Rechercher dans ce blog / Find in this blog

mardi 11 novembre 2014

L'internationale situationniste et le bonheur

Cet article est une sorte de synthèse à la dialectique individu (ego) / collectif (demos) qui précède. Je vais vous mener un peu dans les montagnes russes, mais vous commencez à en avoir l'habitude. Cependant, vous allez devoir raccorder plusieurs des thèmes évoqués précédemment. Donc pour avertissement au lecteur non familier de mes blogs, il y a peu de chances que vous puissiez suivre le vol, sensation de n'importe quoi assurée.

Nous allons donc commencer par un incident domestique mineur. Une enfant de sixième fait ses devoirs scolaires, leçon d'anglais. Sa mère, bardée de diplômes comme mes ancêtres... illustre la leçon d'exemples tirés de Shakespeare.

Un de mes amis qui assiste à la scène dit à la mère à quel point elle semble prendre plaisir à enseigner. Sans le contredire, cette dernière tente de sous-estimer la portée de l'affirmation. Si fait, lui réponds mon ami, cela se voit, tu rayonnes de bonheur.
Il est vrai qu'on la sentait dans ces transports de la vocation qui sont antichambre de l'extase physique et mystique (c'est une enseignante repentie).
Poussant son avantage, mon ami lui dit qu'elle est radieuse et dégouline de bonheur.

L'enfant interrompt l'échange des adultes et en manière de défense de sa mère : " Et alors, c'est bien, non ? "

Là je fus clouée. Pas infranchissable, progrès " inconseillable", comment faire découvrir si tôt dans la vie à une enfant, que ce qui dégoulinait, c'était la satisfaction de l'ego ?

Tout ceux qui passent l'aspirateur savent que l'idéal serait de s'arrêter à chaque petit objet pour l'examiner afin de savoir si c'est un déchet, avant de l'aspirer, et savent aussi bien que si l'on procède ainsi, on passe une journée à aspirer une chambre. La situation commande donc de prendre le risque d'aspirer de petits objets précieux.

Il n'y pas de vérité dans laquelle se tenir, il n'y a que des situations qui exigent telle ou telle réponse adaptée aux circonstances. Cela nous renvoie au situationnisme (à l'envers, j'en conviens, mais poursuivons, si vous m'interrompez toutes les deux minutes, je ne finirai jamais).

Vous me direz : " Ce que vous nous annoncez là a été compris depuis longtemps par la démocratie qui abroge ses anciennes lois pour en créer de nouvelles". Certes. Sauf que le phénomène humain a pour caractéristique de faire de l'homme, et ce de plus en plus vite, de plus en plus fort, et de plus en plus collectivement, un être de culture.

Ceci signifie que l'évolution de " l'esprit des lois", un peu à la traîne de celui du corps, suivait, mais sans trop de retard, les conditions d'histoire et de civilisation du corps social dont il était censé être le reflet et la gouverne.
Si vous  conduisez un véhicule en regardant dans le rétroviseur, tant que la voiture va doucement et que la route ne tourne pas trop, ça peut bien se passer. Si la voiture accélère, elle va se dissocier de la route à plus ou moins long terme.

C'est ce qui est en train de se passer au sein de nos sociétés contemporaines. Il se trouve que la société contemporaine moderne a pour caractéristique, à cause des nouveaux outils de diffusion de sa culture, une tendance à se globaliser.

Mais cette globalisation n'est pas achevée. Nous avons donc, en plus, une voiture qui se trouve avoir plusieurs volants, plusieurs conducteurs, c'est à dire des cultures différentes mises ensemble dans un même véhicule (alors qu'auparavant, chacun avait sa voiture pour s'amuser sur son petit circuit à l'intérieur de ses frontières)..
Chaque culture regarde pour s'aider dans le rétroviseur de son passé. Certains y voient un passé spirituel millénaire, d'autres encore des statistiques sur une consommation de masse à peine séculaire, d'autres enfin toute une palette de cultures mixtes.

