" La photographie numérique est pourtant une photographie. Le temps du doute sur sa nature, exprimé au début du développement de l’image digitale, est révolu. La plupart des théoriciens n’estiment plus à juste titre que la distinction entre digital et analogique soit véritablement déterminante4. L’opinion selon laquelle seule l’image analogique maintiendrait un véritable index avec la réalité est caduque"
--- Fin de citation. Vous pouvez baisser le bras. Vous n'avez pas le choix, l'option est caduque. Veuillez cliquer sur la case que nous vous avons indiquée.
Dominer du mort, il y en a visiblement que ça excite. *
Désolée de ne pas faire partie de " la plupart", de braver le décret, mais je ne suis pas d'accord. Désolée de conserver une opinion que je préfère mienne et caduque.
Il ne s'agit pas d'analogique, mais de matériel, justement. L'image numérique n'est pas" immatérielle", toute image l'est par définition, par rapport à ce qu'elle représente. L'image numérique est échantillonnée, brisée, numérisée, hachée en bits. La frontière, toujours conservée optiquement, est découpée. Elle n'est plus une image, elle est une suite de bits, comme toute donnée informatique.
Il y avait toujours une fonction de continuité, un trajet identifiable entre le modèle de la photo et la surface argentique, un chemin du rayon à travers les lentilles. On secouait à un bout, ça remuait à l'autre.
Maintenant le lien est brisé, il y a une " interprétation " de la lumière et des couleurs, et une " recomposition de l'image" plusieurs fois avant même qu'on la voie dans le viseur, et elle sera encore réinterprétée plusieurs fois avant d'apparaître sur chaque écran.
Voir dans un récent numéro du journal La Décroissance la chronique sur le rétroviseur numérique, qui est un peu l'inverse : pour changer l'homme, interposons entre lui et le monde une réalité plus facile à gérer.
Je sais à quel point (Cf. Rizzolatti et les Neurones Miroirs chez Odile Jacob) l'image "perçue" a été bien avant d'avoir été " perçue par moi comme perçue", fragmentée, puis interprétée par le cerveau, mais tout de même. Ces circuits nous appartiennent en propre, ils ont grandi avec nous.
Autre passage :
" Le LoA ‘photographie brute’ de la définition correspond aux données image RAW dans le cas du numérique, au négatif dans le cas de l’argentique, à la plaque du daguerréotype, etc. Cette assimilation est reconnaissable jusque dans le vocabulaire récent de la photographie numérique où l’on tente de retrouver une expertise proche de celle du laboratoire argentique avec la notion de “développement” des fichiers RAW."
Sauf qu'un négatif ou une plaque, on voit l'image. Sur un fichier RAW, il faudra me faire la démonstration.
Adam Lister |
Evidemment, on est là dans un autre registre. La différence, on la sent ou on ne la sent pas. Si on ne la sent pas, si on ne la voit pas, alors oui, on peut affirmer qu'un fichier informatique maintient un véritable index avec la réalité. Le tout est de savoir laquelle.
Pour ma part, tant que je ne risque pas la déportation, je continuerai sur le papier. Mais j'avoue ne pas pouvoir justifier cette défiance épidermique que j'ai vis à vis du numérique. On pourrait me dire " Simplement parce que tu n'es pas née avec".
Dans un sens si justement, j'ai vécu le passage de la lampe au transistor, puis au chip et à la carte, de l'argentique au numérique. Certes je ne suis pas une " native numérique", mais cela me semble un peu simple comme explication.
Et dans un sens, non justement, ce qui me préserve plus de l'évidence béate de sa bénédiction, de l'irrésistible envie de lever le bras avec un filet de bave devant le " numérique", garantie de bonheur contenue dans le " mieux", c'est de ne pas être " née avec ", c'est d'avoir le recul nécessaire pour juger de ce que cela apporte... et de ce que cela enlève, ce que les plus jeunes ne peuvent pas savoir.
Parce qu'au fait, c'est quoi qu'on a perdu, c'est quoi cette saveur indéfinissable qui a disparu au passage, avec l'odeur des produits, l'ambiance, les lumières et les matières ? C'est aussi la visite chez le photographe, remplacé par le dialogue avec les machines. Ah, tiens, irruption de l'Autre.
C'est quoi qui disparaît lorsque les relations humaines disparaissent ? Faudra-t-il le perdre pour le comprendre ? Et comment saurons nous alors ?
Pourquoi ai-je systématiquement l'impression que le passage au numérique s'accompagne d'une perte d'âme ?
Est-ce parce qu'il s'accompagne systématiquement de cette injonction de ringardise qui consiste à ériger en principe l'interdiction de dénigrer le " progrès", quel que soit le sens de son mouvement ?
Comme s'il était interdit d'admettre qu'on s'est trompé, à la mesure de l'impossibilité de corriger l'erreur, caractéristique que ce phénomène partage avec le larsen.
Notre ego serait si bafoué d'admettre cette erreur qu'il s'emploie avec frénésie à empêcher tout retour en arrière, il justifie une erreur par la suivante pour disculper la précédente, mieux, pour la glorifier et lui donner une perspective. C'est ce que font les serial killers.
