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dimanche 16 juin 2019

INVESTIRE, le magazine de l'ARE. Ut Photographia sic Theâter



This lot is part of Graduation Fundraising Auction by ’Push It To The Limit’, an international art collective of photography students from the Royal Academy of Art, The Hague (KABK). They are highly inquisitive, question relevant topics and use the medium of photography with its new possibilities and presentation forms to formulate a statement and position.


In July they will graduate from KABK with an exhibition show, where they will present you the future of contemporary photography. In order for the result to meet their dreams and expectations they want to raise extra funds for building up best presentations possible. Money raised in this auction will go to the funding of the exhibition.


Visit them from 5th till 11th of July at KABK in The Hague to see how they’ve invested your purchase, and follow the progress of their new work at Instagram @push_it_collective.

The auction is curated by Wim van Sinderen, senior curator and founding member of The Hague Museum of Photography.




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Fin de citation du site Catawiki.

Ah, ce bon vieux col roulé noir qui fait tellement senior curator..

On voit que la mise en spectacle (terme emprunté à zéro % à Jean-Pierre Voyer) de l'art se poursuit à belle allure : dès son plus jeune âge, l'artiste est invité à lever des fonds. Peu importe sa démarche le contenu, peu me chaut mon ami, du moment que vous savez intéresser les investisseurs, afin qu'ils voient en vous un produit rentable.

En effet, ce qu'on vous présente, ce ne sont pas des gens en recherche mais "le futur de la photographie contemporaine". Grâce à la mobilité 3.0, la convergence du web et le TGV, le futur est arrivé avant d'être parti : il est déjà là. Il est forcément parmi les poulains sur lesquels on va vous demander de miser. Le vainqueur du prix de l'Arc de Triomphe 2020 est forcément déjà sous les ordres du starter, il ne se baguenaude pas à mordiller quelque part sous les frondaisons, rassurez-vous, on n'ira pas le chercher ailleurs que chez ceux sur lesquels vous avez investi.

Ici en l'occurrence, ils lèvent des fonds pour financer leur expo. Lève des fonds et les banques te prêteront. Un mot du contenu tout de même, pour féliciter le rédacteur de la description du lot dont l'art consommé de la phrase creuse épouse à merveille le vide du contenu, elle l'épouse dans une étroite étreinte charnelle.


Mais une fois de plus on s'en fout éperdument. Expert Pierre, expert Paul, expert Jacques, expert Jacky le magnifique, le talent d'un artiste consiste à séduire les investisseurs.

Le plus drôle; c'est d'avoir pensé à intituler "push it to the limit" un tel ramassis de platitudes. C'est vrai qu'on est à la limite de la rupture. Ils arrivent à détourner les codes pour imiter à la perfection l'inutile nullité, à pasticher à hurler l'imbécile béance, c'est vraiment limite poubelle.


Sinon, ma fille benjamine présente demain soir, dans le cadre scolaire, la première d'une pièce de deux heures. Elle y tient l'un des rôles principaux. Elle a douze ans, et, de son propre aveu, ne sait pas son texte. Mais ce n'est pas grave, "parce qu'il y a des souffleurs cachés partout sur la scène. Et puis, les spectateurs, ils n'ont pas le texte, donc ils ne peuvent pas savoir si on se trompe ou pas".


Ce qui nous fournit une excellente transition avec l'article suivant.

Quand le bâtiment va...


Oui alors bonjour je vous remercie de me passer le micro. Alors ce serait pour faire une remarque sur la place tenue par les images d'urbanisation récente dans le cinéma italien d'après-guerre. En écoutant cette émission,

https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/pier-paolo-pasolini-44-la-tragedie-de-la-consommation 

, j'ai appris que l'Italie avait vécu différemment les "trente glorieuses" en ce que là-bas, le mouvement, à amplitude égale s'est produit de façon plus tardive, il a donc été plus violent.



 La pente du "miracle économique" fut raide.



Je crois que c'est avec L'Eclipse que bien évidemment, non pas je l'ai remarqué, mais qu'il est venu à ma conscience que depuis longtemps je le notais inconsciemment. Monica Vitti quitte un immeuble récent mais cossu pour un lotissement plus jeune, bruyant, et inhospitalier. Si ce n'est qu'heureusement, elle y a des amies qu'on hèle d'une fenêtre l'autre.