Ceci pour les déplacements de droite et de gauche, à hue et à dia.

Maintenant pour le déplacement dans l'axe de la route, la progression de la voiture est partagée (plus ou moins moins démocratiquement) entre les passéistes bétonneurs qui veulent figer le système, et les végétalistes progressistes, qui veulent une civilisation de lianes et de cabanes où chacun des individus ultra-éduqués est enfin laissé à ses instincts sauvages.

Ce n'est pas sans malice que je ramène ici et le ça et le moi freudiens, du moins leur version de comptoir. On voit les bétonneurs privilégier dans cette version le feu de camp, la chaleur du commun, la conservation du système, et que les végétalistes privilégient le pas de côté, l'éternelle différenciation d'une incessante individuation (au sens de Jung cette fois)

En effet, ceci peut paraître détoner avec les conventions habituelles sur les groupes politiques, qui veut que le bétonneur passéiste soit individualiste, qui veut que le végétaliste bohême soit un fêtard qui aime animer le territoire jusque tard dans la nuit de la magie du spectacle vivant.

Inverse également avec cette vieille image du petit-bourgeois qui ressent l'artiste comme un parasite, lequel suce le sang et les ressources d'une société où il fait chaud et bon vivre. La soudure est évidemment une fois de plus dans le public du feu de camp, le cercle des " convives" ou des " invités" (Cf le gâteau de mariage).

Autre détail avant que j'oublie. J'ai lu ceci : " Stephen/Télémaque et Deasy/Nestor ont deux conceptions de l'Histoire différentes. Deasy la voit avec une portée téléologique. L'Histoire mène vers une fin : la manifestation de Dieu. "

Sauf que toute histoire mène vers une fin, peu importe laquelle (fin). La téléologie, c'est beaucoup plus puissant que cela, c'est penser que tout ce qui se passe est orienté en vue de cette fin, qu'elle y concourt.

Mais cela encore, appartient à, et s'explique par la seule causalité. La téléologie veut qu'elle ne puisse pas concourir autrement que par ce qu'elle est et a été conçue en vue de, cela affecte donc sa nature. Ce qui va à l'encontre de la notion de système.
C'est comme un groupe d'hommes qui veulent faire avancer une pierre en la roulant. Ils vont se mettre tous du côté opposé à la direction préalablement décidée. Il ne s'agit pas de savoir si leur poussée mène vers un point, ce qui est le cas de toutes, fût-ce de la parousie, mais de trouver un sens à la position qu'ils occupent. Ce sens fût-il à chercher vers l'opposé de l'endroit où ils se tiennent, de l'autre côté de la pierre.

Et je me permets avant qu'on me tire de mon estrade, d'ajouter que ce mécanisme est puissamment inscrit dans nos structures cognitives, comme on peut le voir au point 3  de cet article de mon éminent confrère, Azaïl Aydyeing. : "un certain nombre de pictogrammes est nécessaire pour que leur composition fasse sens : chacune des touches n'est opératoire qu'à prendre place dans un ensemble qu'elle concourt à mettre en forme".

Il n'y a rien d'étonnant à cela. Dans les décennies à venir, nous allons retrouver dans nos mécanismes cognitifs la monuments de la pensée humaine, les fonctions statufiées dans la personne de leur auteur, et cela nous fera sourire.

A ce sujet justement, auriez-vous l'amabilité de nous dire, par volonté ou par hasard, où vous souhaiteriez nous voir venir avec tout cela ? Certes, j'y viens.

Ce qu je veux dire, c'est que tout système, prenons par exemple la langue, évolue par craquements. Imaginons que vous ayez construit un ballon fait de bandes de velcro. Si vous voulez agrandir le volume de votre ballon, vous devrez détacher une à une les bandes de velcro, la repositionner un peu plus loin (elle sera alors lâche par rapport au  reste, formant un pli, cette bosse significative dont je parle si souvent dans le muséum). Mais comme le langage doit continuer à fonctionner, chaque bande détendue sera repositionnée avant de passer à la suivante.

