lui, c'est un système de légitimation extérieur de cette autre réalité, système qui on l'a vu, n'a pas de fondement réellement justifiable par autre chose qu'une auto-référence propre à cet extérieur, une fermeture qui emporte avec elle un refus de la remise en cause des prémisses et des axiomes, pour la bonne raison qu'ils ne sauraient ne pas être tautologiques.

C'est face à cette tautologie, à ce bloc d'altérité se présentant comme la  réalité, que va devoir se confronter la réalité déjà construite. Aucune des deux ne pourra abdiquer purement et simplement, sous peine d'aboutir à une des deux impasses que nous avons vues dans les précédents articles.

On ne peut pas chasser la réalité des autres de l'hôtel, elle y revient avec l'insistance des faits, au risque de manquer d'un projet de société. On ne peut pas non plus attendre une dissolution de la réalité en place, sous peine de détruire l'individu, d'obtenir une société d'hôtels désertés de ses habitants, d'où toute créativité aura disparu face à la réalité hégémonique de l'occupant.

Et la société ne survit que par la créativité des individus qui la composent.
Par quels mécanismes est-ce que je parviens à comprendre peu à peu cette " autre " réalité, cette "alter-réalité", à l'inscrire en moi, à l'ingérer pour la faire mienne et en recomposer mon vrai moi, voilà l'équilibre déjà largement en cours au moment où nous arrivons dans la vie de l'individu. Il est au travail depuis sa naissance.

La paix basée sur une apparente compliance pour faire lisse, pour faire " comme si" débouche, nous l'avons montré, sur les pires crimes, cela ne fonctionnera pas. Alors comment améliorer la compréhension mutuelle entre l'individu et la société, pour apporter dans chacun une meilleure harmonie ?
Non pas la suspension du conflit, le cessez-le-feu permanent et remis en question tous les jours, dont nous nous satisfaisons aujourd'hui, mais une vraie paix, qui ne sacrifie ni les nécessités de la vie en commun, ni les aspirations de chacun ?

Peut-on dire que la nature de cette apparence peut-être  analysée dans la façon dont elle se joue, et son caractère fictionnel décelé par l'analyse du langage appliqué à cette réalité ?

Je sais que les psychanalystes, autant que le commun des mortels :) le font depuis longtemps, et détectent la paranoia derrière le discours délirant. le discours présente la façon dont j'ai réorganisé la réalité, en un lieu où elle aurait dû être soumise au discours de l'assemblée, parce que j'ai pris les barrières et que j'ai déplacé la frontière.

Ce que je tente de définir, c'est dans quelle mesure l'art textile peut se prêter à cette analyse, comme tout langage artistique, un langage de l'à-côté ou Je se raconte. Mais peut-être pas tout à fait " comme les autres langages ".
Parce que l'art textile est éminemment un art " du soi vers l'autre ". Je ne vais pas alourdir avec ce point, j'y reviendrai.

C'est à dire comment on peut détecter à travers la pratique de l'art textile, le déplacement de ces frontières, et là nous sommes bien évidemment " avant " (temporellement et spatialement) l'apparition de la pathologie (4), tant il est vrai que nous professons que c'est strictement le même mécanisme de corrections qui est à l'oeuvre dans le cas réussi de l'équilibrage dynamique des mêmes forces en présence, que dans le cas de l'échec de cet équilibrage, et de la compensation du territoire ainsi ouvert (lors du déplacement des barrières) par le remplissage à l'aide du discours délirant.

Je pense que très tôt, bien avant l'apparition d'une pathologie définie comme telle, sont perceptibles dans la conservation de l'équilibre dynamique réduisant le conflit, les contradictions, les efforts entrepris par le sujet.
Je pense que la pratique orientée des arts textiles permet de " faire parler ", de " laisser affleurer" les tensions à l'oeuvre.

Et ceci à un moment de la vie où ce conflit ne génère pas encore trop de souffrance pour le sujet, où il ne va pas le pousser à des actes douloureux sur lui-même ou sur son entourage.

Détectées tôt, ces oppositions qui sont néanmoins éprouvantes pour le sujet, et peuvent être épuisantes, parce qu'elles absorbent beaucoup d'énergie psychique, ont alors une chance d'être mises au jour, avec possibilité d'apparition à la conscience, de distanciation, d'objectivation et de mise en mots, ouvrant ainsi la voie à un apaisement du conflit.

Je vais essayer de montrer (et , au préalable, de trouver :) comment la pratique des arts textiles peut constituer un outil pour aider ce travail à se passer au mieux pour l'épanouissement de chacun et le mieux-être du tous.

Je sais que j'ai mis quelques pages à exposer cela, mais je pense que c'est un point de départ important.