Et le lieu des retrouvailles quotidiennes des amants au début de leur liaison est précisément celui de cette charnière entre le lieu ancien de la ville "originelle" et le lieu moderne de la ville nouvelle, qui est une non-ville, ville vide où on se perd avec le chien, où les pas résonnent dans le vide dur des échos du béton, comme chez Tati :




le quartier, et ses avenues aussi nouvellement qu'impeccablement tracées, s'oppose au fouillis séculaire du vieux quartier de la Bourse, de l'appartement des parents d'Alain Delon.


Si la voiture permet de relier ces endroits, elle finit admirée mais noyée ici, et à l'inverse tue dans le Fanfaron, non sans avoir fait son œuvre. Dès les premières images du film, Gassmann cueille Trintignant dans un quartier où on ne peut que s'ennuyer à mourir, mais où la voiture est indispensable à la survie (les magasins sont à l'autre bout du monde).



"Viens", dit le pneu,"Avec moi au moins la vie est brève, mais palpitante".

et ce monde des immeubles neufs et vides, tiré au cordeau, est comparé à l'ancien monde, celui des places "vagues" pour fêtes traditionnelles (1) :


Celui de la maison de famille, tout à la fois pourvoyeuse de ressources alimentaires et de l'abri de la forteresse. Aux murailles épaisses. En ruines. 


Ou du moins, non entretenue. Ici aussi, Trintignant est parti, étudier le droit dans les immeubles modernes.

J'ai aussi le souvenir d'un autre film, dont le générique de début est une longue descente d'un ascenseur extérieur à un bâtiment en construction, mais je ne retrouve pas la suite. Idem pour un autre encore qui se finit par une dérive aux confins de la ville, le lendemain d'une nuit de fête. Il me semble que l'un des personnages cherche à éviter la police...


Sinon, le système se retrouve chez Pasolini dès Accattone.


 
Notamment pendant sa promenade avec Stella.


Et je me demande si dans l'affiche originale, on ne voit pas Franco Citti marcher vers ou depuis l'un et l'autre points d'ancrage.

Comme si l'injonction était de choisir entre s'accrocher à un passé qui sombre, image du piéton fuyant la guerre, ou rejoindre ceux qui gagnent, sauter dans le train-en-marche-du -progrès, dans la voiture des gagneurs de la nouvelle génération, les costar-cravates qui prennent l'avion vainqueur, des industriels de Theorema et La Corruzione (avec  Jacques Perrin).



Mamma Roma, et le déménagement d'Anna Magnani, l'amour dans les zones péri-urbaines. Et voilà que Maman se prostitue pour offrir à son fils, qui ne la mérite pas, la liberté du scooter.



 Plus le desco boude, plus on s'avilit pour lui plaire en espérant son retour au bercail.



On me dira qu'en voulant faire la chronique de l'immeuble, j'ai fini par faire celle de la voiture. Mais c'est tout un : en construisant de l'habitat pas cher en périphérie des villes, on endette les collectivités, et on condamne le prolo à rouler pour aller rejoindre son usine de voitures, où il gagne de quoi faire le plein pour rentrer dans son pavillon dortoir. 

Et plus le prix du pétrole montera, plus les parois du gouffre s'écarteront, fanfarons...

Un million, c'est le nombre d'albums posthumes de Johnny Hallyday vendus. Même s'ils ne descendent plus sur le rond-points, les gilets jaunes continuent de se manifester.

Un million, c'est le nombre de jeunes Indiens (de l'Inde brahmanique) qui entrent, chaque mois sur le marché du travail. Chaque mois, c'est donc un million de nouveaux jeunes Indiens qui s'attendent à ce que, dans les années qui viennent,  le monde leur offre, en échange de leur dévoué travail après des études chèrement payées, un appartement ou une maison, une voiture, une télé, des vacances... La pente va être raide. 

Peut-être que, comme le 11 septembre, certains préfèrent sauter dans le vide que de la subir. C'est pour moi une partie de l'explication quant à l'augmentation des décès par overdose de TSO aux USA.




(1) Ceci dit, d'après Wikipedia, Antonioni aurait dit :  « Il est trop simpliste, comme beaucoup l'ont fait, de dire que j'accuse ce monde industrialisé, inhumain où l'individu est écrasé et conduit à la névrose. Mon intention au contraire, encore que l'on sache souvent très bien d'où l'on part mais nullement où l'on aboutira, était de traduire la beauté de ce monde où même les usines peuvent être très belles. La ligne, les courbes des usines et de leurs cheminées sont peut-être plus belles qu'une ligne d'arbres que l'œil a déjà trop vus (sic). C'est un monde riche, vivant, utile. »

Certes.