Eh bien de même l'esprit d'un individu évolue par craquements successifs, comme si les os de sa boîte crânienne devaient se décoller par paillettes ici et là pour pouvoir suivre l'expansion de son volume dans l'espace. Il y a des sauts qu'on peut imposer à l'esprit, à petites doses, d'autres qui lui sont préjudiciables.
A telle personne on peut donner une petite dose d'une drogue, qui aura des effets bénéfiques, pour telle autre la dose est trop forte, et cela l'envoie dans un mauvais trip.

Je fais donc le parallèle avec les conditions de complexité de notre époque. Le cerveau est une machine à apprendre, à déduire, à synthétiser. Les outils comme Internet, on le sait, mettent chaque année nos cerveaux en contact avec plus d'informations qu'une femme du moyen-âge en une vie.

Le même marathon est imposé aux collectivités, comme on l'a vu plus haut. Rien d'étonnant donc que le mot d'ordre soit la décroissance. Nos structures psychiques, nos institutions politiques, notre droit, ne peuvent plus suivre.
Nos structures individuelles et collectives ne sont pas prévues pour l'accélération qu'elles subissent. Il est donc devenu urgent de s'arrêter, de reprendre goût à la vie, et de réfléchir aux conditions du bonheur sur terre.

Mon souci est toujours le même : vox clamabat in deserto. Allons, rompez avec vos enfantillages. Oui, et non justement. C'est d'appeler, si nous voulons voir nos descendants vivre en paix, à adopter une motion dont je sais déjà qu'elle restera lettre morte. Freud aurait appelé ça de la mélancolie. Rions-en aussi.

Cette motion consiste à investir massivement dans un gros travail à la fois individuel et collectif, un peu à la pensée ce que Wikipedia est au savoir, de façon à faire émerger de nouveaux concepts, capables à la fois de rendre compte de l'état du monde, de s'en faire une représentation, et concepts capables de nous aider à prendre des décisions concernant la Polis.

Notre civilisation est actuellement comme un cargo en panne qui vient de rompre son amarre avec le remorqueur. Nous devons, je dis bien c'est un devoir, en dignes successeurs de l'An 1 (pour éviter " zéro - un"), tout poser, et toutes affaires cessantes, entamer un état des lieux, un état du monde, en formuler le résultat en termes compréhensibles par tous, afin d'être en état d'avoir les éléments de réflexions pour des décisions et des actions.
Et oui, nonobstant le demi-siècle écoulé depuis !

Figurant dans cette boîte à outils, il faudra un outil pour déterminer rapidement les contours et les règles de fonctionnement d'un système, quelles évolutions il est capable de supporter, quelles sont celles par lesquelles il faut commencer pour optimiser la migration lors de la reconfiguration.

Les systèmes (ou disons le système, puisqu'ils sont tous liés) étant à la fois des systèmes virtuels (les organisations) et humains (ces organisations en tant que corps de loi d'une collectivité, reflètent les passions humaines des individus qui les ont créées), il faut connaître et les lois de fonctionnement des systèmes, et les lois de fonctionnement de l'humain pour espérer limiter les dégâts.

Les sciences, des deux côtés, sont jeunes, elles sont nées avec le XXème siècle. Si elles sont nées, c'est que leur grossesse était à terme, et révolus les systèmes de pensée qui leur dont donné naissance. Mais il se trouve que les marchands du temple ont trouvé le moyen de remettre les machines en route, et que les pilotes, eux, ont été transférés dans le remorqueur.

Au début de la croisière, les Rapetou ont réussi à faire croire à un nouvel évangile, celui du pognon, et qu'à l'arrivée de la croisière, tout le monde en aurait plein les poches. Hélas, les jours passant sans terre en vue, l'ambiance à bord se dégrade.

