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mardi 29 janvier 2013

Chercher, oui, mais où ?

En regardant ceci, j'ai eu envie de commenter : " Gifted, but scary". Quelque chose comme : " Talented, mais déshumanisé".


Non, bien sûr, ce n'est pas un crime que de couvrir le visage d'une femme. Quoique, la masquer, en prétendant l'embellir, n'est-ce pas encore plus en faire un objet ?


Ou alors, l'objet n'est plus cela. Embellir n'est plus l'objet.


Est-ce qu'à partir d'un certain " niveau " de recherche, on est forcément "déshumanisé" ? Il ne s'agit pas là bien évidemment de hauteur, ni de qualité. Je pense plus à ces explorateurs qui partent sur les glaces vers le pôle. Au bout d'un moment, nécessairement, ils sont seuls.


Est-ce qu'à force de chercher plus loin, de chercher différent, on finit par ne plus se satisfaire du commun, on aiguise son appétit, on raffine ses désirs, on exige de l'exotique, du lointain ?



On finit nécessairement loin des autres, ou disons de beaucoup, proche des connaisseurs seulement. Ou alors non, il faut voir cela comme un cercle, un peu comme les cercles de Google.


Toutes les oeuvres sont à même distance d'un centre. Elles forment un cercle. Et chacun de nous, au cours de son cheminement de création, se déplace.

Et pour se déplacer, nous faisons tourner un pignon, qui entraîne les autres puisqu'il leur est connecté. Les autres s'éloignent de nous à mesure que nous nous rapprochons d'autres cercles.


Bien sûr c'est enfoncer une porte ouverte que de dire qu'en avançant dans le XXème siècle, en avançant vers aujourd'hui sur la ligne du temps, de dire de l'oeuvre qu'elle est avant tout personnelle définit de plus en plus une oeuvre.


Une brodeuse qui fait du point compté ne peut pas être reconnue à son style. A part le choix de la grille, dans certains cas, rien ne permet de la distinguer des autres. Dans le point compté, la créatrice s'efface au profit de l'oeuvre.


Elle se masque, aussi, derrière une grille.


Sur une création plus libre, on pourra reconnaître la créatrice, mais si on la connaît au préalable. Les courants ne sont pas encore dessinés dans le contemporain, pas encore nommés. On aura du mal à la situer.
Lorsqu'il s'agissait de trousseau, on savait que l'objet venait de telle tante. L'oeuvre était comme signée dans le cercle restreint de la famille.

Une oeuvre de plus en plus personnelle d'un côté, et de l'autre qui se coupe du créateur, du public, du mannequin, destinataire, qui les sépare les uns des autres.


Et pourtant, il me semble avoir entendu cela dans cette émission, le créateur ne parle que de soi. Je repense à Esther Ferrer, en particulier " Las Cosas", où elle se pose sur la tête successivement, une bougie, un casque militaire métallique, un chou, etc.


L'avantage de la vidéo est que j'ai pu voir cette performance en boucle. J'ai pu donc me plonger, passage après passage, dans son acte, et me rapprocher d'elle, comme le spectateur peut le faire quand elle recommence.

Jusqu'à, et c'est peut-être là une de ses raisons de faire, entrer en elle, en ce qu'elle est lorsqu'elle fait cela. Et c'est peut-être pour cette raison qu'elle fait ainsi, pour la raison qu'en récusant l'objet comme médiation, elle invite le spectateur à s'approcher au plus près du geste créatif, de sa genèse, sans l'intermédiaire de l'objet.


Et pourtant, c'est plein d'objets. Des objets de consommation, de guerre, et la bougie, symbole. Mais ils apparaissent tour à tour, conviés comme les accessoires au spectacle, comme acteurs aussi, mais finalement...

Peut-être pour cette raison, ailleurs, balise-t-elle l'espace, cette fois sans objet, avec son corps seul, qu'elle aura aussi mesuré.


Pourquoi pas alors la performance de créer le chapeau ? Aller vers le tissu, faire les gestes de le couper, de le coudre, de l'assembler. Un mannequin complice, qui défilerait... Le roi serait nu. Je ne sais pas...

1 commentaire:

  1. Pour ce qui est d'Esther Ferrer, le " tour à tour " est important. Plus ça va, plus je prends conscience de la place (importance) prise par la dimension synchronique dans son oeuvre.

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