Mais vers où veut nous emmener ce mouvement? Car nous allons vers la connexion entre le biologique et la machine. Nous sommes sur le point d'effacer la distinction entre le vivant et les structures, entre le flou et le numérique, entre l'esprit et la matière, ou si l'on préfère, de relier les deux.
Mais je pense que nous devrions prendre quelques instants de réflexion avant que de tourner le bouton. Car le problème, c'est que personne ne nous demande notre avis. On nous amuse avec des disputes sur la famille untel qui se dispute, mais comment se fait-il que personne ne nous dit qui est en train de tourner ces boutons, et si c'est une seule personne , ou bien plusieurs.
Comment se fait-il que ces décisions et ces orientations tombent toujours comme des ordres ? Comment fait-il que personne d'entre nous ne participe à cette réflexion alors que chacun participe à sa mise en oeuvre, comme des robots ?
Pourquoi est-il interdit de réfléchir à ce qu'est cette chose si ténue et que nous détruisons sans savoir ce que c'est, sous les ordres d'une apparente nécessité, qui dicte chaque jour un peu plus l'obédience à la machine ?
Réfléchir à l'état dans lequel se trouve quelqu'un privé des moyens de recouvrer sa liberté. Et si cette liberté était celle de recréer une âme, de décider de son sort en serait-il de même ? L'option serait-elle aussi caduque ?
Si notre infini était justement contenu dans cette possibilité de finitude, si la liberté était dans le flou, dans la fracture ? Le flou numérique n'abordera jamais le flou réel, et c'est tant mieux. Parce que le flou réel, est, lui réversible par soi à tout instant.
Mais il peut s'interposer, privant définitivement le citoyen des moyens d'accès au réel, s'y substituant. Et là il y a un problème.
Laisser faire, c'est laisser l'un détruire l'autre, se laisser déposséder de la possibilité de reprendre...
Alors participer même au débat comme je le fais en tapant sur mes touches deviendrait criminel, la seule solution étant la pure passivité. Résister par l'immobilité, faire confiance à la destruction qui vient. Introduire le plus grand désordre possible, pour laisser à nouveau couler le flux du vivant.
Ai-je le choix de décider de la nature du lien qui me relie à la réalité ? Ai-je encore le droit de décider que ce lien ne sera pas numérique ? Ai-je encore le choix de préférer l'analogique ? Dans plein de domaines, c'est déjà aboli. Il faudrait veiller à préserver à cette possibilité quelque territoire.
Mais vers où veut nous emmener ce mouvement? Car nous allons vers la connexion entre le biologique et la machine. Nous sommes sur le point d'effacer la distinction entre le vivant et les structures, entre le flou et le numérique, entre l'esprit et la matière, ou si l'on préfère, de relier les deux.
Mais je pense que nous devrions prendre quelques instants de réflexion avant que de tourner le bouton. Car le problème, c'est que personne ne nous demande notre avis. On nous amuse avec des disputes sur la famille untel qui se dispute, mais comment se fait-il que personne ne nous dit qui est en train de tourner ces boutons, et si c'est une seule personne , ou bien plusieurs.
Comment se fait-il que ces décisions et ces orientations tombent toujours comme des ordres ? Comment fait-il que personne d'entre nous ne participe à cette réflexion alors que chacun participe à sa mise en oeuvre, comme des robots ?
Pourquoi est-il interdit de réfléchir à ce qu'est cette chose si ténue et que nous détruisons sans savoir ce que c'est, sous les ordres d'une apparente nécessité, qui dicte chaque jour un peu plus l'obédience à la machine ?
Réfléchir à l'état dans lequel se trouve quelqu'un privé des moyens de recouvrer sa liberté. Et si cette liberté était celle de recréer une âme, de décider de son sort en serait-il de même ? L'option serait-elle aussi caduque ?
Si notre infini était justement contenu dans cette possibilité de finitude, si la liberté était dans le flou, dans la fracture ? Le flou numérique n'abordera jamais le flou réel, et c'est tant mieux. Parce que le flou réel, est, lui réversible par soi à tout instant.
Mais il peut s'interposer, privant définitivement le citoyen des moyens d'accès au réel, s'y substituant. Et là il y a un problème.
Laisser faire, c'est laisser l'un détruire l'autre, se laisser déposséder de la possibilité de reprendre...
Alors participer même au débat comme je le fais en tapant sur mes touches deviendrait criminel, la seule solution étant la pure passivité. Résister par l'immobilité, faire confiance à la destruction qui vient. Introduire le plus grand désordre possible, pour laisser à nouveau couler le flux du vivant.
Ai-je le choix de décider de la nature du lien qui me relie à la réalité ? Ai-je encore le droit de décider que ce lien ne sera pas numérique ? Ai-je encore le choix de préférer l'analogique ? Dans plein de domaines, c'est déjà aboli. Il faudrait veiller à préserver à cette possibilité quelque territoire.
* D'ailleurs c'est marrant parce que rien n'intéresse tant ces fans du numérique que les forêts, les levers de soleil sur l'eau, les fleurs, les grenouilles, et les bâtiments des hôpitaux soviétiques désaffectés, c'est à dire le réel analogique que leur industrie est en train de tuer.
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