Il y a un peu deux réactions face à cela. Celle qui consiste à penser que pour agir efficacement sur cette horde de pirates en passe de revenir à l'état sauvage, il faut un chef qui fonde un clan genre viking, avec gros muscles et grosse hache, et qui instaure l'ordre par la terreur. Cela ne fera que reculer le cargo de quelques centaines de kilomètres en arrière, au moyen-âge avant qu'on traverse la zone dangereuse des récifs.

Ou alors tenter in extremis d'amener toutes les bonnes volontés à appuyer ensemble dans la bonne direction pour que les pilotes puissent remonter à bord, et trouver quelque chose pour calmer l'équipage en attendant.

 Pour cela, il faut, ne serait-ce que pendant un temps, et pendant cette situation, en admettant qu'il soit capable de supporter cette modification, en connaître suffisamment sur le système pour savoir où il faudrait appuyer pour le faire évoluer. Car les bonnes volontés seront rares, les compétences tout autant, la fenêtre d'action extrêmement réduite.

Ce qui pose (je vous rassure, tout cela va bientôt cesser, Rolande est un peu fatiguée de souffler dans son cor...) la question, pour revenir à la fameuse réplique de l'enfant : " Et alors, c'est bien, non ? ".

Ne vaut-il pas mieux être bête et innocent ? C'est peut-être cela, le secret de l'éternelle jouvence. Disparaître avant que de devenir trop évoluée, pour que les forces neuves de l'imbécile jeunesse puissent à nouveau tout ravager et renouveler la face de la terre.

C'est ça la vraie question. Disparaître. To appear or to disappear, that is the (new) question. Oui, c'est bien, le bonheur. C'est vraiment bien, et il faut laisser les gens dedans le cas échéant.

Et l'IS, là dedans ? Je pars donc de cette émission, qui va me permettre de reformuler ci-dessous exactement les mêmes idées

Il s'agit du " parcours d'un groupe".

" Ce qui constitue l'originalité de cette avant-garde [...] est  qu'elle intervient à un moment où l'idée même d'avant-garde a commencé de s'épuiser, un peu, de se routiniser.  [...] L'idée d'être dans une posture d'avant gade et de rompre avec l'académie, ça existe depuis le XIXème siècle
[...]
Comment être encore une avant-garde ? 
[...]

Pour comprendre [...] leurs pratiques et leurs idées D'où une nécessité,

ces artistes ayant été formés par les exigences de courants comme le surréalisme [...] de trouver le moyen de réaffirmer l'authenticité de ces postures.

Ce qui va passer [...] par une radicalisation, et notamment une radicalisation politique, ce qui va passer aussi par un contrôle très attentif de l'usage du label qu'on peut faire dans les milieux de l'art.
[...]

On va faire attention à ce que telle oeuvre artistique ne soit pas labellisée " situantionniste" si....

Guy Debord met donc en oeuvre un certain nombre de stratégies.

La réaffirmation de cette authenticité se produit d'abord sur le terrain de l'art. C'est là que naît ce mouvement avec un lien fort avec des peintres, notamment ceux issus d'un mouvement qui est déjà terminé, qui est Cobra, [...] c'est l'un des axes majeurs avec par ailleurs une forme de relation aussi avec le mouvement surréaliste

Alors ça se situe sur le terrain de l'art, ceci dit, dès les premiers temps du mouvement, il y a tout un discours ambitionnant de dépasser l'art dans ses formes traditionnelles, c'est à dire l'art réduit à une forme de production d'oeuvres esthétiques.
On va ensuite contempler passivement.
Cela se joue sur le terrain esthétique, enfin en tout cas sur le terrain artistique, mais de manière assez radicale, l'idée va être d'investir de nouveaux terrains comme l'architecture, le cinéma...
non plus dans l'optique de créer des oeuvres d'art, mais de créer des situations. c'est leur mot

- Faut dire qu'on est un certain temps déjà après les ready-made, donc quand on veut créer une avant-garde à ce moment-là, on ne peut pas faire comme si Duchamp n'avait pas existé.