(1) Ceci suppose que l'intériorisation de la loi ne puisse avoir prise (en tant qu'outil d'auto-coercition) sur la partie perçue comme réelle de ce que le moi enfreindrait, ce dont je ne suis pas sûre, bien que cela me semble assez intuitif. Mon surmoi peut-il tenter d'inciter mon moi à se restreindre l'accès à une zone, qui pour ne pas être perçue comme réelle... ( préalable à ce qui pourrait être intégré dans le territoire de l'interdit) est déjà par essence, inaccessible ?


(2) Je répéterai jusqu'à l'événement qui surviendra le premier, ma mort, ou bien que des avocats se saisissent sérieusement de cette question...

Cette question, c'est qu'on ne saurait accorder droit sur ce qui ne vous appartient pas. Or il me semble que la vie des animaux du territoire n'appartient pas à la commune. Il me semble que la commune n'a pas acheté les droits de supprimer une vie qu'elle n'a pas créée, ces droits ne lui ont pas été cédés à titre gratuit, elle n'en a pas hérité, je ne vois pas en vertu de quel titre de propriété elle les vend ou les négocie.

(3) C'est pour cela que la Loi est bien écrite par les autres, pour les autres, pour d'autres qui ne seront jamais un moi. La Loi ne peut pas être écrite " pour moi". D'où la tentative avortée que j'avais esquissée, et je fais toujours un appel aux juristes, même si je commence à deviner la réponse : La Loi ne peut pas être soumise aux lois du discours, et en particulier du dialogue. Elle s'exprime par le langage mais constitue une exception en cela qu'elle viole une des conventions de l'usage du langage : elle n'est pas, contrairement à toutes les autres parties du langage, soumise à la remise en question du langage (alors que la loi divine le fut !).
Il n'y a pas de réponse au " pourquoi dois-je obéir à la loi ? ", parce que la seule réponse possible serait " parce que la personne qui a édicté les lois qui te sont applicables est plus forte que toi". Et qu'en démocratie, cette réponse n'est pas donnable.
Il n'y a pas de " justification " à la Loi et elle ne doit pas être soumise à justification. Elle peut être soumise à débat dans l'assemblée de tous, et avant, antérieurement à sa formulation, mais une fois promulguée, la loi ne peut plus être remise en question dans ses termes. Cela nous paraîtrait un non sens. Elle "force le langage", comme le reste du monde, à se plier à ses énoncés.
Il n'y a pas de réponse à " Pourquoi ne puis-je proposer ce plaisir à ta femme", s'adressant au père, puisque cette question ne peut pas avoir d'autre réponse que " parce que tu dois obéissance".
Admettons que de nos jours, étant donnés les moyens de contrôle de la conception, le risque de naissance consanguine est totalement écarté. Le tabou perdure au delà de tout support rationnel. Le conflit qui est risqué est en fait pire, puisqu'il concerne en réalité la circulation des femmes.
Du coup, il existe bien une question qui ne doit pas être posée (puisque la réponse est incorrecte) donc il existe une question qu'on ne doit pas poser.

Mais il y a bien quelqu'un qui incarne ce " on ", et à qui on ne dit pas que c'est à lui que s'adresse l'interdiction de poser la question, à qui on ne dit pas que le droit entier repose en fait sur cette interdiction.

C'est pour cela qu'on ne trouvera pas de réponse à ma question dans le droit, parce que la réponse qui devrait y figurer est " Tu ne dois pas poser cette question, et tu dois te taire sur cette interdiction".

Comme la pointe d'un casque est censée dévier tous les coups d'épée, de même ce point aveugle est celui dont on doit détourner tous les regards.

La raison en est que le plus fort n'a pas besoin de loi, il se sert. Tous les participants à  l'édifice social (professionnels de santé compris, puisque le reste est en prison, sont au service de cette norme qui consiste à faire admettre sans discussion de se soumettre à la loi sans discussion.

Alors que cette loi n'empêche pas la loi de la jungle, elle l'organise différemment, au profit d'autres classes que le plus musclé.

Pour ce faire, la loi réussit ces deux exploits d'emprunter jusqu'à la logique du discours, sans s'y plier, et de réduire chacun au silence au nom de l'intérêt de tous. 

Et le pire c'est qu'il doit en être ainsi, et il ne saurait en être autrement. La loi ne peut être soumise à la remise en question du sens d'un seul sous peine de voler en éclats depuis cette ligne de fracture. Puisque la définition de la loi est d'être le langage du sens de tous, celui qui se communique " à sens unique " depuis l'assemblée vers l'individu. C'est la frontière, commune à personne, et que chacun s'attend à trouver conscientisée chez l'autre de quelque manière, entre le soi et le hors-soi.

(4)  Je réitère mon appel aux psychothérapeutes intéressés pour donner une suite concernant le " pendant".

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