C'est pris en compte dans leur positionnement, c'est ce qui assure une forme de réflexivité chez ces gens là
c'est qu'on a déjà des exemples de personnes qui ont essayé de dépasser l'art, comme Duchamp, comme les surréalistes, et au final

Le surréalisme est devenu un courant esthétique comme un autre.

Cette problématique qui les anime :

Comment faire pour ne pas subir le même sort ?

La dimension politique est là en germe dès le départ "

----- Fin de citations tronquées pour récupérer ce que je veux garder.

Ce que j'en retiens, c'est la quasi nécessité, passé un certain degré qu'on peut éprouver à " fuir pour survivre".  (Même les galaxies l'ont compris, elles s'éloignent les unes des autres à des vitesses croissantes.)

D'où vient cette fuite ? Curieusement le mécanisme fondateur semble être celui que craignent les fabricants de parfum lorsqu'ils ont affaire aux contrefaçons. On parle bien de " label" à l'origine.

L'oeuvre artistique est labellisée, c'est à dire qu'elle est avant tout un objet unique. La sacralisation dont elle bénéficie par la labellisation la transforme par là en " micro-académisme" qu'il faut fuir aussitôt.

C'est à dire lorsque le changement n'est plus fondé sur un souci d'originalité, mais sur un impératif de survie. On l'admet pour une avant-garde artistique. Et encore, lorsque je dis "on l'admet", on ne l'admet ni pour la création artistique en général, et encore moins pour un individu.
Et pourtant, il faut qu'elle survive en temps que mouvement. Cf. les tiraillements entre le nouveau pour le nouveau et le néo-réalisme, qui nous agite en ce moment, entre un art niais et une art guiness-book-of-records.

L'émission me permet de faire un parallèle dans le diagnostic entre l'artiste qui ne peut pas rester dans les modèles convenus, et la personne qui ne peut pas rester dans un " bonheur simple" .

La gestion des étapes de l'évolution psychologique de la vie ne peut pas se faire uniquement avec des oeuvres d'art " objet", il faut un accompagnement psychologique, ainsi qu'un cadre politique.

De même que la démocratie impose au citoyen de " trouver bien" les frontières des catégories qu'on lui propose (et nous l'avons suffisamment montré, la prestidigitation linguistique précède l'usage de la matraque), le groupe social dont nous héritons notre culture nous transmet par le fait même, et sans intention de le faire, les injonctions se référant aux périmètres de structure.

Mais au niveau le plus intime, le troisième, celui de l'être, ce sont les fondements de notre civilisation qui nous transmettent certaines valeurs sur la vie.

Ceux qui n'intègrent pas comme la majorité les modèles politiques sont vus comme de simples militants, voire de dangereux extrémistes. Ceux qui n'intègrent pas comme la majorité les modèles culturels sont vus comme génies ou des fous selon les modes. Ceux qui n'intègrent pas les modèles ontologiques peuvent passer pour des originaux, des artistes, ou alors développer très tôt des pathologies mentales de souffrance qui peuvent les conduire plus ou moins longtemps sur la route hésitante du suicide.

Pour le système politique, on peut en sortir. Pour le système culturel aussi bien sûr, mais c'est aussi  compliqué. Il fallait à l'artiste suivre une longue période d'obédience, qui amène gloire et fortune, pour lui permettre de se libérer du carcan et faire craquer un peu le modèle. " Permettre" seulement, car la plupart y renonceront, par goût du confort.

Pour le niveau personnel, c'est encore plus compliqué.

Ce que je cherche à montrer, c'est que la " bénédiction épiscopale " que Duchamp a donnée, ordonnant chacun prêtre dans l'ordre de l'art, a été en quelque sorte trop brutale, le système culturel a eu du mal à la digérer comme une potion donnée en overdose, tout comme le système collectif n'a pas pu faire évoluer les lois assez vite face aux évolutions récentes, tout comme le système individuel en a été laissé démuni face au principe de réalité.

La démarche artistique accompagnée, combinée à d'autres techniques douces, de médication ou de parole, d'hypnose, de psychanalyse, de substances douces, permet de faire évoluer les choses en " pas à pas", d'effectuer ce constant glissement, ce pas de côté qui nous permettra d'arriver plus rapidement à être notre propre avant-garde, de redevenir notre pilote.
" Les choses ", c'est à la fois chaque individu, aussi bien que l'ensemble de la collectivité.

Cette perte de sens due à une prise de conscience précoce est donc une urgence de santé publique :  Si on veut, préalablement à la sauvegarde de l'équipe de pilotes, disposer encore de gens disponibles pour initier des changements de cap (ce ne sont ni les escrocs, ni les moutons qui sont restés à bord du cargo qui le feront), il faut éviter qu'il y en ait trop qui se jettent par dessus bord.

Billancourt, c'est fini. C'est le reste qu'il aurait fallu éviter de désespérer, et vite.

Maintenant, j'ai parlé, continuerai-je de chanter sur le web du Titanic telle une cyber-Cassandre ?

A titre personnel, ce que j'en retiens, c'est que c'est à moi de me retenir .Il y a des gens  à qui je ne conseillerai plus d'évoluer à titre individuel. Je ne vais pas aggraver la crise générale par mes actions particulières. C'est triste, mais il me faut ronger mon frein. Les relations sociales, pour pourries qu'elles soient, restent un élément positif, et tant que l'individu est encore dans le " Et alors, c'est bien" autant le laisser tant qu'il est autonome, pour pouvoir s'occuper des autres plus malades
Le cerveau gonfle de toutes les infos qu'on lui fournit, mais si on lui en donne trop, le ballon explose dans la tête, et pour tenir le coup : drogue, alcool, dépression, suicide... On va y aller doucement.

Enfin, et là je reboucle encore avec autre chose : On me dira que j'aurais pu dire tout cela, et en mieux, avec un roman. Certes. Mais ce serait plus long et je trépignerais trop pendant ce temps là.

samedi 8 novembre 2014

Demos tombe à l'eau, Ego le remonte ?

Pour contrapuncter avec ce qui précède, prenons l'exemple d'une maison où vivent une petite dizaine (au moins) de personnes en vacances.

Dans la salle commune, on décide de mettre de la musique, mettons une radio musicale pour adolescents grand public. Sur les dix, neuf personnes sont satisfaites par ce choix. La dixième supplie les autres de n'en rien faire, leur assurant que cette musique est pour elle une véritable torture.
Les autres vont faire droit à cette requête par charité, disant que fussent-ils mille, ils ne sauraient admettre une mesure qui fait souffrir une seule personne.
On décide alors de mettre une douce musique de harpe, qui satisfait tout le monde, sauf la onzième personne (finalement ce sera une grande dizaine) qui entrant à ce moment dans la maison, dit que la harpe la stresse horriblement, car cela lui rappelle un traumatisme d'enfance.

Je vous passe la suite. Alors allez-vous me dire, toute société est impossible ? Je plaide pour une marge d'optimisation.

Etant donné que l'individu sait ce qu'il est (ego), du moins le sent, car cela peut varier au cours de la vie (vous pouvez supporter la musique sauf lorsque vous êtes souffrant, par exemple), et que l'individu n'a de demos qu'une vision floue, malgré le fait qu'on lui demande de s'en imposer les vues, il semble naturel que l'individu ait vis à vis de demos une certaine marge de tolérance.

Mais que demos vienne à exiger de ego un écart trop grand par rapport à ce qui est souhaité (besoin, désir ou morale), il y a rupture du contrat social. Enfin rupture, disons tension.

Ce que je propose est donc dès l'école primaire, de rechercher dans quelle zone un enfant se situe, cet enfant, au centre de quelle zone son ego semble positionné; Ainsi on aura plus de chances qu'il soit heureux, non dans un espace unique pensé pour tous comme si tous les enfants étaient semblables, ce qui est le cas actuellement pour toutes les options d'éducation, mais dans un espace adapté.

Il ne s'agit pas bien sûr de cherche comme on part aux champignons, mais de situer, à travers des observations faites au cours d'activités, le positionnement " spontané " de la personne. Et je ne dis pas d'activités orientées. Je pense qu'avec un peu d'écoute sur le cours quotidien des événements, on obtient suffisamment d'informations.

Bien entendu, on récoltera plus si on a une classe qui part en forêt ramasser des champignons que si l'on benne des zombies bardées de plus de protections qu'un débutant en full-contact, au bord d'un tapis en plastique mou pour être sûr qu'une norme mal appliquée ne vienne pas expédier l'instituteur en prison.

Une telle latitude existe déjà : chacun, dans la mesure de ses moyens, habite à la ville ou à la campagne selon qu'il aime le bruit ou pas. C'est cette latitude qu'on pourrait utilement agrandir, par exemple, en facilitant la possibilité offerte à l'individu de s'entourer  " à sa mesure".

Je veux dire par là que le seul secours pour vivre selon ses propres règles est d'acheter une maison entourée d'une grande surface protectrice, et qu'on pourrait peut-être orienter un peu les choses dès l'enfance pour faciliter à l'individu, même peu fortuné, la possibilité de trouver un environnement qui lui convient.

On me dira qu'on organise la ségrégation, et que pour satisfaire les besoins du groupe des calmes, il faudrait allouer à chacun une propriété d'une dizaine d'hectares. Bien. Mais on peut sans doute progresser entre la situation actuelle et cette thébaïde, non ?

On voit d'ailleurs que la question se pose dès l'école. Pourquoi obliger tout le monde à faire des maths pendant des heures, notamment aux danseuses, qui devront se débrouiller à s'épuiser after hours, et ne pas imposer à tout le monde dix heures de danse par semaine, quitte aux matheux à voir avec les associations le soir ?

On me dira que tout cela coûte très cher. Certes. Comment répondre alors à la question de savoir si la société est faite pour assurer le bonheur de chacun, sous peine de n'avoir pas à exister ? Et je passe sur la contradiction.

Il y a une planification d'ensemble qui est censée satisfaire ma majorité. Soit, et à ce propos, on me dira qu'il y a des gens qui se sentent très bien à vivre en société, et entouré d'autres. C'est un fait indiscutable, mais sa critique revient à boucler sur la notion d'individualité, l'ancre échappe ici vers l'article sur l'IS.

Si on se réfère aux études de la psychologie cognitives sur les tentations inférentielles, aux probabilités pour l'échantillonnage dans les questionnaires, et à l'hystérésis due à la complexité des prises de décision en matière de politique en démocratie, peut-on dire que les décisions politiques prises en 2014 par du personnel né au mieux dans les années 1960, personnel élevé dans les idées de leurs parents nés en 1930, soient vraiment en phase avec la majorité des individus ?

C'est décaler la question vers : " Quand bien même la démocratie se donnerait cela pour objectif, s'en est-elle donné les moyens à l'heure d'Internet et plus d'un siècle après les balbutiements de la psychanalyse ?"

C'est ici que je vais fusionner avec les allusions de cet article. Bien que John Moullard, cet immense plasticien du XXIème siècle, ait à maintes reprises pointé les conséquences nuisibles de la confusion entre l'espace du langage et celui de la réalité, il m'échoit d'en préciser certaines autres.

D'abord celle du Tertium non datur. En logique pure, peu importe, mais en démocratie, cela tire à conséquence. En effet, imaginons la conversation d'une personne A qui fait un reproche à une personne B, lui disant : " Ce que tu fais là est une bêtise ". " Ah oui, lui répond B, " c'est quelque chose d''idiot ? " - Oui
Parce que tu sais toi ce que sont les bonnes choses et les mauvaises, tu sais ce qu'est le bien et le mal ?

Et là, évidemment, A reste le bec cloué : il ne peut prétendre discerner le Bien du Mal. A titre individuel, cet exemple ressemble à de la psychologie de comptoir, et pourtant, le même mécanisme fonctionne à l'échelle collective.

Mais avant, examinons le point douloureux. Il est évidemment dans le Tertium non datur. En langage, on peut créer deux classes dont les membres s'excluent mutuellement par leurs propriétés : le jour, la nuit, le blanc, le noir, tout cela fonctionne admirablement, quand dans la réalité c'est l'inverse, tout se déroule dans des aubes et d'interminables crépuscules, où les notions claires fonctionnent comme des idées-limites pour la connaissance, mais où elles n'ont pas ce privilège exorbitant de fonctionner en certitudes et en termes de loi.

C'est pourtant cette transgression que nous avons osée, et le propos d'avocat " tout se plaide" en témoigne. B a récusé l'accusation de A au titre qu'elle était infondée, puisque son fondement était une distinction impossible entre le bien et le mal.

Or c'est ce que la République propose au citoyen à travers le contrat social, quand on a évidemment la chance de vivre en démocratie, en lui disant " une majorité d'individus a décidé qu'en vertu de [ce qui est bien et mal], consensus interne au langage, cf. les articles mentionnés (point 2), tu dois te conformer à ceci ou cela".
Sans parler du caractère catastrophique des mécanismes de représentation, qui frise l'escroquerie, aucun membre de cette clique n'oserait prétendre à titre individuel savoir discerner le bien du mal.
Que ce soit dans l'espace (les Pyrénées) ou dans le temps, la sagesse populaire sait depuis longtemps que la vérité d'hier sera moquée demain, et que ce qu'on tourne en ridicule aujourd'hui sera adoré demain.

Pourquoi  ? Parce qu'il n'y a ni bien ni mal autre que des conventions de langage, ou pour le dire mieux, il n'y a ni bien ni mal ailleurs que dans le territoire où règnent les conventions du langage, tout simplement parce que le bien et le mal n'existent pas, seuls existent les mots " bien " et " mal", lesquels n'existent que à l'intérieur du langage, et que, en vérité, dans l'espace de la réalité, le tiers est donné, offert en permanence, qu'il circule comme les plateaux de petits fours à un séminaire interministériel sur la précarité en milieu rural.

Je n'irai pas plus loin là-dedans. Je voulais juste signaler que le langage est un outil qui peut être utilisé dans le sens de l'oppression ou de la libération. Et que si on portait à ces questions une attention soutenue, si on se donnait les moyens de traiter chacun de nous avec douceur au lieu de se servir d'oppositions imaginaires pour se contraindre les uns les autres, on vivrait collectivement dans un monde plus confortable.

C'est à dire à faire coïncider bonheur individuel et intérêt général, en rapprochant les désirs de chacun et les règles communes, donc d'harmoniser le corps social, au lieu de le travailler par des ségrégations plus ou moins bien venues.

Mais ce sujet, ma pauvre ! Vivre mieux, personne n'y a intérêt, vous n'y songez pas. Vous aurez donc soin de continuer comme par le passé, à ne pas prêter attention à mes discours, et à aller voter pour l'un des deux candidats qu'on vous propose, puisque vous avez bien digéré que le tertium est non datur.

N'empêche, tant qu'il me restera un peu de force et quelque moyen, je pousserai. La ligne invisible de partage des eaux entre le transhumanisme évoqué ici et une prise en charge spirituelle hors de la technologie est sans doute une future ligne de fracture idéologique majeure.

Elle se dessine sous nos pieds et il est temps de provisionner de la réflexion dessus. Clarifier la façon dont le langage construit et entretient le rapport de l'individuel au collectif en est un préliminaire important pour passer de l'âge des idéologies à une nouvelle ère.